Dans quelle proportion le secteur financier contribue-t-il à l’économie d’un pays ?
La réponse est loin d’être évidente et, pour une année particulière, la question ne se clarifie que bien plus tard. Voyons pourquoi.
Le PIB (Produit intérieur brut) d’une nation est constitué de la somme de la valeur ajoutée brute de toutes les activités d’une année. La valeur ajoutée s’assimile en gros au profit : la différence entre prix de vente et coûts encourus.
Le calcul de la valeur ajoutée soulève de nombreuses questions. Faut-il ainsi prendre au sérieux le mot « valeur », au sens de « valorisé » ? Si oui, faut-il remettre en question cette appellation pour certains surprofits résultant d’un rapport de force trop favorable au vendeur ? Étant admis qu’il faut pour produire, réunir des capitaux, fournir du travail et assurer la supervision de celui-ci, faut-il remettre en question la définition conventionnelle des rémunérations qui fait de celle du travail un coût – qu’il convient de minimiser, et du versement des dividendes aux actionnaires et des bonus des dirigeants, des parts du profit – celui-ci devant être maximisé puisqu’il constitue une contribution positive au PIB et va doper la croissance ? Comptabiliser le travail comme coût et les dividendes et les bonus comme parts de profit est en réalité arbitraire : c’est un choix politique et s’il nous paraît aller de soi, c’est seulement parce que son origine se perd dans la nuit des temps.
Une part de la valeur ajoutée par le secteur financier est facile à calculer : il s’agit des commissions perçues pour les divers services rendus. La valeur ajoutée par l’activité d’intermédiation, c’est-à-dire le crédit, est elle beaucoup plus problématique, elle fait intervenir une méthode mise au point en 1993 par les Nations-Unies : le FISIM (Financial Intermediation Services Indirectly Measured). Celui-ci spécifie qu’est considéré comme valeur ajoutée contribuant au PIB, la différence entre le taux d’intérêt dont s’acquitte le bénéficiaire d’un prêt et le coût du financement, à savoir le taux d’intérêt dont doit s’acquitter l’organisme prêteur lui-même pour disposer de la somme, multiplié par le montant de celle-ci.
Le calcul ne soulèverait aucune difficulté si la différence entre ces deux taux pouvait être considérée comme un profit qui lui revient. Ce serait oublier que les taux d’intérêt comprennent implicitement des primes destinées à couvrir les risques de non-versement des intérêts et de non-remboursement du principal. Un document de la Banque Nationale de Belgique explique que pour un prêt accordé à une PME, seront comptabilisées dans le taux d’intérêt exigé, la « prime pour investissement dans un pays donné » : la prime de risque de crédit de la Belgique en tant que nation, la « prime de risque des entreprises bien notées » : la prime associée au fait de prêter à une entreprise plutôt qu’au secteur public, ainsi que la « prime de risque propre aux PME ».
Si aucun « accident de crédit » n’intervient avant que le prêt n’arrive à maturité, le risque aura été surévalué et les primes constitueront un profit. Si les choses tournent mal, elles joueront leur rôle de cagnotte. En cas de crise grave, le risque pourra avoir été sérieusement sous-évalué et les primes récoltées se révéleront insuffisantes et il se peut que l’État doive alors intervenir pour éviter que l’insolvabilité d’une banque ne provoque sa chute, avec un éventuel effet de domino.
En période de crise financière, la marge entre le taux d’intérêt exigé et le coût du financement pourra donc gonfler considérablement parce que les primes liées au risque de crédit sont de plus en plus coûteuses. Ceci ne révèle pas pour autant la bonne santé du secteur, bien au contraire : la « valeur ajoutée » en hausse dramatique masque l’anticipation de pertes considérables. Pourquoi la contribution du secteur financier au PIB des pays occidentaux a-t-elle atteint un sommet au dernier trimestre de l’année 2008 ? La raison est là. La réalité était cependant tout autre !
J’ai trouvé le point où Jorion et Thom divergent concernant PSI. C’est tout à la fin du chapitre XI :…