Bruno Iksil : ce qui s’est vraiment passé (III) Le « trader » était un quatuor : Dimon, Drew, Macris et Artajo

Billet invité. Ouvert aux commentaires. P.J. : j’ouvrirai bien entendu volontiers les colonnes du blog à d’autres acteurs de cette affaire s’ils le souhaitent.

Le « trader » était un quatuor : Dimon, Drew, Macris et Artajo

Si on fait un bilan factuel des attributs d’un trader, le trader se voit affecté un portefeuille sur lequel il a une large discrétion. Il choisit les risques qu’il prend. Il doit s’assurer de fournir une valorisation raisonnable de la performance de ses opérations. Il doit respecter des limites qui sont définies en même temps qu’un budget que la direction lui demande d’atteindre. En échange, le trader se voit rémunéré très généreusement au fil des ans s’il parvient à atteindre son budget 3 années de suite en général. Le trader est recruté le plus souvent pour opérer sur des produits qu’il choisit lui.

Cette liste est souvent figée et évolue peu sauf si certains produits n’ont plus cours. Le trader en général est un spécialiste qui se concentre sur une poignée de produits sur lesquels il espère acquérir un avantage d’expert. Si on fait donc la liste des attributs typiques d’un trader on a : discrétion dans les risques pris, discrétion dans le choix des instruments, limites, objectifs-budget, rémunération indexée aux objectifs, valorisation estimative.

À quoi Iksil était-il rattaché parmi ces attributs ? Rien ou presque. Iksil avait seulement une discrétion de 2-3 jours relativement à l’exécution dans les marchés. Contrairement au stéréotype, les gros traders passent en général par des « petites mains » car ils n’ont pas envie de perdre leur temps en vaines palabres avec les teneurs de marché. Grout lui avait une discrétion mais limitée elle aussi sur la valorisation quotidienne : c’est lui qui avec l’accord d’Artajo communiquait les prix de valorisation propres au CIO.

Qui donc était le « trader » pour cet énorme portefeuille ? Dans la pratique même Artajo n’était qu’une partie du « trader ». Artajo était la partie « opérationnelle » mais pas le « propriétaire » du portefeuille.

Qui était donc ce mythique « trader » alors ? Qui choisissait les instruments in fine pour implémentation ? Qui avait un objectif de rentabilité à atteindre pour ce portefeuille ? Qui définissait les risques à prendre et le timing ? Qui avait des limites en VAR et autres à respecter ? Le rapport du Sénat américain du 15 mars 2013 est limpide dans sa description des limites du CIO qui furent continuellement ajustées à mesure que l’énorme portefeuille de tranches explosait les contraintes établies précédemment. Le seul décideur ici, le dénominateur commun, c’est le PDG Jamie Dimon. Il déléguait certes à Ina Drew la mise en œuvre de ses choix de trading stratégiques une fois qu’ils étaient finalisés dans tous les détails envisageables. De son côté, Ina Drew déléguait à Achilles Macris l’exécution de ces stratégies de trading détaillées au mois le mois. Lequel se reposait entièrement sur Artajo au jour le jour comme il l’expliqua à Iksil début 2007. Et Artajo était depuis toujours l’homme de confiance de Macris ici. Selon l’étude menée par la commission d’enquête du Sénat américain, le quatuor avait sa rémunération indexée à la performance du portefeuille, ce qui n’était visiblement pas le cas d’Iksil. Le « trader » mythique est donc en fait facile à identifier pour cet énorme portefeuille de tranches. C’est le quatuor : Dimon-Drew-Macris-Artajo. Pourquoi la banque n’a-t-elle jamais su dire les choses si simplement ?

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