Retranscription de Le temps qu’il fait le 22 juillet 2016. Merci à Marianne Oppitz !
Bonjour, nous sommes le vendredi 22 juillet 2016. Et le 22 juillet, c’est mon anniversaire, et il se fait qu’aujourd’hui, j’ai – au choix – septante ou soixante-dix ans, et j’ai fait un petit billet là-dessus : j’ai réfléchi au fait que c’est la première fois que j’attache de l’importance à un chiffre d’âge.
Je ne me suis pas intéressé spécialement à la transition entre mes 20 et mes 30 ans ou à mes 30 et 40 et ainsi de suite, et là, quand même, entre mes 60 et 70, c’est autre chose, probablement l’idée qu’on n’écrira peut-être plus un millier de livres et que celui qu’on est en train d’écrire sera peut-être le dernier ou, peut-être même, que c’est celui qui a déjà paru qui sera le dernier. Non pas que je sois en mauvaise santé : selon la Faculté, je me porte comme un charme, mais voilà, on est transhumaniste ou on ne l’est pas et je ne le suis pas personnellement [rires] : il y a des choses qui s’usent, il y a des choses qui vont moins bien, et, voilà, il y a une échéance.
Il y a une échéance. Alors, c’est peut-être lié aussi, ce sentiment que j’ai est peut-être lié aussi au titre que j’ai déjà donné à mon prochain bouquin, qui m’oblige sinon à écrire un chef d’œuvre correspondant au titre « Qui étions-nous ? », au moins à faire quelque chose de sérieux, ce n’est pas une question de… cela ne s’appelle pas « La crise » ou ceci cela.
L’actualité ? Eh bien, la semaine dernière – on était vendredi matin – je savais déjà ce qui s’était passé dans la nuit à Nice et j’ai eu l’occasion d’en parler. L’affaire de la Turquie, du putsch, du coup manqué, m’a fait réfléchir un peu au statut du blog. Un blog comme le mien, il y a mon nom écrit dessus, j’ai invité des gens au fur et à mesure, des gens par exemple comme François Leclerc qui faisait des commentaires extraordinaires qui n’apparaissaient que comme « commentaire », alors je lui ai dit : « Non, écoutez, on va mettre ça au premier plan aussi, sur mon blog ». Ce qui a été fait. Et puis d’autres sont venus, qui sont intervenus aussi dans le cadre de « billets invités ».
Dans le cadre du putsch manqué en Turquie, on sait très peu de choses. On sait très peu de choses sur ce qui s’est vraiment passé. François Leclerc a exprimé un point de vue, et il m’a semblé important, dans ce cas là, de pouvoir faire apparaître un point de vue différent. Différent : chacun des deux intervenants a dit que l’autre faisait des hypothèses à partir de très peu d’éléments. Et c’est vrai, c’est vrai : il y a très peu d’éléments. Il y a très peu d’éléments et il y en a si peu que, je dirais, qu’il m’a paru important que le blog reflète des points de vue différents. Je ne sais pas si ce dialogue se poursuivra, mais il a eu lieu et je suis content qu’il ait eu lieu.
D’une certaine manière, vous l’avez vu au fil des années, les blogs sont beaucoup moins populaires qu’ils ne l’ont été à une époque. Mais la presse, la qualité de la presse, n’a pas… enfin je veux dire francophone – dans l’ensemble en tout cas, n’a pas arrêté de se dégrader. Ce n’est pas que ce qui parait soit de mauvaise qualité, mais c’est qu’il y a de plus en plus de sujets dont on ne parle pas. De plus en plus de sujets, voilà, qu’on va trouver sur la toile, plus ou moins bien traités. On me dit : « Oui, la toile, il n’y a que des choses de mauvaise qualité ». Ce n’est pas vrai ! Dans la presse autrefois – je pourrais vous citer des titres – dans la presse écrite, il y avait des choses qui n’étaient pas vraiment fréquentables non plus. Les gens ont tendance à vouloir exprimer tous les points de vue et, vous le savez, il y a des gens qui se satisfont d’explications qui n’en sont pas, d’explications bouche-trou, de « on nous cache tout, on nous dit rien ! » donc je peux dire que ce sont les anges qui sont responsables ou tel ou tel autre petit groupe caché à un endroit en haut d’une montagne. Non ! ici, on essaye de donner des explications complètes.
Là, évidemment, quand on a très très peu d’éléments, c’est cela qui m’a conduit à vouloir présenter au moins deux types d’opinions sur un évènement. Mais j’ai le sentiment, à voir l’évolution effectivement de la presse… je ne parle pas de choses qui pourraient a priori paraître suspectes comme le Wall Street journal ou le Financial Times qui, pour des raisons diverses continuent d’être des organes de presse d’une excellente qualité même si les éditoriaux qu’on trouve à ces endroits là sont parfois des choses qu’il faut lire en se pinçant le nez, mais la qualité de l’information est formidable et elle bouche les trous, d’une certaine manière, de ce qu’on trouve par exemple dans la presse en France, pour se faire une idée de l’opinion générale.
Alors, bon, le Blog de Paul Jorion, vous l’avez vu, c’est un budget de 1 500 € : on ne peut pas tout faire, mais on essaye d’analyser les choses importantes. Pas avec l’idée de boucher des trous, mais voilà, d’avoir nos critères à nous, pour dire ce dont il faudrait parler.
Voilà : soixante-dix ans / septante ans, il faut que je prenne les choses un peu plus au sérieux : que je ne dise plus tout simplement tout ce qui me passe par la tête ! On va voir si mes bonnes résolutions durent davantage qu’un jour ou une semaine, ou peut-être un mois. En tous cas, je vous tiens au courant : parler des choses que je vais continuer d’écrire et des choses que je continuerai à dire, le vendredi, dans « Le temps qu’il fait ». Voilà, à bientôt
Le problème essentiel est évoqué au début du chapitre XIII : « Les chercheurs et les commentateurs de l’intelligence artificielle sont…