Parlement européen : Recommandations à la Commission concernant des reÌ€gles de droit civil sur la robotique

Le rapport contenant des recommandations à la Commission concernant des reÌ€gles de droit civil sur la robotique sera débattu ce mois-ci au Parlement européen.

La préconisation principale est l’attribution d’une personnalité juridique aux robots autonomes :

la création d’une personnalité juridique spécifique aux robots, pour qu’au moins les robots autonomes les plus sophistiqués puissent eÌ‚tre considérés comme des personnes électroniques dotées de droits et de devoirs bien précis, y compris celui de réparer tout dommage causé à un tiers ; serait considéré comme une personne électronique tout robot qui prend des décisions autonomes de manieÌ€re intelligente ou qui interagit de manieÌ€re indépendante avec des tiers ;

On s’attendrait à ce que dans un cadre ainsi défini, une distinction claire soit établie entre « responsabilité » et « imputabilité », l’imputabilité étant d’application pour tout robot provoquant un accident, alors qu’une responsabilité ne peut lui être assignée que s’il dispose véritablement de la capacité de répondre de ses actes. Cette distinction est sous-jacente au rapport mais elle n’est pas établie de manière explicite. On peut lire cependant :

« il y a lieu d’adopter de nouvelles reÌ€gles permettant d’imputer (totalement ou partiellement) à une machine ses actes ou son inaction ; »

et il est également question de

« la complexité de l’imputabilité des dommages causés par des robots de plus en plus autonomes ».

De manière générale, le rapport ne témoigne pas d’un grand effort de clarté analytique. D’une part, des notions clés sont laissées à elles-mêmes, ainsi ni les mots « responsabilité » ou « imputabilité », ni des expressions comme « bien-eÌ‚tre des personnes et de la société » ne se voient attribuer une définition précise, le lecteur devant alors choisir au dictionnaire le sens précis qui lui semblera approprié. D’autre part, des considérations d’ordre très divers et du coup, éventuellement conflictuelles, telles qu’économiques, pratiques, éthiques, cognitives, sont souvent invoquées pêle-mêle, ce dont le passage suivant offre un bon exemple :

Les chercheurs dans le domaine de la robotique devraient s’engager à adopter une conduite stricte en matieÌ€re d’éthique et de déontologie ainsi qu’à respecter les principes suivants :

bienfaisance – les robots devraient agir dans l’intéreÌ‚t de l’homme ;

non-malfaisance – la théorie « d’abord, ne pas nuire « , en vertu de laquelle les robots ne devraient pas nuire à l’homme ;

autonomie – la capacité de prendre une décision en connaissance de cause et sans contrainte quant aux modalités d’interaction avec les robots ;

justice – répartition équitable des bénéfices liés à la robotique et caracteÌ€re abordable des robots utilisés dans le domaine des soins à domicile et des soins de santé en particulier.

De la même manière que, comme je l’ai souligné dans un précédent billet, il n’est pas véritablement question dans le rapport de taxer les robots, il n’est pas non plus question, comme le déclare Mady Delvaux, député européen et rapporteur, d’« empêcher les personnes de devenir émotionnellement dépendantes à leurs robots », ce qui ne relève pas bien entendu de ce qu’une législation pourrait espérer obtenir, mais de décourager les situations où une dépendance serait  délibérément induite. Le texte dit :

La communication et l’interaction accrues avec les robots sont susceptibles d’avoir une incidence considérable sur les relations physiques et morales dans notre société. C’est particulieÌ€rement le cas pour des robots de soins auxquels les personnes les plus vulnérables pourraient s’attacher émotionnellement, ce qui serait source d’inquiétude pour la dignité humaine et d’autres valeurs morales.

Enfin, il est dit quant à la rédaction du rapport que

Outre les membres de la commission des affaires juridiques, le groupe de travail comprenait également des députés représentant la commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie (ITRE), la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs (IMCO) et la commission de l’emploi et des affaires sociales (EMPL).

Le groupe de travail a consulté des experts aux formations très diverses et a reçu des contributions importantes qui figurent dans la présente résolution.

On ne peut s’empêcher de penser à la lecture du rapport qu’il aurait peut-être mieux valu procéder dans l’ordre inverse : confier d’abord aux experts de la robotique le soin de mettre à plat les différents aspects de la question, et ne faire intervenir qu’ensuite – une fois tous les facteurs cruciaux clairement dégagés – les juristes et les parlementaires en charge de questions sociétales d’ordres divers.

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