Billet invité. Ouvert aux commentaires.
Il est désormais admis que le caractère démocratique d’un pays ne se mesure plus aujourd’hui au nombre de consultations électorales mais à l’extension des principes démocratiques à d’autres sphères que celle de la politique, à l’entreprise, à l’administration et plus généralement à l’ensemble de la société civile.
Et effectivement si on illustre ce principe au travers du monde de l’entreprise on se rend bien compte qu’il reste énormément de travail à accomplir. Au-delà de la question de la précarité, la contestation de la loi El Khomri est en effet révélatrice du décalage qui existe entre les aspirations de chacun pour plus d’autonomie et de responsabilité et un système économique dont le management apparait avant tout comme hiérarchique et archaïque.
Et si c’était justement l’occasion de « rallumer les lumières » dans le milieu de l’entreprise et de s’interroger sur l’étonnant paradoxe qui fait que le principal lieu de vie de millions d’hommes et de femmes est dispensé de toute exigence démocratique ? Comment en effet prétendre résoudre les formidables enjeux sociaux et écologiques du XXI siècle si les salariés sont obligés de « mettre dans leur poche » leur citoyenneté entre 8h et 18/19h !
La crise actuelle qui perdure nous impose de « remettre sur le métier » cette idée fondamentale d’associer concrètement les salariés à toutes les décisions qui les concernent dans leur vie professionnelle. Elle nous invite aussi et surtout à nous poser les bonnes questions.
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L’entreprise devient au fil du temps une « chose commune »
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Ainsi l’entreprise peut-elle être regardée simplement comme un objet de propriété ? Peut-on l’assimiler à la possession d’un bien personnel telle une maison d’habitation ? Entre le fruit d’un travail individuel et l’appropriation d’une activité socialisée dont le développement résulte avant tout de l’accumulation des fruits du labeur de centaines ou de milliers de salariés peut-on encore s’obstiner à ne jamais voir la différence ? À l’évidence les droits et les devoirs attachés à ces biens ne peuvent être les mêmes dès lors que les décisions afférentes à leur gestion ont des répercussions décisives sur la vie quotidienne des salariés.
Une entreprise est davantage qu’une société : elle marche forcément sur deux jambes et devient au fil du temps « une chose commune » où l’on doit naturellement se partager le pouvoir et les résultats.
Dans une économie fondée avant tout sur la connaissance et le savoir-faire des salariés, peut-on encore se satisfaire en 2017 d’un code du travail qui admet que l’apporteur du travail est juridiquement cantonné dans une relation de subordination permanente et structurelle vis-à-vis de l’apporteur de capital alors que la déclaration universelle des Droits de l’Homme, signée par notre pays en 1948, affirme que « les hommes sont libres et égaux en droits et en dignité » ?
À l’image de la conquête de l’égalité des droits de la femme par rapport à l’homme, il est plus que temps de reconsidérer ce rapport déséquilibré. Il n’est en effet plus acceptable que celui qui est un élément déterminant dans la création de richesses et qui détient une grand part de la compétence, de la connaissance et du savoir-faire soit le seul à ne pas participer à sa gestion et à son partage, en contradiction avec le Préambule de notre Constitution qui, dans son alinéa 8, dispose que « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués à la gestion des Entreprises ».
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