Billet invité.
Le cauchemar n’était donc pas seulement prévisible mais hautement probable. La victoire de Donald Trump paraît une surprise pour ceux qui ne veulent pas comprendre nos sociétés. Si Bernie Sanders avait été le candidat démocrate, ce matin, un rêve aurait pu devenir une réalité.
La révolte massive du peuple américain a été détournée par le démagogue qui avait la qualité d’apparaître hors système, ce qui pour ce milliardaire-là – en fait un héritier pas très doué en affaires – est une pure illusion. Le « proto-fasciste » avait dit que ce serait un Brexit puissance trois. Gros choc : il avait raison ! Le problème est donc que les politiciens professionnels prennent systématiquement leurs désirs pour des réalités et je soupçonne que désormais plus aucun sondage politique ne sera possible. Par contre les analyses faites par Intelligence Artificielle avaient prévu correctement l’événement. Les électeurs ont bien compris que ces manipulations médiatiques sont à visée auto-réalisatrices : par conséquent ils répondent sans doute en mentant sur leurs vraies intentions, une manière de dire merde.
D’ailleurs pour le dépouillement du Brexit, vers minuit, nous étions rassurés après avoir consulté les sites des journaux anglais et le matin, à la radio, c’était la mauvaise surprise. Même scénario ce matin. Mais quand j’ai vu à 6h30 que Trump était en passe de gagner, je n’ai pas été réellement surpris. De fait on pouvait le voir venir car tous les éléments disponibles étaient sous nos yeux depuis quelques mois. Paul Jorion avait également écrit dans son billet de la veille, les marchés convaincus qu’Hillary allait gagner, « Espérons que – une fois n’étant pas coutume – ils ne soient pas à côté de la plaque ! ». Démonstration sans appel sur leur « omniscience » s’il en était besoin.
François Jullien, dans son dernier livre Il n’y a pas d’identité culturelle [L’Herne], fait cette remarque : « D’où (…) par compensation, la vocation de la littérature : face à la science et la philosophie (…) la littérature récupère l’individuel qu’a laissé tomber l’universel (…) ». La littérature permet aussi de comprendre le monde. Et je repense en particulier à un beau roman de Philippe Meyer, Un arrière-goût de rouille [Livre de Poche]. Il se passe en Pennsylvanie, un État sinistré de la Rust Belt, et c’est l’histoire de deux jeunes qui veulent s’en sortir. Concrètement : pourquoi avoir fermé des usines rentables, transféré les productions en Chine, plongé des villes dans la misère, et cela uniquement pour plus de gains aux actionnaires ? Le peuple américain a demandé des comptes…
Quand les élites expliquent ad nauseam les bienfaits de la mondialisation, confortablement depuis leurs bureaux, ils nient ses conséquences destructrices sur le terrain. Ce matin sur BFM Business, un expert expliquait doctement, en gros, que la crise aux États-Unis était passée, que le taux de chômage était au plus bas, que les Américains expulsés de leur maison lors de la faillite des subprimes avaient pu racheter des maisons et qu’au fond ce n’était qu’une question de « ressenti » (sic) s’ils n’étaient pas satisfaits. Un autre, à la radio, exposait que le taux de chômage était certes très bas mais que le non-emploi restait trop haut ! Absurdité typique des économistes standard.
Bien sûr le réveil sera dur pour le peuple américain avec Trump mais les électeurs lamentables (‘deplorable’) selon Hilary Clinton ont fait un immense bras d’honneur à la candidate du système. Curieusement la règle française a été suivie aux États-Unis : un politicard, même battu, est toujours recyclable ; or elle avait été largement battue par un outsider il y huit ans. Imaginez le scénario : la femme de Bill Clinton était supposée s’opposer au frère de George W. Bush. Bill Clinton, l’homme qui a poursuivi avec ardeur le travail de démolition de Donald Reagan, qui a nommé secrétaire au Trésor Larry Summers, le sexiste serviteur zélé des banques systémiques…
François Fièvre et moi-même le disions dans nos billets : il en faut tirer les leçons pour la France, immédiatement. Il fallait quelqu’un de neuf et au service du peuple, pas coopté par les élites. Pourquoi (et exemple me semble éclairant), Mme Elizabeth Warren a soutenu Hillary Clinton et non pas Bernie Sanders ? Soit elle est sincèrement à gauche et elle devait aider le candidat de gauche, soit elle faisait un petit calcul politique et soutenait Hillary Clinton. Elle aurait pu par son poids aider le ‘momentum’ si favorable au candidat social-démocrate. Ce cas est à méditer. Finis les petits calculs : la situation historique résultant de la Crise de 2008, aussi dramatique que celle de 1929, exige un rassemblement le plus large possible : un front populaire basé sur une candidature collective !
Je propose que l’on offre aux Ukrainiens un missile balistique intercontinental vide et qu’on le balance en plein centre de…