Retranscription de Le temps qu’il fait le 14 août 2015. Merci à Olivier Brouwer !
Bonjour, nous sommes le vendredi 14 août 2015. Et je fais souvent des vidéos dans des chambres d’hôtel, dans des conditions un peu difficiles, mais toujours avec un Wifi. Alors là, ici, on a une première : ce n’est même pas sur l’iPad, c’est sur mon téléphone et il n’y a pas de Wifi ! Alors, j’espère que vous allez voir ça un jour quand même. Je fais une tentative.
De quoi je voulais vous parler ? Eh bien, la semaine dernière, je vous ai parlé du livre de Supiot, d’Alain Supiot : « La gouvernance par les nombres », qui est un livre important. J’aurai encore l’occasion de vous en parler. Il est important que vous lisiez ce livre-là.
C’était il y a quelques temps, je ne sais plus exactement quand, mais Monsieur Valls parlait du silence des intellectuels. Il disait que les intellectuels ne parlaient pas. Et je ne sais pas trop à qui il pensait. Peut-être à des personnalités de télévision qu’on appelle « intellectuels » je dirais « par erreur », par une utilisation médiocre des catégories – probablement parce que les intellectuels, précisément, ne se taisent pas.
Et aujourd’hui, je voudrais vous dire un mot d’un autre livre. C’est un livre qui s’appelle : « Qui est Charlie ? », une analyse d’une crise religieuse en France. Et la France a la chance d’avoir des intellectuels. Elle a Alain Supiot, elle a Emmanuel Todd, il y en a encore quelques autres dont je parle aussi des ouvrages. Et les intellectuels, pas plus qu’à aucune autre époque, ne sont silencieux, ne sont muets. Le problème, c’est de savoir qui sont les intellectuels et de regarder au bon endroit, c’est tout.
Alors, ce livre d’Emmanuel Todd, j’y ai déjà fait allusion, c’est un livre important. C’est vraiment une analyse de la société française, c’est très bien fait. Je ne suis pas entièrement d’accord avec Todd sur toutes ses conclusions, en particulier sur l’euro. Personnellement, moi, je pense que c’est une tentative à laquelle il faut encore donner un peu de chance de réussir. Comme vous le savez, sur les questions monétaires, moi je suis partisan des sorties par le haut, en particulier de tentatives qui devraient être faites d’un ordre monétaire international, sans ça, on n’en sortira absolument pas. Dans la lignée de ce qu’avait proposé Keynes à Bretton Woods.
Mais ceci dit, après avoir mentionné, je dirais, une toute petite différence d’opinion là-dessus, ce livre est un livre très important. J’ai eu l’occasion, il n’y a pas tellement longtemps, avec Emmanuel Todd, qui en plus est un ami, de discuter un petit peu de nos origines intellectuelles communes à l’Université de Cambridge : des mêmes maîtres que nous avons eus, des mêmes séminaires auxquels nous avons assisté. Pas exactement au même moment : nous ne nous sommes pas vus à l’époque parce qu’il y a un tout petit décalage d’âge qui fait qu’Emmanuel est arrivé après que je sois là. Mais sinon, nous avons eu affaire aux mêmes maîtres et nous avons appris, je dirais, à raisonner, à faire des analyses, dans le même type de cadre.
C’est un livre important qui analyse la France telle qu’elle est maintenant. Ça va tout à fait, bien entendu, à l’encontre des idées reçues en ce moment, des analyses qui sont faites. C’est une très bonne chose – et je le lui ai dit à l’époque, je le répète maintenant – c’est une très bonne chose d’analyser les événements du début du mois de janvier de la manière dont il l’a fait, quitte à être tout à fait, bien entendu, à contre-courant.
Voilà, alors, c’est un livre à lire aussi. Et si je peux me permettre, en terminant : des livres comme ceux de Supiot, comme ceux de Todd, font une démystification importante. J’allais dire, au lieu de « démystification », j’allais dire un autre mot mais je vais le dire quand même, parce que je crois qu’il est peut-être encore plus approprié : une désintoxication. Une désintoxication de la pensée. Nous sommes effectivement prisonniers en ce moment d’une tentative d’imposer un système avec ce qu’on appelle à juste titre une « pensée unique », qui est une pensée idéologique qui se fait pensée, qui se grime des oripeaux d’une pseudo-science pour essayer de nous imposer des choses sur un plan purement politique. Alors, [des livres] comme « La gouvernance par les nombres » de Supiot, [comme] « Qui est Charlie ? » de Todd, jouent un rôle très très important dans cette tentative, dans une démystification, dans une désintoxication de la pensée.
Et j’espère, j’espère qu’on aura l’amabilité, ou, je dirais, la clairvoyance, de mettre mon livre sur Keynes qui paraît dans quelques semaines, « Penser tout haut l’économie avec Keynes », de le mettre dans la même catégorie que [ceux] de Supiot et Todd. J’ai le sentiment, moi, d’être sur la même longueur d’ondes qu’eux, j’espère qu’ils ont le même sentiment vis-à-vis de moi. J’ai l’impression que nous faisons une tâche véritablement importante, et précisément celle, précisément celle que doivent remplir des intellectuels, c’est-à-dire de venir dans les périodes d’hésitation, de perplexité, de venir avec des analyses, des explications de ce qui est en train de se passer pour remettre un petit peu la réflexion sur les rails.
Voilà, une petite vidéo dans des conditions très difficiles. J’espère que vous allez la voir.
A bientôt, au revoir !
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