L’Allemagne nous a offert deux désastres de dimension historique au XXe siècle. Elle est hélas en train de nous en concocter un troisième, qui sera le premier du XXIe siècle.
La raison d’une telle malédiction est son incapacité à jouer le rôle de puissance hégémonique bienveillante. Devenue hégémonique dans un domaine ou un autre, l’Allemagne ne peut s’empêcher d’abuser alors de son pouvoir. Son peuple malheureusement l’y encourage : si l’on en croit les sondages, Wolfgang Schäuble, le ministre des Finances allemand, faucon brutal, est désormais plus populaire en Allemagne que la Chancelière Angela Merkel.
À la conclusion de la Deuxième guerre mondiale, nous avons imaginé, nous, victimes de l’horreur nazie, jouer la sécurité en interdisant à l’Allemagne défaite de redevenir une puissance majeure sur les plans politique ou militaire. Nous lui avons conseillé de concentrer son attention sur l’économie. Las ! parvenue en position hégémonique sur le plan économique, le scénario tragique se répète : elle ne peut s’empêcher d’abuser de sa position dominante.
Martin Wolf, chroniqueur vedette du Financial Times, avait fait remarquer que, pourtant patrie d’Immanuel Kant, l’Allemagne est incapable de comprendre ce que celui-ci avait appelé l’« impératif catégorique » : la règle susceptible d’être appliquée universellement. « Aime ton prochain comme toi-même » est une règle d’application universelle, « exporte beaucoup plus que tu n’importes », comme le prône sans états d’âme l’Allemagne, ne l’est pas : son application par certains signifie que d’autres devront au contraire importer davantage qu’ils n’exportent.
Il est possible d’expliquer cette incapacité à jouer le rôle d’hégémon bienveillant par d’anciennes structures familiales, mais il y a peut-être d’autres raisons, quoi qu’il en soit, le temps nous manque pour continuer de nous demander pourquoi nous nous retrouvons à chaque reprise dans la même impasse, il nous faut organiser sans tarder la riposte.
Répondre sous la forme d’un Münich débouchera immanquablement sur le même résultat désastreux que lors de la première édition, retenons cela au moins de l’histoire. L’Allemagne s’isole dans son autosatisfaction, faisons lui comprendre que celle-ci ne provoque pas, comme elle l’imagine peut-être candidement, notre admiration sans borne, mais bien au contraire, notre insatisfaction irritée.
Si l’Allemagne est incapable de se conduire en puissance hégémonique bienveillante, deux options s’offrent à nous : la première est de trouver le moyen de la forcer, par la coalition de nous tous ensemble, à la bienveillance, la seconde consiste, en désespoir de cause, à tenter de la priver du statut de puissance économique dominante, dont elle apporte en ce moment la preuve qu’elle est incapable d’en faire bon usage.
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