Billet invité.
Avec l’aimable participation de Timiota
Petit rappel pour les non-geeks qui représentent encore la majorité de l’humanité. Une blockchain est la garantie de pouvoir sécuriser une transaction entre deux inconnus sur un réseau n’appartenant pas à des intérêts privés et n’étant pas contrôlé par des états (même si des blockchains privées existent, elles sont par construction infiniment moins étendues qu’une blockchain publique). Par extension, c’est également la plus gigantesque des banques de données, qui conserve la totalité des transactions effectuées et des informations déposées depuis son origine. Une base présentant comme caractéristiques d’être à la fois ineffaçable et indestructible (du moins tant que nos sociétés ne s’effondrent pas).
Si cette technologie n’en est qu’à ses balbutiements et si ses applications sont encore peu nombreuses – la plus connue étant le bitcoin qui permet de se passer de l’intermédiation bancaire pour les transactions financières – on peine encore à deviner toutes les possibilités offertes. De manière générale, la blockchain porte en elle la promesse de pouvoir se passer de toutes les intermédiations payantes (banques, notaires, cadastre, etc), la confiance reposant sur une chaine informatique distribuée, et les exécutions des différents contrats et de leurs termes, sur des algorithmes officiant sans intervention humaine).
Bien entendu, le monde lumineux de la blockchain pourrait bien souffrir d’une face un tantinet plus sombre – si ce n’est carrément obscure – comme le rappelle Vlad Zamfir dans un entretien accordé au magazine IEEESpectrum.
Car si cette technologie peut supporter des protocoles orientés utilisateurs, des médias sociaux invulnérables à la censure ou des vérifications d’identité indépendantes de tout gouvernement par exemple, la perte de contrôle sociétal qu’elle entraine peut également avoir des aspects terrifiants. Un discours appelant au meurtre, y restera accessible à jamais. De même, il sera possible grâce à la gigantesque puissance de calcul du réseau distribué, de s’attaquer avec succès à n’importe quelle base de données privées. La puissance intrusive de la NSA à portée de clic pour tous !
Mais le véritable problème ne se trouve pas dans une plus grande facilité à violer nos vies privées ou à disséminer la haine. Car même s’il y a là plus qu’une nuance, nous sommes déjà confrontés à ses nuisances, et si la menace potentielle peut croitre, elle ne changera pas de nature. Non, la véritable rupture est ailleurs.
Laissons la parole à Vlad Zamfir : « Nous savons désormais qu’une blockchain, dans sa forme générale, peut aussi être utilisée pour faire tourner n’importe quelle autre sorte de logiciel imaginable. Une fois déployés sur une blockchain, les programmes tournent automatiquement, ils sont accessibles à quiconque dispose d’une connexion internet, et ils sont pour ainsi dire imperméables aux contrôles gouvernementaux. Ils sont essentiellement autonomes ! Si le mot Skynet commence à se dessiner dans votre esprit, c’est que vous commencez à saisir la situation… ».
Autrement dit, comment contrôler des logiciels autonomes agissant dans un océan de données tellement gigantesque, qu’il ferait passer le big data actuel pour un aimable marigot ? Pour prendre un exemple concret (et très sérieusement envisagé), imaginez que le gouvernement décide de faire reposer sur la blockchain tout le système de propriété foncière et de sa transmission. Ce faisant, il transformera de facto cette technologie en outil politique. Avec des algorithmes fonctionnant de manière très fiable, mais bien incapables de répondre à ce pourquoi ils n’ont pas été écrits. Comme une injonction de justice par exemple. Ajoutez à cela que par nature, la blockchain survivra à tous les gouvernements et à la mémoire des institutions, et imaginez maintenant le véritable cauchemar susceptible de se produire en cas de litiges entre héritiers, si leurs seuls interlocuteurs sont au final… des algorithmes !
« C’est un outil que nous mettons hors de notre juridiction de sorte qu’il nous gouverne. C’est une nouvelle sorte de noyau dur tel que nous n’en avons jamais construit. La société n’a jamais créé quelque chose qui n’est pas humain pour gouverner la société. »
Vlad Zamfir
Tout est dit…, ou presque.
Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, une invention technique est plus qu’une occasion de rupture et de récupération d’un « niveau de complexité » collectif supérieur, accompagné par un enseignement et une culture idoine (en l’espèce, une plateforme globale que nous pouvons utiliser pour nous coordonner à l’échelle planétaire). Une IA forte plongeant dans l’océan primordial de la blockchain, sera en mesure non seulement de cartographier l’ensemble de nos organisations sociales, mais également de comprendre l’ensemble des interactions humaines. Notre espèce y gagnerait une sorte d’immortalité informationnelle, tandis que l’IA acquerrait une connaissance profondément intime de notre humanité biologique. Bien au-delà de notre capacité à pouvoir nous-mêmes nous comprendre ! Un peu comme si un homme observant une fourmi, pouvait devenir réellement cette fourmi tout en gardant ses capacités cognitives humaine.
Un scénario trop grand pour Homo-sapiens, alors que paradoxalement, il en serait l’initiateur.
Vertigineux, absurde, effrayant, poétique ? Tout cela et plus à la fois ?
En tout cas à mes yeux, plus sympathique que le parasitisme à la Matrix, ou le struggle for life mâtiné de IIIème Reich 2.0, du Terminator.
Une vision simplificatrice du Vivant commencerait donc avec les virus à la limite de l’inerte et de l’animé, puis viendraient les automates cellulaires, les animaux aux interactions de plus en plus complexes avec leur environnement, puis l’humanité biologique capable d’isoler et de partager avec ses semblables une des pelures d’oignon de l’univers bayésien (ou pas, lorsque la paix n’est que l’intervalle séparant deux guerres ). Enfin viendrait l’humanité ‘singulière’ capable d’accéder à toutes les couches des pelures d’oignons (multivers ?), mais gardant en elle au travers de la blockchain, le souvenir infiniment détaillé de nos fugaces existences.
Votre théorie est folle, mais elle ne l’est pas assez pour être vraie. (Niels Bohr)
@Pascal (suite) Mon intérêt pour la renormalisation est venu de la lecture d’un début d’article d’Alain Connes*, où le « moi »…