Billet invité.
Paul, Je te rejoins tout à fait dans ton propos : « un programme est quelque chose qu’une personne est capable ou non d’appliquer, autrement dit de s’y tenir (…) Ce qui veut dire que je mets ma confiance davantage en des personnes que dans des programmes ».
Cependant, je ne pouvais pas rester totalement sans réagir sur le sujet du programme que je juge important.
La droite n’a pas besoin de programme, la gauche si…
Simplifions le débat. Être de droite aujourd’hui, c’est avant tout être convaincu qu’il existe une hiérarchie entre les individus, c’est croire que cette hiérarchie reflète avant tout les compétences et le travail de chacun. Si un individu a entrepris les efforts nécessaires, il trouvera forcément et « naturellement » la place qui lui revient dans un système compétitif. L’État garantit l’ordre nécessaire au maintien de cette hiérarchie. Le marché la valorise, non pas au travers de rapports de forces comme voudrait nous le faire croire un certain Paul Jorion, mais parce que la qualité et la clairvoyance des anticipations faites par les individus et les organisations font que certains tirent le meilleur parti d’un échange marchand gouverné par l’offre et la demande.
Avec cette conviction, la droite n’a pas besoin d’un programme. Elle peut se contenter de gérer les circonstances du moment. Les menaces à l’ordre peuvent être traitées par la force, par l’intransigeance ou le compromis suivant l’état des rapports de force. Une partie des avancées sociales du passé sont le résultat de compromis passés quand l’ordre social était menacé et les rapports de force moins favorables qu’aujourd’hui pour les individus au sommet de la hiérarchie. À l’inverse, il existe aujourd’hui pour ce courant de pensée des opportunités, celles de revenir sur les compromis du passé, et de renvoyer les individus à leur responsabilité individuelle : au travail, et ne comptez plus sur nous pour suppléer à vos propres défaillances. Quant au marché, il ne fait in-fine que de valoriser le talent des individus.
Ce discours volontairement simplifié et déformé trouve toujours un large écho dans la population. Il s’appuie sur un discours dominant diffusé depuis des siècles, sur une lecture des sciences naturelles où ce qui est compétition est mis en exergue, laissant de côté les comportements de coopération, sur une histoire du monde qui fait la part belle aux conflits et à la compétition.
Être de gauche, c’est être convaincu que le vivre ensemble doit aussi s’appuyer sur des solidarités. Être de gauche, c’est penser que dans un contexte de rapports de force exacerbés, cette hiérarchie forte est une double menace, pour la cohésion sociale, et pour les libertés individuelles. Être de gauche, c’est être convaincu que cette hiérarchie est loin de refléter systématiquement les capacités individuelles, c’est penser que cette hiérarchie s’entretient elle-même grâce à des mécanismes de prédation qui s’exercent sur le plus grand nombre. La naissance ou les aléas économiques y jouent un grand rôle, et si cet ordre n’est pas naturel, alors il faut le corriger et en limiter les excès. Être de gauche, c’est penser que la réalisation d’un individu ne se limite pas à une position sociale ou le confort matériel …
Un discours de gauche ne renvoie aujourd’hui qu’à des expériences peu durables et partielles. Les régimes qui se sont réclamés du communisme n’ont au final institué qu’un autre système hiérarchique. Les gouvernements de gauche qui sont passés au pouvoir se sont souvent convertis aux politiques de circonstance, en perdant le cap et les valeurs, autrement dit, ils ont viré à droite, c’est le cas de notre gouvernement actuel. La pensée hiérarchique imprègne le débat d’idées, bien plus que celle de la solidarité. C’est pourquoi la gauche ne peut pas faire l’économie d’un programme, elle doit dire non seulement ce qu’elle va faire, mais aussi comment elle va le faire, ce qui n’a rien d’une évidence pour les citoyens. Reste à trouver l’individu capable de s’y tenir.
J’ai trouvé le point où Jorion et Thom divergent concernant PSI. C’est tout à la fin du chapitre XI :…