Les Nuits Debout comme fluctuations critiques, par Timiota

Les injonctions contradictoires (style : « Sois spontané ! ») sont les signes visibles qui accompagnent les Nuits Debout, à la fois à l’extérieur et à l’intérieur.

Comment s’émanciper d’un discours des médias mainstream qui, dans un réflexe « entrainant la mort sans volonté de la donner », associe le mot « violence » aux Nuits Debouts dès qu’il en a une petite occasion, et qui évidemment ne peut pas scier la branche sur laquelle il est assis : ces médias ont failli a leur rôle de courroie d’idées entre peuple et pouvoir. Eux-même réduits à des enjeux actionnariaux ou à des luttes d’influence de milliardaires eux-même bien en mal d’agir sur la richesse réelle des employés de leur groupes quand la préoccupation est celle de boucler un trimestre « Q2 » d’apparence comptable présentable au sens du futur dividende.

Emanciper une communication des Nuits Debout vers l’extérieur est donc quasi impossible, et la prise à partie d’un représentant clivant du mainstream, fier académicien, n’est qu’un épiphénomène de ce grippage.

La seule façon d’avancer, c’est d’abord de continuer ce miracle que 2.000 à 10.000 personnes se réunissent sur une parole ouverte. Et c’est de multiplier cette parole ouverte par une extension géographique du mouvement, dans d’autres villes d’abord.

L’autre injonction contradictoire, c’est celle de l’intérieur : comment survivre à l’émiettement des discussions particulières et comment ne pas chercher une organisation, donc des « élus », qui recentre les forces et limitent l’effet centrifuge de la multiplication des paroles libérées ? Comment passer des affects aux personnes ? On retrouve là les leçons politiques du communisme théorique, et du communisme réel : et avec une envie d’ouverture du cerveau aux vents du large, je pourrais être de ceux qui craignent d’y retrouver des leçons de stalinisme, notamment dans le leadership du Monde Diplo (Halimi, et d’autres), mais je crois plutôt que nous sommes dans des fluctuations : c’est ce que la physique (la même physique qui explique les solitons) dit à l’approche des crises de fond : les fluctuations sont majeures. Ainsi dans le domaine énergétique, je m’échinais à Nuit Debout en débattant à un stand écologie à faire comprendre que les tendances simples ne sont pas de mise, par exemple le prix du pétrole ne va pas monter tranquillement au fur et à mesure de son épuisement. On le constate, et dans les grandes largeurs (x4 puis divisé par 5, etc.). Et ces fluctuations ne causent pas elles-mêmes de crises gigantesque chez les consommateurs, car elles en causent chez les producteurs, avec les effets ravageurs que l’on sait au Moyen Orient : de plus en plus de degrés de libertés sont couplés, c’est aussi en accord avec les « fluctuations critiques ». (Et la loi de l’offre et de la demande ? Uh ? de l’offre de violence ou de la demande de violence plutôt non ? voila un marché dominé surtout par des arrière-pensées sur le statut des acteurs).

Quelles seront les fluctuations critiques de l’après Nuits Debout, celles du 70 mars au 200 mars ?

La chance actuelle du mouvement, qui pourra lui donner des rebonds, c’est qu’il s’est construit sur l’espiègle Ruffin, c’est qu’il brave l’état d’urgence, c’est qu’il fait fi du panem et circenses de l’euro à venir, voire qu’il sautera par-dessus la présidentielle de 2017 (sauf à tabler sur un effet Piketty qui réconcilierait un grand pan de la France avec le meilleur d’elle-même !).

Ce n’est qu’aux plus grands rebonds que nous pourrons, par la stratégie du choc inversé, passer aux effets de cliquets comme l’explique Naomi Klein : impacter par exemple les havres fiscaux, puis par rebond les ventes d’armes et par rebond encore les politiques étrangères iniques appuyées par la France dans des états faibles ou tyranniques, pour cause de vente d’armes ou d’intérêt géostratégique distordu (mines, …).

Si l’on doit faire quelque chose maintenant, c’est surtout amplifier la fluctuation par elle-même, jusqu’au bout de nos savoir-faire, et assez fort pour qu’une représentation, qui émergera certes, soit avant tout un vecteur d’une dynamique, donnant à voir l’enchainement des questions à résoudre au travers de dynamiques qui doivent passer par l’injonction contradictoire de rentrer dans une « lutte contre » ciblée (la loi El Khomri) et de regarder au-delà comment nous sommes devenus des jouets d’un monde économique extra-territorial à la morale.

Partager :

Contact

Contactez Paul Jorion

Commentaires récents

Articles récents

Catégories

Archives

Tags

Allemagne Aristote BCE Bourse Brexit capitalisme ChatGPT Chine Confinement Coronavirus Covid-19 dette dette publique Donald Trump Emmanuel Macron Espagne Etats-Unis Europe extinction du genre humain FMI France Grands Modèles de Langage Grèce intelligence artificielle interdiction des paris sur les fluctuations de prix Italie Japon Joe Biden John Maynard Keynes Karl Marx pandémie Portugal psychanalyse robotisation Royaume-Uni Russie réchauffement climatique Réfugiés spéculation Thomas Piketty Ukraine ultralibéralisme Vladimir Poutine zone euro « Le dernier qui s'en va éteint la lumière »

Meta