Billet invité.
Le succès d’anciennes start-ups – devenues aujourd’hui des multinationales – telles qu’Amazon ou Google, fait rêver de nombreux gouvernements, et en particulier notre actuel ministre des finances Emmanuel Macron. Il est vrai que le développement fantastique d’une entreprise comme Amazon, qui vend aujourd’hui des livres et des disques dans le monde entier, pourrait représenter pour un état une rentrée de TVA appréciable, comparable à celle de l’essence. Mais n’est-ce pas un leurre, de voir dans ce seul chiffre d’affaires, une perspective de croissance et d’emplois ?
Restons sur le cas Amazon : est-on si certain que le bénéfice global issu de la vente de livres et de disques ait augmenté grâce à Amazon ? Amazon vend beaucoup plus, mais aussi beaucoup moins cher, et dans tous les pays du monde. Aussi pour parler de croissance du secteur, il faudrait pouvoir comparer les bénéfices de la vente de livres et de disques avant l’arrivée d’Amazon, avec les mêmes bénéfices dans les mêmes pays après l’arrivée d’Amazon. Et s’il advenait, comme on peut l’imaginer, que ce bénéfice global n’a pas réellement augmenté – ce qui est probable, car on n’observe pas qu’on achète notablement plus de livres et de disques qu’avant – alors il serait plus juste de parler de concentration, plutôt que d’une croissance des bénéfices. Une concentration, dont on mesure les effets négatifs : la disparition d’emplois de libraires et de disquaires, engendrant des coûts sociaux.
Pour espérer qu’une start-up génère réellement de la croissance, il faudrait qu’elle propose un bien ou un service nouveau POUR LE CONSOMMATEUR, quelque chose de plus, qui n’existe pas encore sur le marché, et qui le développe. Non pas quelque chose qui investit une activité existante, pour en concentrer tous les profits. Or on peut observer que les start-ups qui réussissent ne font pas cela. A l’instar d’Amazon, elles colonisent des marchés existants, pour les réorganiser, leur apporter un plus technologique, basé sur l’échange, la facilité de recherche, la mise en relation, le retour d’expérience, le tout aboutissant à une concentration des profits, permettant de diminuer drastiquement le prix.
Les supermarchés en leur temps, ont ainsi « concentré » l’activité du petit commerce et le consommateur y a trouvé son intérêt. Aujourd’hui, c’est Amazon qui, en étendant son activité à bien d’autres choses que des livres et des disques, est sur le point de « concentrer » les bénéfices des supermarchés, dont l’existence ne reposera bientôt plus que sur le commerce du frais. L’apparition d’un colis autonome de faible coût, qui respecterait la chaîne du froid – avec l’arrivée de piles à combustibles de petite taille par exemple – pourrait finir le travail. On achèterait alors 100 gr de crevettes sur Amazon à un prix record, et on recevrait le colis réfrigéré le lendemain dans sa boîte aux lettres !
En l’absence de produits ou services réellement nouveaux à proposer au consommateur, c’est donc l’image d’un marché que la technologie invite en permanence à se dévorer lui même qui s’impose. Cependant, il ne servirait à rien d’interdire les avancées technologiques proposées par les start-ups : à quoi aurait servi au 19e siècle, d’interdire le train ? Cependant, où nous mèneront, à terme, de telles réorganisations, sinon vers toujours plus de chômage, toujours plus d’impôts, toujours plus de crimes aussi, pour parer à l’inactivité, à la précarisation, et à la solitude croissante de la population ? Évoquons aussi le corollaire de toutes ces plaies sociales : un pourrissement de l’opinion, qui faute de comprendre ces évolutions, en vient à chercher des ennemis tous azimuts : étrangers, barrages, aéroports, voitures, banquiers, députés, patrons….
Rectif : Le skieur progressiste (et non progressif)