Un article en première page du Wall Street Journal ce matin débute par la phrase : « Les économistes sont en train d’abandonner l’idée que la crise de l’immobilier américain sera courte et indolore ». Un article en première page de la section « Money & Investing » accuse Alan Greenspan d’avoir ignoré les invitations pressantes de ses collègues de réglementer le secteur « sous–prime » (subprime) à l’époque où il était président de la Federal Reserve, la banque centrale américaine.
Dans « Vers la crise du capitalisme américain ? », j’ai consacré quelques pages (204–206) à la prise de conscience. J’ai écrit en particulier que
« La prise de conscience est la manière dont l’être humain répond aux processus critiques qui provoquent l’irruption de la dévastation dans sa vie. Dans des domaines différents, Marx et Freud avaient noté le rôle crucial joué par la prise de conscience dans l’évolution historique des sociétés ou des individus. (…) il s’agit chez [eux] de deux types de manifestations du même processus historique mis en avant par Hegel, de la matérialisation de la Raison (ou du Saint-Esprit) dans le monde » (page 205).
Un dessin humoristique paru ici il y a quelques jours s’intitule « L’état de la gauche américaine ». Le fils analyse la débâcle du secteur « sous–prime ». Sa mère lui répond qu’« on ne peut pas envisager comment sortir de ce piège si l’on ne prend pas en considération ce qui se trouve à sa source : les problèmes d’un système économique obsédé par le profit à court terme ! » Elle prononce alors « le mot qui commence par S », et son fils – qui représente la gauche américaine – se réfugie aussitôt dans l’arbre. Le mot en question commence par « socia » et finit par « lisme ».
2 réponses à “La prise de conscience”
Une idée assez souvent énoncée au USA est qu’il n’y a pas de parti socialiste parce que la société Américaine est plus prospere et plus mobile socialement que celle d’autres pays (dont l’Europe).
Leur Argument est : Oui aux Etats-Unis il y a des inégalités mais on peut réussir plus facilement qu’ailleurs.
Mais récemment des études montrent que la mobilité aux Etats-Unis n’est pas plus forte qu’ailleurs et que de plus comme vous l’écrivez dans votre livre les inégalités sont plus forte que jamais.
En plus aux Etats-Unis les classes populaires sont mal réprésentées; le parti Démocrate défend un peu plus les pauvres (en théorie) que le parti Républicain mais peu.
De plus la classe ouvrière Américaine à une conscience de classe assez faible surtout dans les états de l’Ouest et du Sud, (sans doute plus à Détroit et autour des grands lacs).
Il y a, je sais on a les références que l’on peut, dans une série américaine récente et, à mon, sens un chef d’oeuvre (The Wire) une anecdote qui m’a parue significative à cet égard : en quelques mots…
Afin de pacifier les quartiers chauds de Baltimore un officier de police prend la décision d’autoriser dans certains quartiers abandonnés le trafic de stupéfiants. Ceux-ci baptisés « little Amsterdam » deviennent rapidement florissants (relativement au trafic de drogue s’entend) sous les regards de policiers parfois pour le moins sceptiques ou rétifs.
Pourtant, rapidement se fait jour un problème. Les nombreux enfants utilisés et rémunérés comme guetteurs se retrouvent rapidement exclus (licenciements techniques !) et sans les précieuses ressources fournies par leur criminelle activité gravement démunis.
Un policier instaure alors, moyennant la tranquillité offerte dans ces nouvelles zones franches, une forme d’impôt, de taxe sur les dealers équivalent au montant des sommes allouées à ces enfants et fait en sorte qu’elles leur soient redistribuées.
Alors qu’il passe un jour avec un autre policier « relever les compteurs », ce dernier, estomaqué, et passé la surprise de la découverte de la situation générale (Little Amsterdam = légalisation des drogues sur le sol US) ne peut s’empêcher au vu des agissements de son collègue en faveur des enfants de lui demander ceci :
« Tu ne serais pas socialiste par hasard ? »
Je ne sais pas vraiment pourquoi cela m’a paru tellement significatif. Ni pourquoi j’en garde un souvenir aussi clair. Tellement c’est surprenant pour une série américaine, peut-être, ou parce que pour une fois, si l’on omet l’énormité du fondement (qui permet d’emporter le tout comme « fiction », voire même fiction dans la fiction) l’action ne peut-être que perçue comme « juste ». Et surtout pas diabolisée. Etonnant.