Billet invité.
Les appels et les initiatives pour une primaire à gauche se sont multipliés ces dernières semaines, celui publié dans le journal Libération le 10 janvier a rencontré un grand succès médiatique, grâce aux personnalités à l’origine de cet appel. Beaucoup pensent qu’une solution au rétrécissement démocratique réside alors dans ces initiatives. C’est le cas de tous ceux qui ne se retrouvent pas dans l’idée qu’un duel au 1er tour de la présidentielle de 2017 désignerait celui qui aurait l’insigne privilège d’affronter celle que tout le monde désigne déjà comme ayant son ticket pour le second tour.
Plus largement, cette initiative pouvait laisser à penser qu’enfin on allait pouvoir parler de débats politiques, à gauche et au sein de l’écologie, quand à droite la primaire laisse augurer de sombres affrontements de personnalités.
Et d’annoncer que les signataires d’une telle primaire se fixaient pour objectif qu’elle puisse se dérouler en même temps que pendant la primaire des droites, soit fin novembre 2016 …
Las, les premiers retours des potentiels candidat(e)s sont arrivés en ordre dispersés, les uns actant déjà un positionnement, les autres des conditionnalités, d’autres encore un attentisme de bon aloi selon eux, malgré le fait qu’en 11 jours seulement, plus de 6 000 personnes aient signé cet appel.
Pourtant, d’après un sondage Odoxa paru le 2 janvier dans Le Parisien, le souhait des citoyens est de pouvoir enfin constater un renouvellement politique qu’ils appellent massivement de leurs vœux, tant sur les procédures que sur les candidat(e)s politiques, au-delà du seul sujet de la Présidentielle de 2017.
Notreprimaire est donc en soi un renouvellement puisqu’il n’est pas porté par un parti politique (pour le moment), à la différence de la primaire de Les Républicains et qu’il dépasse les frontières partisanes puisqu’il s’adresse à la gauche et aux écologistes, à la différence de la primaire de 2011 du PS et d’autres partis de gauche.
Pourtant, on peine pour l’instant à identifier un tel renouvellement lorsque les seuls candidat(e)s que l’on entend se positionner, pour, contre, dans l’attente ou même sans dire mot, restent ceux qui parcourent depuis des années déjà les flots du champ politique : Jean-Luc Mélenchon, qui ne viendra que si François Hollande ne vient pas, lequel se mure dans son silence drapé dans son étole présidentielle, Cécile Duflot a déjà dit oui et Arnaud Montebourg souhaite se faire désirer. Quant au PCF, on n’a pas peur d’y réfléchir …
Les organisateurs de Notreprimaire promettent donc d’ouvrir le débat en attendant que les choses puissent se décanter sur le dit champ politique en ce qui concerne apparemment le point essentiel, à savoir les candidatures, en proposant de définir une plate-forme commune à ces futures candidat(e)s.
Mais n’est-ce pas là mettre la charrue avant les bœufs ? Et comment parler, déjà, d’une plate-forme commune, quand on ne connaît pas même les positions politiques des un(e)s et des autres (puisque l’on n’en connaît aucun … en tant que candidat), comme si l’essentiel était justement de préserver la dite primaire d’éventuels refus ou conditionnalités des candidat(e)s, qui impriment ainsi avant même que cette primaire ne soit née leur marque personnelle ?
N’est-ce pas, en premier lieu, le débat politique qui importe, sachant que celui-ci ne peut s’ouvrir qu’entre ceux qui auront au préalable été sélectionnés comme candidat(e)s à une primaire ?
Par ailleurs, si le souhait des citoyens français est bien de constater et de participer même à un renouvellement politique, que dire d’une primaire qui passe sous le tapis la question de sa procédure, de son fonctionnement démocratique, au risque de faire accroire à ceux, passablement déjà désillusionnés par la politique telle qu’elle est pratiquée, que la désignation des candidat(e)s se fera sans eux encore une fois, cette fois-ci certes pas dans l’entre-soi habituel des partis politiques, mais, par … on ne sait qui ?
