Billet invité.
Le New York Times a publié dans la journée d’hier un article au titre intriguant : John Kerry rejette les suggestions d’une implication américaine dans le coup d’état en Turquie.
Faut-il être psychanalyste pour lire la dénégation qui caractérise chaque ligne de la déclaration du Secrétaire d’État américain comme un aveu ?
« M. Kerry a enjoint le gouvernement turc à la modération et a déclaré que les « insinuations publiques ou les affirmations relatives à une implication quelconque des États-Unis dans le coup d’état avorté sont absolument fausses et nuisent à nos relations bilatérales », selon les termes de l’appel diffusé par le Département d’État.
La menace est voilée mais sans ambiguïté : « Continuez donc d’insister, et les choses pourraient très mal se passer ! »
Le recul de l’histoire suggère que lorsque les États-Unis nient leur implication dans un coup, l’hypothèse mérite en tout cas un examen plus approfondi. Et d’autant plus sans doute lorsque le déni intervient alors qu’aucun organe de presse occidental ne s’est fait le relai d’une telle supposition, relevant pourtant du possible, si ce n’est du probable.
Relevons aussi que la première pensée de M. Kerry va à une désapprobation de toute répression qui ne serait pas mesurée :
« Dimanche, M. Kerry s’est dit inquiet que M. Erdogan puisse prendre prétexte du putsch pour entreprendre une vaste purge au sein du gouvernement de tous ceux qui désapprouvent son action. Il y a des responsables du coup, et ses responsables devront rendre compte de leurs actes, et ils le feront », a déclaré M. Kerry sur ABC. « Mais il me semble que nous partageons tous le souci, et nous l’avons exprimé, que la recherche de coupables ne s’étende pas bien au-delà de ceux qui y ont pris une part active, mais serve à un renforcement de la démocratie dans le pays, renforce le processus, et en tire parti comme une occasion d’unir la nation. »
A-t-on jamais entendu le Secrétaire d’État aussi concerné, et avec une telle célérité, par chacun de ses autres alliés, si peu respectueux pourtant des droits de l’homme. En Égypte par exemple ? Pas à notre connaissance. Et là aussi le recul de l’histoire nous rappelle une constante dans la politique extérieure des États-Unis…
Lisons aussi attentivement cet article paru dans Le Monde : « Des questions se posent » sur la « fiabilité » d’Ankara dans la lutte contre l’EI selon Ayrault. Quelles pensées doivent agiter un président turc lorsque l’un de ses alliés le déclare peu fiable au lendemain d’un putsch avorté qui le visait ? …
Quant à la déclaration de Mme Merkel, il est difficile de la lire elle aussi comme un soutien sans faille. On trouvera par ailleurs des éléments de contexte relatifs à l’hypothèse d’un putsch fomenté par l’OTAN dans l’article suivant du Asia Times : Erdogan raille Obama à propos de la tentative de coup d’état en Turquie.
A vérifier donc dans les semaines qui viennent : la formation d’un bloc Russie/Syrie/Iran/Turquie vs l’OTAN ? Il a fallu quoi qu’il en soit, un très grand motif et bien sérieux pour un tel coup dans un tel pays à un tel moment. Celui-ci apparaîtra bientôt.
La méfiance est donc désormais à l’ordre du jour car tout ce qui relève des affaires étrangères va désormais être noyé dans un brouillard épais. Voudront-ils une guerre pour se sauver ? Tout doit certainement être lu dorénavant à travers ce prisme. L’action insensée et ratée des jours derniers le prouve : ils y vont, les yeux ouverts.
1) On peut utiliser des bombes nucléaires pour stériliser l’entrée d’abris souterrains (au sens galeries bien bouchées, comme au sens…