Billet invité.
Le taux d’abstention de ces dernières élections témoigne de la résistance populaire à la rhétorique libérale : hors le système capitaliste point de salut. C’est le contraire qui est vrai : hors du capitalisme est le salut. L’abstention n’est pas une solution, certes, mais c’est un symptôme de la disposition du peuple à tourner la page aussitôt que le principe d’une économie post-capitaliste sera reconnu de tous, et approuvé par une nouvelle Constitution.
Mais quel principe ? Le commun ? Ou bien le marché délivré de la spéculation ? Ou encore les deux ! Mais ne sont-ils pas antinomiques ? Le commun est une structure collective de réciprocité qui engendre la fraternité. D’où vient alors que sa solution ne soit pas immédiate ? Parce que le collectif efface l’altérité nécessaire à la réciprocité. La vie, la différenciation, l’organisation, comme disait Aristote, est éliminée par le collectivisme.
Cependant, le commun devient partage aussitôt que la production est différenciée soit par la nature soit par la division du travail. Or, il apparaît dans cette transformation que si l’un rend service d’un côté et reçoit de l’autre, il est un relais et non plus un vis-à-vis. Et cette structure fait apparaître un autre sentiment que celui de fraternité : le sentiment de responsabilité. Et lorsque cette réciprocité est redoublée en sens inverse ou tout simplement généralisée elle fait apparaître le sentiment de justice. Le marché procède de cette évolution : le marché sans spéculation. Le commun et le marché obéissent donc, et c’est là ce qui élimine leur antagonisme, au principe de réciprocité.
Les partisans du commun doivent comprendre ce que veut dire libéral au sens aristotélicien. Les partisans du libéralisme ne pas se contenter de répondre « On peut coupler la liberté individuelle et la fraternité à notre façon : j’investis, je gagne parce que je prends les bonnes initiatives, et par l’impôt progressif sur le revenu je rends plus à l’Etat (par exemple 50% de mes gains sur la dernière tranche de mes revenus) pour qu’il aide ceux qui ont fait les mauvais choix ». Le marché de réciprocité ne justifie pas l’exploitation du travail d’autrui à partir de la privatisation des moyens de production, il exige au contraire que chacun dispose a priori des moyens de mettre en valeur ses dons. Et si l’on répond que l’Etat aidera les plus démunis à trouver leur chemin par une formation adéquate, encore faudrait-il que l’Etat ne soit pas inféodé aux impératifs de la croissance du profit car on sait que les propriétaires du capital n’ont qu’un objectif : la rentabilité de celui-ci.
Là réside le point aveugle du libéralisme : la rupture de la réciprocité par la privatisation de la propriété. Rendez la propriété à tous en respectant sa fonction sociale (aujourd’hui on ajoutera son innocuité écologique) et dès lors le libéral pourra s’associer au commun sans l’asservir.
Il faut libérer l’entreprise et le marché de la croissance aveugle, et restituer la propriété des biens donnés par la nature comme de ceux qui sont façonnés par les hommes entre eux à la société, autrement dit soustraire la propriété à la privatisation en la déclarant universelle.
Une nouvelle Constitution doit fonder les valeurs de responsabilité, de confiance et de justice, et pour cela mettre en œuvre non pas l’une ou l’autre mais toutes les structures fondamentales de la réciprocité par lesquelles se construit la Cité.
Paul, Je n’ai vu de ce film, il y a longtemps, que ce passage (au début du film, je crois)…