De quoi oχi est-il le non ?, par Éric Vanzieleghem

Billet invité.

En établissant les sociétés, les hommes n’ont renoncé à une portion de l’indépendance dans laquelle la nature les a fait naître, que pour s’assurer les avantages qui résultent de leur soumission à une autorité légitime & raisonnable. (Encycl., art. POUVOIR)

L’austérité ne se limite pas à être la condition de vastes plans d’aide financiers, elle nous est imposée de toutes parts et depuis de nombreuses années. Les tours de vis budgétaires imposés aux contribuables belges en sont une illustration : pensions à la baisse, allocation de chômage à la baisse, remboursement des médicaments à la baisse, augmentation de la TVA, saut d’index, hausse de l’accès à la justice, la privatisation de la pension, … la liste est longue. Toutes ces mesures attestent de l’assèchement des finances publiques ; il n’est plus de budget public qui ne puisse être bouclé sans recours à une astuce comptable, à la vente de biens de l’État ou à la privatisation (ou la concession) d’un service public. Et lorsque un investissement est envisagé, l’État ne peut plus le consentir sans un recours à un partenariat public-privé ou un tax-shelter.

Quelle que soit l’origine de ces mesures et ce qui les relie, le contribuable, ce bon père de famille, ne peut les percevoir que globalement, comme des atteintes de son pouvoir d’achat et une érosion des bénéfices qu’il peut attendre de l’établissement d’une autorité publique. C’est donc légitimement qu’il s’interroge sur l’effet de ces mesures d’austérité. Sont-elles transitoires ? Laissent-elles espérer un terme à l’austérité ? Ou ces difficultés sont-elles en fait les symptômes de causes peu ou pas envisagées ? Il constate en tout cas que l’étau ne se desserre jamais et que la classe moyenne se dissout inexorablement, et quelle que soit la majorité au pouvoir. Le doute s’installe.

Quand il cherche à s’informer, le bon père de famille est dérouté par la violence de la confrontation des économistes entre eux, des banques et des entreprises, des grandes entreprises et des PME, des citoyens du nord et ceux du sud,… Décidément, il est impossible de savoir comment fonctionne le « système », il se demande d’ailleurs qui le comprend et qui le dirige – question inacceptable en regard du mandat qu’il donne aux élus.

Mais l’électeur qui veut demander des comptes, sanctionner ou modifier un cap se sent totalement incapable d’y parvenir, tout désorienté entre les majorités monstrueusement consensuelles, l’enchevêtrement de niveaux de pouvoirs – de la commune à l’Union européenne –, leurs conflits d’intérêt, la particratie, les lobbys,… Comment dire NON ?

La situation de la Grèce accule les Grecs à se saisir des moyens de dire NON. À travers le récent référendum, la Grèce a renforcé le NON déjà exprimé aux élections législatives précédentes. Et ils disent NON, parce que dire oui les plongerait dans un même marasme, sans l’espoir d’ébranler le système.

L’opinion des Grecs se cristallise autour des errances du système et porte notre incompréhension et notre indignation à tous. Leur message est indissociable de celui qu’expriment les extrémismes divers qui fleurissent partout en Europe ; l’électeur cherche moins à de se situer sur l’échiquier politique, qu’à dire NON à un système incompréhensible dont l’intérêt, l’efficacité et les fondements ne sont pas (ou plus) démontrés.

Les crises financières ne sont que les symptômes d’une crise politique et morale profonde. C’est à elle qu’il faut s’attaquer et je remercie la Grèce qui, à son corps défendant, tente d’ouvrir enfin ce chantier-là.

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