Billet invité.
Une nouvelle prise de position favorable au gouvernement grec est apparue hier, là où on ne l’attendait pas. Mariano Rajoy, le premier ministre espagnol, a déclaré en conférence de presse : « la musique est différente, ce n’est pas celle que l’on a écoutée jusqu’à maintenant et c’est positif », en référence à la demande d’aide grecque adressée au Mécanisme européen de stabilité (MES). Sans doute a-t-il pris le pouls de l’opinion publique espagnole, au moment où les sondages électoraux donnent au coude à coude son parti, le PSOE, ainsi que Podemos. Pablo Iglesias s’est de son côté engagé à fond en faveur des Grecs.
Le gouvernement français ne ménage dorénavant plus ses efforts pour favoriser un compromis, des hauts fonctionnaires conseillant Euclide Tsakalotos et son équipe dans la rédaction de la proposition détaillée de réformes qui doit être remise dans la soirée au plus tard. Ce qui a permis à Manuel Valls, le premier ministre français, d’estimer en connaissance de cause « équilibrées et positives » ces nouvelles propositions devant l’Assemblée nationale, car elle font preuve d’une « réelle volonté d’avancer et de réformes ».
Les détails des réformes exposés dans ce document ne sont pas encore connus, mais l’on sait déjà qu’un plan de trois ans est recherché. Afin de pouvoir rembourser le FMI et d’éviter un défaut sur la BCE, des fonds sont demandés très rapidement, en contrepartie de quoi le gouvernement grec s’engage à réformer les systèmes d’impôts et de retraite dès la semaine prochaine. Dans un premier temps, la BCE pourrait débloquer les 3,6 milliards d’euros qu’elle doit au titre du reversement à la Grèce des intérêts perçus sur les titres grecs qu’elle détient.
Sur la question-clé de la restructuration de la dette, l’approche semble être souple, comme en témoigne la formulation employée dans la lettre préliminaire envoyée au MES, qui a été rendue publique : il ne serait question que « d’explorer les mesures potentielles à prendre afin que la dette détenue publiquement devienne soutenable et viable sur le long terme ». La négociation qui pourra suivre à ce propos se déroulera dans un rapport de force plus favorable, le FMI réaffirmant sa position favorable à ce sujet. Christine Lagarde a sur cette question remis les pieds dans le plat. Selon elle, le chiffre de 50 milliards d’euros d’aide dans le cadre d’un plan à trois ans devra « sans doute être révisé », tandis qu’un allégement de la dette sera l’inévitable « second pilier » d’un nouveau plan de soutien financier à la Grèce. Le ver est dans le fruit : le traitement réservé à la dette publique européenne va désormais faire discussion.
Les détails du projet de compromis font l’objet de dernières mises au point dans les coulisses. Si l’examen de passage du Conseil des gouverneurs du MES, où l’unanimité est requise pour une telle décision, est passé, celui de l’Eurogroupe lui succèdera. Un sommet européen ne serait même plus nécessaire, si les deux examens sont réussis. Puis une question restera en suspens : comment Angela Merkel et Alexis Tsipras pourront-ils vendre ce plan au Bundestag allemand et au Parlement grec ? En Allemagne, la cause n’est particulièrement pas entendue.
Ce qui a été recherché par l’équipe de Syriza dès le tout début est finalement intervenu : le nez devant l’obstacle et face au rejet de l’ultimatum des créanciers par les Grecs, les gouvernements français et italien se sont résolus à prendre leurs distances avec la ligne intransigeante qui prévalait. Un tournant a été entamé. La suite dira ce qu’il en ressortira en termes d’inflexion d’une stratégie qui a failli, ainsi que les conséquences électorales qui en résulteront en Espagne et au Portugal lors des consultations de cet automne.
1) On peut utiliser des bombes nucléaires pour stériliser l’entrée d’abris souterrains (au sens galeries bien bouchées, comme au sens…