Billet invité.
« Ouvrez les frontières ! » réclament avec obstination les réfugiés lorsqu’ils sont bloqués. Ils ne l’obtiennent pas toujours, mais sous leur poussée l’éprouvante route des Balkans est restée malgré tout ouverte. Par milliers tous les jours, ils poursuivent leur exode et continuent d’arriver en Autriche, ce qui marque pour eux la fin du voyage, car ils savent qu’il ne rencontrerons plus d’obstacles avant l’Allemagne où ils seront accueillis.
Par contraste, les autorités turques empêchent le franchissement de la frontière terrestre avec la Grèce, à Edrine, ne laissant aux réfugiés d’autre choix que de traverser à leur risque et péril la mer Égée pour rejoindre les îles grecques. Les naufrages s’y succèdent et les noyades s’additionnent. C’est également le cas au large de la côte libyenne, où tous les réfugiés ne sont pas récupérés par la flottille des bateaux qui patrouillent. Tous les jours, le bilan s’alourdit, les victimes qui souvent voyagent en famille se comptent déjà par milliers.
La Croatie n’a pas maintenu la fermeture de ses frontières, et la Hongrie non plus. Avec célérité, ces deux pays ont organisé le transfert par bus des réfugiés de l’un a l’autre pays, seule la frontière étant franchie à pied, avant de les convoyer vers l’Autriche pour s’en débarrasser au plus vite. 11.000 réfugiés y sont entrés samedi dernier et le flux continue. Leur nombre rend dérisoire une fermeture des frontières qui ne ferait que reporter le problème en aval : le chacun pour soi qui prévaut a trouvé mieux pour s’exprimer.
Afin d’y remédier, les plus hautes autorités européennes ont recommencé à conférer d’arrache-pied. Non pas pour sécuriser l’exode des réfugiés, mais pour décider comment se répartir ceux qui parviennent au bout du chemin. Dans l’ordre, les ministres des affaires étrangères du groupe de Visegrad (Pologne, République Tchèque, Slovaquie et Hongrie) aujourd’hui lundi, de l’intérieur de l’Union européenne demain mardi, et mercredi les chefs d’Etat et de gouvernement. L’objectif est de parvenir à un accord concernant la répartition de 120.000 réfugiés, à l’arraché comme de l’accoutumé. Il est question que l’accueil des réfugiés soit décidé sur une base présentée comme volontaire afin que les apparences soient sauves ! Mais d’autres sujets épineux sont sur la table, notamment les critères de tri entre migrants économiques et réfugiés du fait de guerre qui devra être opéré. Seuls ces derniers pourront bénéficier du droit d’asile.
Caser ceux qui sont parvenus au but, en Allemagne, ainsi que ceux qui la rejoignent est une chose, stopper l’exode vers l’Europe une autre. A cet égard, il est beaucoup compté sur la Turquie, qui montre déjà à Edrine ce qu’elle sait faire. Mais elle accueille déjà deux centaines de milliers de réfugiés dans des camps alors que plus de deux millions sont entrés, tentant de se faire une place et de survivre quand ils n’ont pas rejoint la Grèce. Des milliards d’euros d’aide sont promis, on verra à l’arrivée.
Les plus hautes autorités européennes aimeraient bien procéder ainsi à un solde de tout compte, refoulant de facto les réfugiés qui ne seront pas passé à temps et se donnant bonne conscience à peu de prix en accueillant une faible part d’entre eux. Ils s’illusionnent une fois de plus. Les plus lucides disent à mi-mot que chaque chose saura être réglée en son temps, sans préciser le délai qui sera nécessaire pour déplafonner l’accueil, les moins clairvoyants parlent d’attendre en Turquie la fin de la guerre en Syrie afin que les réfugiés retournent chez eux. Cela commence toujours comme cela.
A Bagdad, les ventes de gilets de sauvetage explosent et les cours de natation ne désemplissent pas.
@Khanard, Merci pour ce commentaire stimulant et bienvenu. Il me fait penser à cette phrase de Hölderlin : « Là où…