Billet invité.
La crise des réfugiés est aussi celle de sa désastreuse prise en charge, qui se poursuit, pour reprendre le terme employé par le Commissaire aux droits humains du Conseil de l’Europe. « Si le cours des choses ne change pas – a-t-il ajouté – les valeurs et les principes énoncés dans la déclaration Universelle des droits de l’homme perdront tout leur sens ».
Une Union européenne forte de 500 millions d’habitants s’est par les soins de ses dirigeants révélée incapable de prendre en charge collectivement le million de réfugiés qui est parvenu cette année à y accéder dans des conditions éprouvantes. L’Allemagne et la Suède auront accueilli la presque totalité d’entre eux. Plus de 3.600 auront trouvé la mort en traversant la mer Égée.
En première ligne avec l’Italie, la Grèce a dû simultanément affronter les conséquences de leur politique d’austérité et traiter comme elle le pouvait les 700.000 réfugiés qui ont atteint ses rivages, se refusant à les refouler ou bien à devenir un gigantesque camp de rétention. La zone Schengen n’a pas résisté, balayée par ce flux. Des frontières internes ont été dressées sur la Route des Balkans, qui de provisoires pourraient s’installer si rien n’est fait. Il en serait alors fini d’une des deux grandes réalisations européenne avec la monnaie unique.
Devant le symbole que cela représenterait, ainsi que les conséquences économiques que le retour des contrôles aux frontières aurait, une solution est activement recherchée dans la perspective du prochain Conseil européen des 17 et 18 décembre. Considérant à juste titre que l’afflux de réfugiés n’est pas prêt de se tarir, Angela Merkel et Jean-Claude Juncker ont tenté de faire adopter le principe d’un mécanisme permanent d’accueil partagé. N’y étant pas parvenus, il ne reste plus que le seul renforcement des frontières à disposition, avec comme perspective par défaut de finir par les fermer aux réfugiés.
Cette option est en passe de s’imposer avec la proposition de constituer un corps de garde-frontières destinée à succéder à l’agence Frontex, placé sous l’autorité de la Commission. Doté de moyens propres, celui-ci serait en charge des frontières de l’espace Schengen et, dans le cadre d’un transfert de souveraineté, son intervention ne serait pas soumise à l’accord des Etats. Il aurait également dans ses prérogatives le refoulement des réfugiés pour les expulser vers leur pays d’origine ou des pays considérés comme « sûrs ».
Le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) a dénombré plus de 12 millions de Syriens, dont 5,5 millions d’enfants, qui ont un besoin immédiat d’assistance humanitaire. Plus de 4 millions d’entre eux ont fui à l’étranger, et environ 8 millions sont déplacées à l’intérieur du pays. Et il ne s’agit-là que de la Syrie, sans prendre en compte l’Irak et l’Afghanistan, ou encore d’autres pays. La perspective d’un proche arrêt de la guerre aux portes de l’Europe étant illusoire, quelle dimension va prendre un exode déjà présenté comme le plus important depuis la seconde Guerre Mondiale ? Se barricader ne va-t-il pas contribuer à créer d’autres poudrières ?
Venant de Beyrouth, 163 réfugiés syriens en famille ont été accueillis dans la nuit à Toronto par le nouveau premier ministre canadien Justin Trudeau. C’est à peu de choses près le nombre de réfugiés déjà relocalisés en Europe. 10.000 réfugiés sont attendus d’ici la fin décembre au Canada, 15.000 les suivront en janvier et février 2016, puis autant sur le reste de l’année d’après les prévisions du gouvernement.
Un peu tôt pour chiffrer avec précision, mais certainement pas des milliards de dollars.