Retranscription de Le temps qu’il fait le 16 mars. Merci à Marianne Oppitz !
Bonjour, nous sommes le jeudi 16 mars 2017. En général quand je fais la vidéo un jeudi plutôt qu’un vendredi, je donne l’explication assez solennelle et assez grandiloquente que je dois faire une communication importante le vendredi ou que je serai dans le train, en route vers une communication très importante et, là, c’est un peu plus banal, c’est parce que demain matin j’ai un rendez-vous chez le dentiste qui est enregistré pour 2h45 (rires).
C’est long 2h45 chez le dentiste [P.J. C’est devenu 4 heures !], surtout à mon âge ! Quand on est jeune on se dit que c’est bien de conserver des dents pendant un certain temps. A mon âge on commence à se poser des questions si ça vaut la peine d’un investissement de tout ce temps et, quelques douleurs occasionnelles, pour maintenir des choses au-delà du raisonnable !
Ce qui me fait penser un peu à cette dame que j’ai connue, je crois qu’elle avait 104 ans et qui m’avait dit : « Tous mes enfants sont morts, les amis de mes enfants sont morts. J’avais encore, jusqu’à récemment, une amie de ma fille avec qui je pouvais parler. Et puis, elle est morte et je survis maintenant dans un monde par rapport auquel je suis tout à fait déconnectée. » Alors, j’ai pensé à ça, c’était hier, quand j’ai vu un reportage sur les morts importants ou les morts importantes de 2016. Je me suis dit : un monde où il n’y a plus Leonard Cohen, où il n’y a plus David Bowie, où il n’y a plus Princesse Leia, c’est déjà un monde où, moi aussi, je commence à me déconnecter et où, petit à petit, je me dirai que, voilà, je n’ai plus ma place. D’autant qu’on n’avance pas beaucoup, on est d’accord là-dessus (rires), on ne fait pas beaucoup de progrès.
J’ai passé les… je l’ai mentionné, lundi et mardi, j’ai passé deux journées qui étaient des journées passionnantes à la « Catho » de Lille. Le sujet du colloque, c’était « Big data, Intelligence Artificielle et transhumanisme » (Université catholique de Lille, Prospective et éthique aux frontières de l’inconnu, 13 et 14 mars 2017). Et, ce qui est intéressant, pour moi, pour moi qui considère que toutes ces questions se posent dans un cadre qui est celui du « hardware » et du « software », de la quincaillerie, le « hardware » comment la machine est constituée et du « software », la manière dont le logiciel a été engrammé, codé, c’est que, moi personnellement je considère que ce que je vous dis là : la personne qui est Paul Jorion, c’est une partie de logiciel, il n’y a pas grand-chose d’autre et quand la quincaillerie, le « hardware » arrêtera de fonctionner, il n’y aura plus rien.
Mais, quand on parle de ces questions là, à la « Catho » de Lille, il y a une profondeur supplémentaire qui est ajoutée, et, paradoxalement, pour quelqu’un qui comme moi vante la lucidité, de voir les choses en face, de ne pas ajouter, justement, des fioritures si ce n’est pas nécessaire, c’est intéressant de se dire qu’une certaine manière d’ajouter une dimension supplémentaire, ce n’est pas sans intérêt. C’est comme si on vous disait : le problème se pose en trois dimensions mais, pour ajouter un peu de, comment dire ? de profondeur, on va le regarder en quatre dimensions et puis on se posera la question de savoir comment enlever la dimension supplémentaire pour en parler en vrai.
La dimension supplémentaire m’est apparue dans un propos de Pierre Giorgini qui est donc le recteur à la tête de la « Catho » de Lille et qui dit la chose suivante, à propos du transhumanisme : « Eh bien, l’éternité, l’immortalité, le christianisme nous l’a déjà donnée, en tant que personne. » Et que donc, quand on parle de cette question de transhumanisme qui permettrait de … qui promettrait et permettrait donc, qu’on vive 1,000 ans sur cette terre telle qu’elle est, d’une certaine manière, c’est une certaine concurrence (rires) qui s’établit entre deux types de perceptions.
Mais, ce n’est pas sans intérêt. Je crois, qu’effectivement, poser la question : « À quoi sert de vivre 1,000 ans dans ce monde-ci, dans une perspective où on nous dit : « au bout d’une centaine d’années ou même avant (s’il y a un accident on peut mourir plus jeune que ça) on meurt, mais après, l’immortalité sera là nécessairement », ça pose des questions … et je voudrais être dans le bon cadre. D’abord, il y a concurrence entre les deux représentations. Qui est ce qui vous l’offre, en réalité ? Si le monde d’après, c’est une illusion, à quoi ça sert d’en parler ? Si on essaye de le réaliser ici, ici-même, est-ce que ce n’est pas par concurrence un peu à ces représentations qui nous disent que ça viendrait dans un monde d’après ?
A moins que, comme je l’imagine moi-même, cette histoire de vivre mille ans, c’est en fait… comment dire ? un plan, un petit peu… qui n’ose pas dire son nom, qui est plutôt dans la perspective de conquérir les étoiles plutôt que de vivre encore ici 1,000 ans. Déjà 100 ans, on se demande parfois à quoi ça sert ! (rires) Alors, 900 ans de plus ! Mais, s’il s’agit de se mettre dans une fusée pour aller voir dans un autre système stellaire (c’est quand même très loin !), se mettre en hibernation, ou alors carrément, les vivre les mille ans pour voir comment ça se passe ailleurs et voir s’il n’y pas de place pour allez s’y mettre, c’est une question quand même intéressante. Alors, je vais réfléchir à tout ça.
Toujours est-il, toujours est-il, que ces deux jours de réunion, lundi et mardi, j’ai le sentiment, ont vraiment fait avancer la question. Ce n’est pas mauvais qu’une question comme le transhumanisme, soit discutée pied à pied, argument par argument dans un monde où on est plutôt contre, ou on est plutôt méfiant vis-à-vis de projets de ce type là.
Alors voilà, je crois que je vais essayer de mettre tout ça sur papier pour vous parler de tout ça de manière beaucoup plus précise et… on en reparle. On en reparle comme on reparlera des élections en France.
Voilà ! Allez, à bientôt !
Paul, Je n’ai vu de ce film, il y a longtemps, que ce passage (au début du film, je crois)…