Carte postale, par Panagiotis Grigoriou

Billet invité. Également sur son blog Greekcrisis.fr.

Carte-postale

Soleil couchant. Les visiteurs du pays et du moment auront très justement adoré son côté carte postale. Les chats d’Hydra par exemple, ses autres animaux insulaires, sa cohue enfin, de saison. La vie est certainement belle, et d’ailleurs, pas nécessairement celle des autres. La presse grecque de cette fin août évoque la rareté et en même temps, brièveté, des vacances des Grecs. Août finissant au pays carte-postale.

La Grèce carte postale. Hydra, août 2017

Le 15 août étant déjà un souvenir distant, Athènes se remplit de jour en jour. “À l’année prochaine et passons un hiver si possible clément”, tel est le souhait traditionnel de cette fin août exprimé entre Grecs. En effet.

Dans les îles, les petits pêcheurs arrivent toujours à bon port pour y vendre leurs prises directement, le succès est assuré. La vie locale, celle qui est travaillée ne s’offrira pas forcement au premier regard des visiteurs. Tôt dans la matinée sur le port d’Égine par exemple, et pendant que les touristes sommeillent à l’hôtel ou à bord d’un voilier amarré, les marchands de primeurs étalent leurs fruits devant leurs bateaux fixés car muées en étals.

Leur sourire supposé habituel n’y est pas, le temps presse. La messe du dimanche se termine et les premiers clients vont bientôt arriver. À certains cafés d’Égine fréquentés par les habitants, le temps révolu semble être alors figé, prenant explicitement la forme de la décoration murale des lieux. Photographies et publicités d’antan suggéreront ainsi une certaine durée, voilà en tout cas pour ce qui relève du strict domaine des impressions récurrentes.

Autres animaux. Hydra, août 2017
L’arrivée des pêcheurs. Golfe Saronique, août 2017
Marchand de primeurs. Égine, août 2017

Les habitants du matin, sensiblement plus matinaux que les touristes y boivent leur café, si possible grec, car l’espresso des cafés traditionnels n’est souvent pas leur point le plus fort. Les discussions tournent fatalement autour des conditions météorologiques en passant par le football, pour y arriver fatalement à la politique. “Vous de SYRIZA, vous salopez le pays, vous n’aimez pas la Grèce, vous la détruisez”.

“Tu ne peux pas dire cela lorsque les vieux grands partis ont gouverné de la sorte depuis la fin de la dictature des Colonels.” “Taisez-vous les gars et souvenez-vous des faits réels car vous avez l’âge, la dite dictature des Colonels avait mieux géré le pays que vos maîtres démocrates”, voilà pour ce qui tient de l’autre… couleur locale.

La messe du dimanche se termine, et le mendiant des lieux renforce… sa démarche auprès des fidèles sans trop de succès il faut dire. Signe aussi des temps, lassitudes. Sous ce si grand soleil levant du mois d’août, j’ai traduit pour les participants à mes programmes “Greece Terra Incognita” toute… la force de ce jugement déjà très vulgaire, peinturluré sur une cabine téléphonique près du musée archéologique d’Égine.

“Varoufákis, indic, traître, paresseux, gigolo de rigolade, profiteur et salopard, méchant homme”, voilà pour cette… “diatribe”. Tout le monde sait que Varoufákis et son épouse de la classe aisée, possèdent une belle villa sur Égine, jadis fréquenté par la famille Tsipras, ceci expliquerait peut-être un peu cela.

Au café des habitants. Égine, août 2017
Avant la sortie de la messe et le mendiant. Égine, août 2017
“Varoufákis, indic…”. Égine, août 2017

Plus intelligemment, les personnages de Varoufákis et de Tsipras sont caricaturés pour les besoins du spectacle écrit par Aléxandros Kollatos, “Yanis et Alexis”. La pièce m’a été présentée par Aléxandros Kollatos (‘Yanis Varoufákis’) et Antonis Ziogas (‘Alexis Tsipras’) en avant-première au printemps dernier. Je constate que depuis, cette admirable satire politique connait alors le succès mérité, d’ailleurs Yanis Varoufákis l’a jugée fort réussie et quant à Alexis Tsipras, il n’a jamais voulu réagir.

Lorsque le spectacle avait été représenté à Égine en août 2017 (et ensuite à Hydra), il a été remarqué par ceux de la presse francophone, à l’instar du “Temps” de Genève: “Alexandre Kollatos, comédien et auteur franco-grec, prononce sur l’île d’Égine quelques mots à l’issue de la représentation de sa dernière satire, ‘Yanis et Alexis’: ‘Déçu par ce couple politique que j’avais pourtant soutenu et pour lequel j’avais voté, j’ai écrit ce texte pour faire rire.’ Les deux principaux personnages de la pièce sont Yanis Varoufákis, ministre grec des Finances, et Alexis Tsipras, premier ministre.”

’Yanis et Alexis’ à Hydra. Août 2017

“Au premier semestre 2015, le duo avait tenu en haleine toute l’Europe, tentant de mettre un terme aux politiques d’austérité imposées au pays depuis 2010 et de les remplacer par des solutions alternatives. Les négociations avec les créanciers du pays dureront six mois, avant de se solder, face à l’intransigeance de leurs interlocuteurs, par des résultats décevants : la signature d’un nouvel accord avec l’Union Européenne, la BCE et le FMI, qui impose à la Grèce de nouvelles mesures d’austérité, et la démission de Yanis Varoufákis. Cette période sert de trame à Alexandre Kollatos. L’auteur transforme le duo aux manettes du pays en un couple passionné, qui se débat à Bruxelles et rompt au bout de six mois.”