Voilà pourquoi il est urgent que Notreprimaire, si elle ne veut ni s’embourber dans des duels sans noms, ni sur un débat sans commencements et en l’absence de règles clairement édictées, devrait, sous peine de gâcher une rare opportunité politique qui s’ouvre enfin :
définir une date butoir la plus proche possible (1er mars par exemple) de dépôt de candidatures, ceci dans le double objectif de tenir la contrainte d’organiser la primaire à la date annoncée (dans un peu plus de 10 mois seulement !) et de passer le plus rapidement possible au débat politique ;
de permettre aux signataires de la primaire de désigner eux-mêmes les candidat(e)s, ceux qui se présenteront mais aussi ceux qui ne présenteront pas ou qui ne se sont pas encore présentés et que les signataires souhaitent voir participer. Il serait par exemple particulièrement opportun pour une primaire qui ambitionne de renouveler les pratiques politiques de permettre à des candidats de la société civile d’y participer, ou de permettre aux signataires de les inciter ainsi à se présenter par leurs votes ;
de permettre à ces mêmes signataires de définir les thématiques sur lesquelles les candidat(e)s qui auront été sélectionnés auront à se prononcer, afin de leur donner la possibilité d’établir un comparatif ainsi facilité entre les propositions des un(e)s et des autres ;
d’organiser ensuite des débats sur différents territoires et pas uniquement sur internet ou à la télé, pour que les dit(e)s candidat(e)s puissent exposer leurs idées devant les citoyens (et pas seulement les signataires) ;
une fois le/la candidat(e) sélectionné(e), que son programme puisse être amendé par les signataires par un système de votes, les amendements concernant non pas les mesures en elles-mêmes, mais les conditions de mise en oeuvre de celles-ci.
Dès lors, Notreprimaire, ainsi que les candidat(e)s qui y participeront, a fortiori celui/elle qui sera désigné(e) bénéficiera d’une légitimité démocratique incontestable et pourra s’appuyer sur un véritable réseau de citoyens qui seront entre-temps devenus de véritables acteurs politiques.
En l’absence de telles règles, une primaire apparaîtra alors tôt ou tard, au mieux, comme un processus de relégitimation non pas de la politique mais de ceux qui y participent, au pire, d’une manœuvre politicienne au bénéfice de l’un(e) ou l’autre selon que l’on se place d’un bord ou d’un autre, renforçant ainsi les désillusionnés dans leurs prévalences, voir même pour un nombre non négligeable à voter FN.
Il s’agit donc en premier lieu de rendre réelle cette primaire en évacuant le plus rapidement possible la question des candidat(e)s par un vote démocratique et en second lieu de rendre possible la nécessaire action citoyenne sans laquelle toute primaire ne restera qu’un exercice renouvelé de votation :
une action citoyenne pour participer au fonctionnement même de la primaire (préparation et tenue de bureaux de vote, dépouillement lors du vote de la désignation de la/du candidat(e), organisation des débats locaux sur les territoires, etc.), comme le font les assesseurs des différents partis politiques lors des élections ;
une action citoyenne aussi pour participer au financement de cette primaire qui ne se fera pas non plus sans financements, afin de ne pas dépendre d’éventuelles participations financières de partis politiques qui participeraient à celle-ci.
Enfin, Notreprimaire n’est pas la seule initiative à avoir été lancée, loin s’en faut et certaines lui sont antérieures. Voilà pourquoi cette lettre appelle aussi ses signataires à faire une place et/ou à se coordonner avec d’autres initiatives, qui vont dans le même sens du renouvellement politique mais qui peuvent différer, dans leur fonctionnement comme dans leurs objectifs, tout en étant complémentaires à celle-ci.
On peut ainsi citer Laprimaire, une initiative citoyenne exclusivement, qui renouvelle profondément les pratiques politiques de désignations des candidats et de définition des programmes. Il pourrait y avoir une articulation possible entre les deux initiatives en réservant par exemple une place de candidat au/à la candidat(e) qui aura été sélectionné par Laprimaire au sein de Notreprimaire, comme résultante d’un processus strictement citoyen venant questionner les personnalités de la primaire à gauche et des écologistes.
On peut aussi citer le Conseil d’Urgence Citoyenne, lancé par plusieurs intellectuels ou élus, comme Sophie Wahnich et Isabelle Attard, dont l’objet est, notamment, à travers des cahiers de vigilance et de propositions, de démocratiser les institutions en replaçant les citoyens au cœur de la décision politique.
Loin de s’opposer, ces initiatives et les propositions de cette lettre tendent à contribuer, en synergie avec l’initiative de Notreprimaire, au nécessaire renouvellement politique qu’une primaire ouverte à un champ politique un peu plus élargi ne suffira pas à combler.
Cette lettre appelle les signataires de Notreprimaire à prendre conscience qu’en l’état actuel du politique en France et du contexte qui est le nôtre, il est probable qu’il n’y aura pas d’autres alternatives avant longtemps si celle-ci échoue.
Raison de plus pour que très rapidement cette alternative potentielle puisse répondre aux enjeux ainsi définis, de la manière la plus concrète et démocratique possible.
J’ai trouvé le point où Jorion et Thom divergent concernant PSI. C’est tout à la fin du chapitre XI :…