Billet invité.
Le bon docteur Wolfgang Schäuble ayant payé de sa personne, la Commission a finalement décidé de ne pas recommander de sanctions pour déficit excessif à l’encontre de l’Espagne et du Portugal. Seul un quarteron de prêtres de la religion féroce – alliés de toujours du gouvernement allemand – a résisté avant de finalement se ranger derrière une unité de façade.
Ce n’est pas du tout le moment de faire des vagues a fait savoir le commissaire Pierre Moscovici : « des sanctions même symboliques n’auraient pas permis de corriger le passé et n’auraient pas été comprises par les peuples ». La crise politique européenne a été finalement prise en compte à Bruxelles, bien que comme tout le reste, fort tardivement. Afin de sauver la face, de nouvelles mesures ont été exigées de ces deux pays, et un gel de certains crédits des fonds structuraux européens pourrait intervenir, mais l’essentiel n’est pas là.
Valdis Dombroskis, le vice-président de la Commission était favorable aux sanctions, mais il a fait valoir que les efforts des deux gouvernements « commencent à payer » pour justifier tout à la fois la décision de la Commission et la politique de rigueur qui a selon lui porté ses fruits. Tout le problème des autorités européennes est là : elles n’ont pas d’autre choix que de modérer leurs ardeurs mais ne veulent pas se déjuger ouvertement.
Les artisans de la politique de déflation salariale sont pourtant rattrapés par leur passé. La direction du FMI est durement critiquée par l’Office d’évaluation intérieure (IEO) pour sa participation aux côtés des Européens aux deux premiers plans de sauvetage de la Grèce. Cela ne va pas faciliter la décision à propos de sa participation au 3ème plan, qui est restée en suspens et devrait intervenir prochainement. La réflexion de l’IEO s’est d’ailleurs élargie aux plans de sauvetage du Portugal et de l’Irlande pour remarquer que « les positions des équipes du FMI étaient souvent trop proches des positions officielles des Européens, et le FMI a perdu l’efficacité liée à son rôle d’auditeur indépendant », tout en regrettant de ne pas avoir eu accès à des documents confidentiels, car « de nombreux documents ont été élaborés en dehors des canaux habituels. »
Les derniers développements politiques en Espagne ne sont pas étrangers à cette nouvelle prudence européenne. Aucun déblocage n’y est en effet intervenu qui permettrait l’investiture d’un gouvernement de plein exercice. Le roi à de nouveau confié à Mariano Rajoy la responsabilité de constituer un gouvernement, mais celui-ci s’est refusé à fixer la date du vote de son investiture par les Cortes, gardant la possibilité de la repousser autant que faire se peut, afin de continuer faute de mieux à diriger un gouvernement provisoire sans grands pouvoirs décision. Car il lui faudrait obtenir l’abstention de Ciudadanos et du PSOE pour être investi, et ce n’est pas acquis à ce stade. Or le calendrier impose que le gouvernement espagnol communique un projet de budget 2017 le 15 octobre prochain au plus tard…
Cette situation ne peut pas durer éternellement et symbolise celle dans laquelle les dirigeants européens se trouvent, à l’échelle de la zone euro. Ils sont coincés dans la poursuite de l’application de leur politique tout en se refusant à la remettre ouvertement en question, leurs profondes divisions n’étant en rien effacées. Seules des raisons d’opportunité les freinent, mais elles sont impérieuses avec comme conséquence que le provisoire pourrait durer.
Une telle tendance s’inscrit bien dans le tableau d’ensemble constitué par la faiblesse persistante de la croissance, le maintien de la poussée déflationniste, le gonflement de l’endettement et des inégalités et, cerise sur le gâteau, la part tous les jours plus grande d’obligations à taux négatif qui reflète et accentue le dysfonctionnement du système financier. Comment appellera-t-on plus tard ce cocktail inédit ? Comment rompre ce charme maléfique ?
@PHILGILL Notre addiction au vivant.