A la question du Débat du jour, « Le plongeon des marchés est-il rationnel ? », je suis celui qui dit « Oui ! ». Vous savez que pour moi, la psychologie, n’est pas l’explication de ce qui est en train de se passer.
Les marchés ne cèdent en rien à la panique : ils comprennent au contraire l’ampleur d’une crise dont le scénario était pourtant écrit depuis trois ans. La baisse des actions est plus que jamais le fruit d’un calcul tout à fait rationnel et non fondée sur la peur ou un sentiment de panique.
Le constat est clair : le système bancaire est totalement grippé, en voie de nationalisation partielle, avec un risque de faillite qui reste élevé malgré tout, comme l’a reconnu le secrétaire d’Etat Paulson. Autrement dit, les actionnaires des banques vont continuer de souffrir et souhaitent partir quand il est encore temps. Or, le secteur financier pèse lourd dans les indices. Le moment est d’autant plus critique qu’il semble bien que les pouvoirs publics ont désormais épuisé toutes leurs cartouches pour sauver les banques.
Ensuite, chacun sait désormais qu’il se prépare une grave crise de crédit qui va frapper de plein fouet les entreprises cotées. Mais là aussi rien de très nouveau et on peut même être surpris de la violente réaction sur des titres comme General Motors ou Ford, dont les ventes s’érodent depuis plusieurs mois et dont les problèmes de trésorerie sont connus. Les résultats des entreprises américaines au troisième trimestre risquent d’être très mauvais et peu de secteurs vont échapper à une contraction de l’activité, déjà largement entamée depuis deux ans.
Sans doute le risque d’insolvabilité des entreprises est plus prégnant aujourd’hui mais personne n’est pris à contre pied. Les entreprises vont donc connaître une fin d’année très difficile et les marchés ont cette fois-ci bien anticipé la seconde phase de la crise, celle qui touche à l’économie réelle.
10 réponses à “La Tribune, lundi 13 octobre”
On pourrait retourner l’argument dans l’autre sens et dire que c’est essentiellement grâce à des effets « psychologiques » que les marchés ont tenu bon tous ces mois depuis le début de la crise subprime. Et on pourrait même dire que c’est parce que cette crise a longtemps été niée, parce qu’on a refusé de voir l’évidence, qu’on a continué à se voiler la face que les choses ont empiré. Si la crise avait eu son point d’impact plus tôt, si on avait pris connaissance de cette crise plus tôt, peut-être que les choses auraient été moins grave et qu’on aurait pu empêcher pas mal de choses.
Malheureusement les autorités jouent trop souvent à la politique de l’autruche.
Espérons quand même que le remue ménage qui se joue actuellement dans tous les pays, les réunions au sommet, les actions concertées et musclées aboutiront à dénouer la crise avec le moins de casse possible, même si c’est sans doute un peu tard
Source : Le Monde, édition Web
http://www.lemonde.fr/economie/article/2008/09/01/olivier-blanchard-un-pedagogue-de-l-economie-mondiale_1090066_3234.html
Paul, un commentaire sur cette nomination ?
pour moi c’est un retour a la logique!!mais n’est il pas dangereux de reparer les abberations de financiers et speculateurs » inconscients » en injectant des milliards (virtuels ou reels!!!!…..) alors qu’a chaque besoin financier pour resoudre un probleme d’ordre civil ou social (RSA ,trou de la secu,financement de l’unedic,………………) le peuple ou les intervenant se voient refusr leur demande par une fin de non recevoir
Paul,
Le Monde n’est jamais Tout Blanc ou Tout Noir. Si la baisse des actions peut effectivement être considérée comme le fruit d’un calcul tout à fait rationnel la vitesse du mouvement observée au cours de la semaine qui vient de s’écouler est par contre vraisemblablement le fait d’un sentiment de panique. Voir graphique ci-dessous qui reprend le mouvement du S&P 500 comparé à un indice composite qui trace l’évolution des grands mouvements de marché depuis 1970 sur le S&P et le Nikkei.
Moi je n’ai toujours compris comment la défaillance de 2 millions d’américains (Bush) pouvait couter plus de 2000 milliards aux banques, car si on considere qu’une maison coute 200 000$, à supposer que rien ne soit remboursé ce qui est le pire des cas, on arrive à 400 milliards.
Peut on m’expliquer comment on passe d’une dette inférieure à 400 milliards à une facture de plus de 1000 milliards?
Concernant la panique, cela semble évident, c’est un mouvement de panique; Même si la tendance baissiere est elle « rationnelle »;
Bon, alors je vais tenter une p’tite explication, je sais que les intervenants me reprendront sur mes erreurs 😉
Prenons l’exemple que vous proposez:
1) les banques et autres structures financières cherchent à proposer un max de crédits, d’abord car ça leur rapporte pas mal d’argent, mais aussi car le « système » pousse à l’endettement massif:
– des particuliers, dont le pouvoir d’achat baisse en raison du gel relatif des salaires mais dont le « vouloir d’achat » progresse continuellement
– des entreprises, pour des raisons comptables en particulier
– des Etats, vu que nos politiques en ont fait le choix…
2) Le crédit ça rapporte mais il existe au moins deux limites:
– ces cochons de débiteurs pourraient ne plus pouvoir payer (difficultés économiques, remontée des taux BC dans le cas des taux variables…) = ces créances peuvent être gênantes
– de « stupides règle de régulation, type Bale II », limitent la quantité de crédit délivrable par un établissement (en gros: le total des crédit doit conserver certaines proportions avec les fonds propres)
3) LA solution magique: la titrisation!
