LES EAUX DORMANTES DU VIX, par François Leclerc

Billet invité.

Déroutantes, les crises politique et financière ont en commun d’être imprévisibles, ce qui en fait le sel. À ceci près que les financiers se sont donné un indicateur pour y remédier, à la différence des politiques. Affublé de l’acronyme VIX et surnommé l’indice de la peur, il mesure la volatilité enregistrée sur les marchés et fait autorité.

Mais il lui a été trop accordé, car il ne suffit pas de calculer la volatilité, devenue essentielle au bon fonctionnement du système financier après le choc de la crise des subprimes, il faut ensuite savoir correctement interpréter le résultat. Ce qui a dernièrement conduit les analystes à s’inquiéter de son niveau, car il a rejoint son plus bas de 2007, à la veille de la crise des subprimes. Que cachent ces eaux dormantes, s’interrogent ceux qui ont appris à accorder chichement leur confiance et, quand ils ne sont pas en représentation, à ne pas afficher de certitudes ? Ils s’y perdent en interprétations contradictoires dans le contexte inédit créé par les mesures des banques centrales, avec pour effet un bas taux d’intérêt et l’injection massive de liquidités. Déplorant les dysfonctionnements qu’ils induisent, ils redoutent les effets de leur retrait.

À l’heure où tous les indices et taux sont mis en question par les plus clairvoyants – le dernier en date et le non moins important étant celui du chômage – quelle confiance peut-il être accordée au VIX ? La sérénité des investisseurs dont il rend compte n’est-elle pas profondément irrationnelle dans un monde si perturbé ? Pour le moins, le paradoxe mérite d’être relevé.

Les mêmes investisseurs peuvent souffler après s’être fait une bonne frayeur avec les élections françaises, mais leur soulagement est à courte vue. Non pas tant en raison de la déconvenue de Theresa May et de la réussite de Jeremy Corbin, que de la situation en Italie. Le rapport annuel du FMI sonne à ce propos le tocsin, avec un constat sévère et sans appel : la croissance y atteindra 1,3% cette année et plafonnera ensuite à 1% de 2018 à 2020.

Comment sera-t-il possible, dans de telles conditions, d’équilibrer le budget dès 2019 et de dégager un surplus de 0,5% ensuite, comme il en est question ? La situation va devenir intenable au vu du poids de l’endettement massif de l’Italie et au regard de ses objectifs budgétaires restrictifs, même si la BCE continue par ses achats de titres de bloquer la hausse prévisible des taux. Cela alors que le revenu par tête reste en dessous du niveau atteint avant l’entrée de l’Italie dans l’euro, comme le souligne le FMI. De quoi donner des idées…

Les dirigeants politiques italiens consacrent toute leur énergie à la bataille sur la réforme électorale, en défense de leurs intérêts divergents, et il n’est plus question des réformes dont le FMI rappelle l’impérieuse nécessité. Comme si la résorption de la colossale dette fiscale interne et l’adoption d’un programme de privatisations étendues n’étaient pas assimilables aux travaux d’Hercule pour une classe politique totalement impréparée à cette mission.

Le principal danger auquel fait face l’Italie n’est pas l’avènement au pouvoir du Mouvement des 5 étoiles, qui tétanise les plus hautes autorités européennes, mais plus prosaïquement son insolvabilité qui ne peut être contournée et conduit au défaut. Les marges de flexibilité accordées par la Commission épuisées, le gouvernement italien, quel qu’il soit, va devoir entrer dans le vif du sujet. Et ce qui est réclamé n’est pas de la menue monnaie.

L’incapacité dans laquelle se trouvent les créanciers de la Grèce de parvenir entre eux à un compromis – en attendant la suite du feuilleton jeudi prochain – s’explique mieux si l’on comprend que leur décision fera jurisprudence pour la dette italienne… Faudrait-il, à l’extrême, que la Grèce sorte de l’Union monétaire pour que l’Italie y reste, ne bénéficiant pas d’une ouverture pour sa dette ? La route menant Rome au défaut n’en serait pas moins toute tracée.

Les dirigeants politiques sont les meilleurs artisans de l’imprévisible qui les attend.

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  1. @Hervey « Le principe est un concept philosophique polysémique qui désigne ou bien une source, un fondement, une vérité première d’idées…

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