Billet invité.
La pluie redoublant et les températures devenant glaciales, la Route des Balkans est plus fréquentée que jamais. Une dizaine de milliers de réfugiés parviennent à traverser quotidiennement la mer Égée pour remonter ensuite par étapes de la Grèce vers le nord, avec l’Allemagne comme destination finale.
Ne parvenant pas à faire face au flux de réfugiés n’ayant plus rien à perdre si ce n’est leur vie et celle de leurs proches, les gouvernements de la Route des Balkans n’ont qu’un seul souci en tête : ne pas se retrouver en position de tampon si la voie devait être coupée plus au nord. Ce qui les conduit à envisager de fermer à leur tour leurs frontières, répercutant chez leur voisin du sud la même intention. Des dizaines de milliers de réfugiés sont l’objet de cet inconvenant jeu de Mistigri.
Épuises et mal nourris, les colonnes de réfugiés enveloppés de couvertures quand ils en disposent offrent un spectacle de plus en plus affligeant. Avec l’arrivée de l’hiver, Amnesty international annonce une crise humanitaire de grande ampleur. Mais on n’entend plus parler que de murs, de barrières et de clôtures, comme s’il fallait faire face à un envahisseur. Ce qui a incité le commissaire européen aux migrations, Dimitris Avramopoulos, à rappeler que « les réfugiés ne sont pas des ennemis justifiant que nous déployions notre système de défense, ce sont des gens désespérés ». C’était il est vrai oublié.
Un mini-sommet des pays de la Route des Balkans se tiendra demain dimanche à Bruxelles, afin d’éviter sa fermeture et de tenter de remédier à ce qui est présenté comme un « manque de coordination dans la gestion de la crise par les pays parties prenantes ». Sans déploiement de moyens sous la responsabilité de l’Union européenne de prévus, ses participants vont s’en tenir à « une approche collective européenne et transfrontalière basée sur la coopération », selon le porte-parole de la Commission Margaritis Schinas. La crainte d’être accusé de créer un appel d’air domine la réflexion et paralyse l’action.
Le gouvernement turc, sur qui il est beaucoup compté pour jouer ce rôle de tampon récusé tout au long de la Route des Balkans, n’envoie pas des signaux très encourageants. Selim Kenel, son ambassadeur à Bruxelles, a fait savoir que l’Union européenne devait avoir rempli toutes ses promesses préalablement à toute mise en œuvre d’un plan d’action par la Turquie … La source n’étant pas prête d’être tarie, les réfugiés parviennent finalement en Allemagne, où ils sont accueillis tant bien que mal. Leur « relocalisation » au sein des pays de l’Union européenne démarre avec toute la mauvaise volonté du monde et ne va concerner que 160.000 d’entre eux. Pendant ce temps, sans succès apparent auprès de ses homologues, Angela Merkel poursuit sa campagne en faveur du déplafonnement du nombre des réfugiés et de leur répartition suivant les quotas déjà adoptés.
Les médias rendent compte de manifestations de xénophobie dans toute l’Europe et du climat malsain qui se développe. Certes, Jean-Claude Juncker conforte Angela Merkel dans son choix et l’appelle à ne pas céder aux mauvais sondages, mais que peuvent les adjurations si elles ne sont pas relayées par l’action ? La mesure de cette crise a été prise avec un énorme retard et la réponse à lui apporter n’a toujours pas été trouvée. Des peuples entiers fuient la guerre et la misère et l’on en est toujours à vouloir trier les migrants économiques et les réfugiés de guerre, avec comme facteur discriminant leur nationalité. Les uns et les autres vivent une situation identique de désespérance, toute aussi digne de considération. Vu l’afflux de réfugiés, ce calcul est de toute façon dérisoire.
L’Union européenne a été proche de l’implosion lorsque la zone euro était au bord de l’éclatement, elle se trouve désormais face à une autre menace qui sape sa crédibilité en raison de son impuissance, comme si elle avait besoin de cela. La BCE n’y pourvoira pas cette fois-ci, et aucun communiqué final d’aucun sommet n’y remédiera…
Un peu tôt pour chiffrer avec précision, mais certainement pas des milliards de dollars.