Billet invité.
A la veille de la rencontre de mercredi d’Angela Merkel et de François Hollande, le premier ministre français Manuel Valls a tenu devant des journalistes des propos rapportés par le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung : « Nous ne pouvons pas recevoir plus de réfugiés en Europe, ce n’est pas possible » a-t-il fait valoir, ajoutant pour faire bonne mesure : « Ce n’est pas la France qui a dit : venez ! ». Ce matin, [Michel Sapin] a regretté « l’initiative individuelle » d’Emmanuel Macron qui a proposé avec Sigmar Gabriel la constitution d’un fonds franco-allemand sur les réfugiés, martelant « il faut qu’il y ait un engagement européen en faveur de la sécurité, il faut qu’il y ait un engagement européen en faveur de la protection de nos frontières ». On attend la synthèse de l’Élysée.
Le jour même de cette rencontre, Jean-Claude Juncker s’exprimait devant le Parlement européen en témoignant d’une autre hauteur de vue : « si l’esprit de Schengen nous quitte, nous perdrons plus que les accords de Schengen. Une monnaie commune n’a pas de sens si Schengen échoue. Vous devez savoir que Schengen n’est pas un concept neutre, banal, c’est un des plus importants piliers de la construction de l’Europe ».
Enfin, Angela Merkel a défendu devant le Bundestag sa politique, liant l’avenir de Schengen au partage des réfugiés par les États européens, tout en reconnaissant les obstacles qui y s’additionnent. Le nouveau gouvernement polonais s’y refuse, la Slovaquie annonce le dépôt d’une plainte contre ce régime et le Danemark, qui s’était porté volontaire pour accueillir des réfugiés, exerce désormais son droit de retrait. Pour ne pas parler de la France. Au plus fort de la crise de l’euro, Angela Merkel avait déclaré « Si l’euro échoue, l’Europe échoue ». Elle est désormais rendue au même point, sans pouvoir cette fois-ci attendre de la BCE qu’elle calme le jeu.
Sur la Route des Balkans, un tri sélectif des réfugiés est désormais opéré, séparant les bénéficiaires potentiels de l’asile de ceux qui sont refoulés, la frontière fermée pour eux, au mépris de la Convention de Genève qui proscrit qu’un tri a priori puisse être effectué, en l’occurrence selon les nationalités. Seul, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon s’est élevé contre. Les refoulés sont désormais bloqués en Grèce, à la frontière avec la Macédoine qui ne fait partie ni de l’Union européenne, ni de l’espace Schengen, comme le sont ceux qui campent en France près de l’entrée du tunnel sous la Manche. A quand l’apparition en Grèce de zones de non-droit, où seront « provisoirement » retenus les recalés ? En attendant, le trafic des faux-passeports syriens est florissant.
Un sommet européen où est invité le premier ministre turc Ahmet Davutoglu aura lieu dimanche prochain. Une finalisation du « plan d’action conjoint qui mettra de l’ordre dans les flux migratoires et contribuera à endiguer la migration irrégulière » – tel que décrit par Frans Timmermans, le vice-président de la Commission – semble un objectif très ambitieux, et il faudra sans doute se contenter d’un accord sur « ses grandes lignes » masquant les désaccords à résorber. Les autorités européennes en sont à tenter de recueillir auprès des États membres les fonds afin de réunir trois milliards d’euros destinés à la Turquie, mais ceux-ci traînent des pieds.
La crise de Schengen est partie, comme on pouvait s’y attendre, pour dépasser par ses effets celle de l’euro. Afin d’y faire face, la Commission travaille pour la fin de l’année à un renforcement des frontières extérieures de Schengen, mais les tentatives de réguler et de tarir le flux des réfugiés sont loin d’avoir abouties, et leur répartition s’engage très lentement. Une dynamique centrifuge est enclenchée en Europe.
La pression financière de la crise des réfugiés, tous coûts confondus, va ouvrir une grosse brèche dans le pacte budgétaire, invitation implicite à ce que d’autres soient creusées, ce qui ne va pas manquer de susciter des réactions. Les divergences d’approche qui avançaient jusque là masquées vont être appelées à davantage s’exprimer, car qui pourrait siffler la fin de la récréation et être entendu ? Enfin, les négociations avec le gouvernement britannique, dans la perspective du référendum sur le maintien dans l’Union européenne du Royaume-Uni, vont contribuer à brouiller toute vision de l’avenir de la construction européenne ainsi que du renforcement de sa gouvernance.
Erratum : Les propos relatifs à l’initiative d’Emmanuel Macron et de Sigmar Gabriel ont été tenus par Michel Sapin et non Manuel Valls comme initialement indiqué par erreur.
J’ai trouvé le point où Jorion et Thom divergent concernant PSI. C’est tout à la fin du chapitre XI :…