Billet invité.
Les marges de manœuvre européennes du nouveau président français sont étroites. Les titres de la presse font avantageusement état d’une embellie économique qui pourrait lui profiter, mais celle-ci tient plus d’une modeste reprise conjoncturelle, qui demande à être confirmée, que d’une relance significative. Dans ces conditions, comment les obligations européennes de réduction du déficit budgétaire en dessous de 3% du PIB pourront-elles être respectées cette année ou la suivante ? D’ores et déjà, Jean-Claude Juncker dénonce l’importance des dépenses françaises pour ne pas prêter le flanc aux critiques de mollesse en provenance d’Allemagne…
Il est vendu l’idée qu’il faut faire les premiers pas pour restaurer la confiance avec les partenaires allemands, afin d’obtenir dans un deuxième temps qu’ils consentent à une évolution de la politique européenne. Cela a tout du pari de dupes, comme ceux-ci viennent par avance de le faire savoir.
Un article de la Frankfurter Allgemeine Zeitung éclaire le blocage allemand. Faisant référence aux demandes d’assouplissement de la politique de rigueur budgétaire, le journal les qualifie de « Zumutung », un terme difficilement traduisible signifiant excessif et connoté comme immoral, ne pouvant être de ce double fait satisfait. Wolfgang Schäuble et Martin Schulz, tout en prétendant partager la vision européenne d’Emmanuel Macron, ont de ce fait immédiatement dressé les barrières là où il fallait. Les obligations européennes, cette clé de voute de la solidarité financière, nécessiteraient selon eux d’amender les traités, et il n’en est pas question. De surcroit, Wolfgang Schäuble n’accepte pas la perspective d’un budget communautaire du président français. Les deux partenaires de la coalition sont dans la droite ligne de leur conception restrictive d’une Union bancaire inachevée, pour laquelle aucun filet de sécurité commun n’est prévu et aucun fonds européen de garantie des dépôts n’a été mis sur pied. Donc, rien de nouveau.
Dans une interview au quotidien italien La Repubblica, Wolfgang Schäuble a réitéré sa proposition de création d’un FMI européen sur la base de l’actuel Mécanisme de stabilité européenne (MES). Son objectif est de dessaisir la Commission de ses prérogatives en matière de contrôle du budget des États, et d’évacuer la perspective d’une restructuration de la dette publique en se passant des services du FMI. Il a ajouté une carotte en proposant la création d’une assemblée des États de la zone euro, mais en précisant bien qu’elle serait consultative. Quant à Martin Schulz, il s’est exprimé dans Die Zeit pour soutenir l’idée d’un budget européen, mais il a marqué son désaccord avec toute émission d’obligations européennes, ce qui vide largement de son sens la première proposition.
Comment, au vu de ces fins de non-recevoir manifestes, Emmanuel Macron va-t-il illustrer sa conception d’une Europe devant « protéger les travailleurs, salariés, artisans, travailleurs indépendants, ainsi que ses universitaires, ses jeunes et ses plus âgés », ainsi qu’il l’a défendue durant sa campagne électorale ? Sans attendre, la Commission a déjà retoqué sa proposition de réglementation « Buy European Act », en référence au « Buy Américain Act » de Donald Trump, afin que les appels d’offres soient favorables aux entreprises européennes.
Il va lui rester la piste des coopérations renforcées entre pays de la zone euro, dont l’Allemagne, lorsque ceux-ci adoptent des dispositions particulières au sein de la zone. En particulier en termes de sécurité collective, en concrétisant le renforcement de la coopération militaire européenne et en préconisant « une Europe forte qui peut se faire entendre des États-Unis, de la Chine et des autres pays ». C’est maigre s’il en reste là.
Il sera loin de réparer les vices de la construction européenne et d’annuler la malfaisance de la politique imposée par les traités. Emmanuel Macron est désormais à pied d’œuvre, comme l’a été François Hollande au début de son quinquennat. Que peut-il espérer obtenir de mieux, en forçant quelles décisions et comment ? en créant quel rapport de force que son prédécesseur n’a pas cherché à susciter ?
Oui, je crois que les chinois n’attendent que ça (l’effondrement militaire russe) aussi. D’où leur peu d’entrain à soutenir Poutine.…