COURAGE, FUYONS ! par François Leclerc

Billet invité.

Le sort des réfugiés à la recherche d’un asile en Europe continue de se détériorer. L’exode se poursuit à un rythme massif au départ de la Libye, les moins chanceux mourant noyés et les autres transportés en Italie par la flottille de bateaux de secours civils et militaires. La frontière maritime de la Turquie avec la Grèce reste par contre fermée, Recep Tayyip Erdogan négociant en contrepartie son projet de création d’une zone d’accueil des réfugiés de 5.000 kilomètres carrés en Syrie, à la frontière avec la Turquie.

Ce grand projet s’appuie sur une vision de l’avenir de la Syrie, dans laquelle Bachar el-Assad conserverait le contrôle des principales villes de la zone côtière du pays avec le soutien de l’Iran et des Russes, et dont le reste serait divisé en régions autonomes. Une de celles-ci serait sous contrôle turc et dotée d’infrastructures permettant le retour des trois millions de Syriens réfugiés en Turquie. Tout à sa grandeur, l’autocrate est sur les traces des Ottomans avec pour objectif de contrecarrer les intentions kurdes de s’établir dans la même région de la Syrie.

Thomas de Maizière, le ministre allemand de l’intérieur, prend pour modèle l’accord entre l’Union européenne et la Turquie, et plaide pour des accords similaires avec des pays africains. Joignant le geste à la parole, Angela Merkel a réalisé une tournée africaine expresse qui l’a conduite au Mali, au Niger, au Tchad et en Éthiopie. Mais le ministre n’a pas seulement l’intention de décourager de partir les candidats à l’asile en Europe, il voudrait aussi réinstaller dans « des hébergements sûrs » ceux qui sont sauvés en Méditerranée. « Là-bas, leur besoin de protection serait vérifié et nous mettrions en place un mécanisme de réinstallation en Europe avec des quotas généreux, répartis équitablement entre pays européens », explique-t-il, oubliant qu’un accord de ce type est totalement illusoire.

Wolfgang Sobotka, le ministre autrichien de l’intérieur, est plus direct, réclamant un accord « pour pouvoir renvoyer immédiatement les migrants vers la Libye ». Bien que celle-ci, par la voix de Mohamed Taher Siala, le chef de la diplomatie libyenne, refuse toute perspective de création de camps de réfugiés sur le territoire, considérant que cela reviendrait à entériner que l’Union européenne « refuse d’assumer ses responsabilités et les fasse peser sur nos épaules. »

En Jordanie, pays qui a déjà accueilli dans des camps des millions de réfugiés avec le Liban, le roi Abdallah II a de son côté déclaré que les limites du possible étaient atteintes. Par voie de conséquence, des dizaines de milliers de Syriens sont bloqués depuis le 21 juin dans une « zone militaire fermée », où même l’aide humanitaire ne peut entrer.

Enfin, le tableau serait incomplet s’il n’était pas fait état de la ferme intention de Thomas de Maizière de renvoyer en Grèce – le pays par lequel ils sont entrés en Europe – les candidats à l’asile non acceptés en Allemagne, dans le cadre d’une politique de réactivation des accords de Dublin.

L’Histoire est parsemée de ces moments de veulerie et d’abandon des principes humanitaires. En règle générale, ils sont suivis d’encore plus grandes catastrophes.

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