Panama Papers ou la sécession du « monde des affaires », par Stéphane Gaufrès

Billet invité.

Bien des tournants dans l’histoire ont commencé par une révolte des populations contre l’impôt. Révolte de ceux qui en payent contre ceux qui n’en payent pas. Les révolutions anglaises et française, la guerre d’indépendance des États-Unis, et tant d’autres, ont été déclenchées par un sentiment d’injustice fiscale. Les révélations des Panama Papers semblent toucher à peu près tous les pays du monde. Le temps n’est-il pas venu pour les peuples de faire reconnaître leurs droits et de dire à leurs gouvernants : « Nous ne paierons plus l’impôt capitaliste tant qu’il ne sera pas justement réparti » ?

Il ne s’agit pas là d’une révolte poujadiste ou libertarienne. L’impôt, les taxes et les « dividendes » sont prélevés sur les individus par des institutions qui les représentent de moins en moins. Les sommes dues, que l’immense majorité doit compenser en travail, sont pour partie transférées au système financier mondial, dans lequel certaines personnes opèrent en toute opacité, mais également en toute puissance. Les Panama Papers ne sont que la page people de la sécession assumée ou non du « monde des affaires », sécession d’avec la réalité des hommes comme d’avec celle de la planète.

Il ne faut pas se laisser distraire par l’exotisme des places, îles, et autres « paradis », qui disent « oui » un peu trop facilement aux avances des ogres en quête de solitude fiscale. Il n’est pas question de liberté et de libertinage, mais d’une subversion des règles communes élémentaires. Les clients tout autant que les souteneurs doivent être mis en cause.

L’Europe continentale est devenue la plaque tournante du nihilisme libéral. La mise en arrière-plan de la démocratie s’est construite progressivement par « l’ouverture » commerciale, par les traités, et plus encore par la confiscation de l’émission monétaire par une banque centrale « indépendante ». C’est à dire, crûment et simplement, indépendante des peuples et plus encore des individus.

Comment expliquer autrement que le continent le plus riche et éduqué du monde et de son histoire ne propose qu’un avenir d’impossibles à ses jeunes, et qu’un rictus menaçant et égoïste au reste de la planète ?

L’affaire des Panama Papers a l’immense mérite d’être internationale. C’est l’occasion pour les individus de tous les pays et de toutes les cultures d’identifier le véritable « étranger », qui n’est pas le gars qui habite à côté, mais celui qui ne me reconnaît pas comme être humain, qui ponctionne mon avenir, et qui orchestre l’injustice. « Il n’a pas de nom, il n’a pas de visage… » Quoique… certains de ses récipiendaires ont bien un nom et un visage.

Si les citoyens du monde arrêtaient de payer, c’est à dire arrêtaient d’offrir leur équivalent-existence aux puits sans fond des paradis spéculatifs, eh bien il resterait entre les mains des puissants l’essence de leur contribution au monde : des remparts sans défenseurs, et des pyramides de Ponzi.

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