Billet invité.
Or donc, la main de la justice vient de s’abattre sur les gueux ayant osé contester la mise à mort sociale prononcée par leur suzerain, la bonne, très vertueuse et très charitable, société anonyme Goodyear.
24 mois de prison, dont 9 ferme !
Mais posons-nous la question de savoir s’il est raisonnable, dans ce merveilleux monde libéral de la guerre du tous contre tous, de penser pouvoir échapper à la criminalisation des syndicats ?
Notons tout d’abord, que le DRH ainsi que le second cadre retenu par les employés, avaient retiré leur plainte, et que les poursuites furent décidées par le procureur de la République. Notons ensuite les arrêts pris par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (arrêt Medveedyev et Moulin en 2008 et 2010) : » le déséquilibre du système pénal sape l’état de droit. Du fait de leur statut, les membres du ministère public en France ne remplissent pas l’exigence d’indépendance à l’égard de l’exécutif, qui, selon une jurisprudence constante, compte, au même titre que l’impartialité parmi les garanties inhérentes à la nature autonome des magistrats. » Autrement dit, il existe un doute sérieux pour la CEDH, concernant l’indépendance des procureurs de la République vis-à-vis du garde des sceaux, ministre de la justice.
Seconde évidence, comme le rappelle Cédric Mas dans un de ses billets, le propriétaire d’une personne morale de droit privé dispose d’un abusus quasiment illimité. La fermeture d’une usine rentable, au plan de charge assuré pour des années, peut donc se faire sans justification aucune. Autrement dit, l’assassinat social de centaines de familles à seule fin de valorisation boursière est LÉ-GA-L !
Troisième évidence, le verrouillage de cette horreur économique par le Droit du commerce international, rend illusoire toute mesure significative prise au niveau national. Que demain matin M. Hollande se réveille socialiste et interdise les licenciements boursiers, et aussitôt les transnationales se délocaliseraient sous d’autres cieux (tout en entamant –et gagnant- des procédures judiciaires pour violation des accords européens et internationaux, signés par la France).
Quatrième évidence, dans un monde où le travail disparait sous les avancées de la robotisation et de la logicisation, les conflits sociaux sont destinés à croître en nombre et en violence.
Dès lors, comment ne pas contextualiser la criminalisation syndicale des ex-salariés de Goodyear ? Comment ne pas penser qu’il s’agit là d’un message clair et net, adressé par le gouvernement ?
Les prochains nominés pour une peine de prison ferme sont donc les syndicalistes d’Air-France. Les voilà prévenus.
Si ça n’est pas une fuite en avant, avouons que c’est quand même bien imité: droit dans le mur et en klaxonnant ! Nous voilà prévenus.
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