– Les institutions bancaires font des tas/groupes de créances (genre: un crédit peu sûr immobilier + d’autres crédits un peu plus sûr…) et les transforment en obligations. (ce qui veut dire que les intérets payés par les ménages (et autres) sont versés au détenteur de l’obligation).
– Qui les achètent? Tout le monde, car il semblerait que le système fait que le risque de non remboursement est très faible. Pour les tas les plus pourris (dangereux) la rémunération est très importante, des hedges founds agressifs tentent donc le coup. Et comme le système est global on trouve partout autant des créances titrisées que des obligations adossées à des créances.(les deux faces de la même pièce)
– pour les banques c’est parfait, car d’une part en revendant ces obligations le nombre de crédits en cours diminue (ils peuvent en faire des nouveaux), d’autre part la vente des obligations (ou leur détention comme actif) fait augmenter leurs fonds propres et augmente la quantité de crédit proposable.
– Et surtout, comme elles revendent désormais les créances, les banques acceptent d’accorder des crédits dans des conditions violant toutes les règles prudentielles.
DONC, nous avons de plus en plus de crédits, de moins en moins sûrs pour certains, qui sont tous mélangés et dont la traçabilité est plus que périlleuse.
Les créances les moins sûres rendent quasi sans valeur les tas concernés (dont la valeur totale est supérieure aux créances problématiques), c’est l’effet fruit pourri.
Par ce principe les sommes qui peuvent être perdues sont supérieures aux seuls créances impayées. Cela dit les crédits immobiliers n’ont été que catalyseurs d’un problème plus global. Le principe grossièrement présenté est commun à l’ensemble des crédits et entraine de nombreuses conséquences:
– l’essoufflement économique (type ménage insolvable) entraine une contraction du crédit (à cause des trous dans les bilans), cette contraction du crédit ralentit l’économie ect…
– les trous en question dans les bilans entrainent des dégats conséquents en raison des effets de levier (dépot de marge pour les produits dérivés et investissement même spéculatif par l’endettement). Pour illustrer:
La banque Bear Stearns : quand elle fait faillite elle possédait environ 8 ou 9 milliard de fonds propres et était engagée à hauteur de 13400 milliard sur des deals à venir, forcement sa disparition soudaine n’est pas sans conséquence
– En ajoutant à cela le problèmes des assurances et dérivés de crédit (type CDS) la coupe est pleine; en effet des dépréciations trop lourdes peuvent couler des assurances, la faillite de boites d’assurance va pousser à des ventes précipitées et surement amener de nouvelles dépréciations d’actifs, ce qui va encore fragiliser les assurances….
En définitive, c’est parce que la crise est systémique que des pertes isolées font naitre des trous noirs de pertes…
Le plus simple et le moins couteux ne serait il pas de soutenir les debiteurs defaillants initiaux puisque la créance douteuse a été revendue plus cher sous forme de dérivé à une autre banque qu’on va soutenir pour qu’elle puisse payer ce dérivé d’un cout exhorbitant par rapport au pret?
Albert,
Si je comprends bien votre question je serais tenté de dire que cette question se rapporte à une question de fond:
Le problème est-il un problème de liquidité ou de solvabilité. Soutenir les débiteurs défaillant (ou de même les structures financières) peut être efficace si la difficultés est de l’ordre d’une « illiquidité » passagère ou une insolvabilité surmontable. En clair si les pertes s’avèrent trop importantes la situation passera d’un « trop gros pour faire faillite » à un « trop gros pour être sauvé ». Dans ce cas là la seule solution serai celle de …. l’amputation du membre gangréné (tout un secteur financier, principalement lié à la spéculation). Mais il faut être conscient que le lobby de la haute finance n’y tient pas particulièrement… Et comme c’est ce lobby qui aujourd’hui propose les « solutions »….
@ guillaume,
Si j’ai bien compris, l’origine de la crise est le defaut de 2 millions d’américains qui ont du mal à rembourser leur emprunt pour leur maison.
Ce defaut de paiement est amplifié par différents acteurs financiers qui dans l’espoir d’un enrichissement sans cause ont créé des produits derivés qui ont eu pour effet de demultiplier le defaut de paiement initial. C’est comme ça qu’on passe de 200 milliards à la ruine de l’economie mondiale. C’est un peu fort quand meme de se laisser pieger dans une crise iréellle et finalement sans cause économique.
LA reponse doit etre politique et non pas economique.