“La satire séduit. Ce 13 août au soir, la centaine de chaises déposées devant la scène en plein air n’ont pas suffi pour accueillir le public : il a fallu en réquisitionner dans la maison voisine. Un tel engouement n’est pas un hasard. SYRIZA est en chute libre dans les sondages et la déception gagne la population.” (“Le Temps”, 24 août 2017).

Après l’incendie sur l’île de Spetses. Août 2017 (presse grecque)

Mais dans l’autre vraie vie estivale, les incendies criminels et politiquement significatifs sévissent un peu partout en Grèce. Après l’île de Spetses (où fort heureusement le feu a été rapidement maîtrisé), c’est en mer Ionienne et plus précisément à Zakynthos que plus de 75 incendies se sont déclarés depuis le début de la saison (presse grecque du 27 août).

Certains en Grèce prétendent que ces incendies, toujours d’origine criminelle, accompagneraient en quelque sorte la future carte énergétique… de la colonie Helladique, entre passages des futurs oléoducs et gazoducs, et futures exploitations des gisements pétroliers et gaziers. Dramatisation ?

Cependant, et au soleil couchant, les visiteurs du pays et du moment adoreront surtout et d’abord son côté carte-postale et nous avec, dans la mesure du possible. Sur une île seulement habitée d’une petite famille d’éleveurs, nous avons ainsi pu rencontrer l’animal semi-adespote des lieux, et les étables, pendant que les troupeaux se trouvaient en dehors pour paître… en liberté toujours surveillée.

Soleil couchant, île du Golfe Saronique. Août 2017
Les étables de l’île. Août 2017
Les étables de l’ile. Août 2017
Le chat semi-adespote de cette île. Août 2017

Mieux entourés… dans leur carte-postale, les visiteurs du pays photographient comme nous d’ailleurs les chats d’Hydra, île de caractère comme on aime dire non sans raison, une île aussi très fréquentée. Son tourisme, y est presque de masse et il faut attendre les mois d’automne et je dirais même d’hiver pour mieux retrouver l’inégalable atmosphère hydriote, celle ayant tant inspiré Leonard Cohen, ou nos poètes comme Odysséas Elytis.

Les plus chanceux parmi les visiteurs, ont même pu suivre la litanie de l’Icone de la Panagía (titre porté par la vierge Marie dans l’Église orthodoxe) sur le port de l’île, de nombreux Hydriotes, tout comme les officiels et les marins présents ont également assisté à la cérémonie marquant les neuf jours de la Dormition de la Sainte Vierge.

Les bars ont pour un bref moment enfin baissé le volume de leur “musique”. Fort heureusement dans un sens, les cartes-postales encore vendues aux touristes ne sont pas… sonorisées et seules quelques photos de jadis intelligemment exposées ici ou là, rappelleront parfois aux visiteurs, certains aspects de l’économie d’antan. Images un peu floues ainsi exposées, entre les éponges péniblement pêchées par les équipages près des côtes de l’Afrique du Nord jusqu’à la première moitié du siècle précédant, ou encore plus près de nous, la… construction hôtelière plus récente, celle des années 1970.

Café à Hydra. Août 2017
Devant l’Icone de la Sainte Vierge. Hydra, août 2017
Métiers de jadis. Photo à Hydra, août 2017
Construction hôtelière des années 1970. Photo à Hydra, août 2017
Photographie animalière. Hydra, août 2017
Chat d’Hydra, août 2017

Temps et lieux d’alors et de l’effort, voire parfois d’une intense concentration. La couleur locale actuelle selfilisée en rajoutera une… ultime couche à sa sauce, durant l’été en tout cas. Les chats d’Hydra contempleront sans doute encore la mer d’après nos postulats anthropomorphes, et c’est aussi de saison.

Dans le Péloponnèse et plus précisément à Hermione, non loin d’Hydra, le retraité grec paupérisé laisse éclater tout son emballement suite à sa prise… un petit poulpe plus exactement, les touristes de passage ont sensiblement applaudi, la carte-postale est ainsi restée intacte.

Retraité pêcheur. Hermione, août 2017
Retraité pêcheur. Hermione, août 2017

Notre carte-postale se voudra inlassablement harmonieuse et elle apparaîtra toujours de la sorte, il faut le souligner.

Entre deux escales et pendant que leurs clients visitent les lieux et autant les apparences de la toute dernière Grèce, les skippers professionnels iront boire leur café du mérite pour discuter mer, falaises et météo. Les sujets dits politiques demeurent et demeureront inabordables. L’autre vie, gagnée ou perdue au labeur comme à l’inactivité fait aussi péniblement partie du paysage du présentisme grec actuel, au futur d’ailleurs inabordable car inconnu pour la majorité des habitants… de la carte-postale.

Ma saison de… travailleur “Greece Terra Incognita” n’est pas terminée, et nos curieux et cultivés visiteurs auront parfois du mal à comprendre ce que signifie… l’abolition dans ce pays, du temps comme du futur potentiellement perceptibles. D’ailleurs ils ne visitent pas la Grèce que pour comprendre… et nous les comprenons.

Couleur locale. Hydra, août 2017
Ancre issue de la période antique. Musée d’Hydra, août 2017

Grèce côté carte-postale, soleil surtout couchant. Chats d’Hydra et d’ailleurs, mouillages face au vent aux traces des mouillages anciens, eaux territoriales de l’instantané rajouté.

Remarquables réalités augmentées parfois privées de sens, la vie… est certes belle, carte-postale et alors selfies !

Animal adespote. Hydra, août 2017

* Photo de couverture: Chat d’Hydra. Août 2017

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  1. @ Hervey Et nous, que venons-nous cultiver ici, à l’ombre de notre hôte qui entre dans le vieil âge ?

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