Billet invité.
La démocratie subvertie par l’euro sans responsabilité des États
Le vote grec est une révolte contre la mise en défaut de la démocratie par la dérégulation des marchés financiers et le libre échange. Depuis le krach des subprimes, les dettes publiques ont explosé en zone euro surtout dans les pays où l’État est fiscalement fragile comme en Grèce, Italie, Espagne et Portugal ou trop ouvert sur l’extériorité financière comme à Chypre et Malte ou en Irlande, Belgique, Pays-Bas et France. Le principe de la zone euro est la concurrence libre entre prêteurs domestiques de l’État et prêteurs étrangers. Les gouvernements qui ne sont pas aussi rigoureux qu’en Allemagne ne résistent pas à la facilité de se financer en dehors de leurs frontières pour ne pas avoir à rendre de comptes trop serrés à leurs contribuables.
L’économie de la démocratie est intrinsèquement déséquilibrée quand les électeurs ne supportent pas l’intégralité du financement des lois et des politiques qu’ils commandent à leur gouvernement. Le discours politique est hors de la réalité quand les électeurs ne sont pas informés du prix domestique et international des programmes adoptés. L’économie financière est asymétrique quand le marché mondial des capitaux ne peut pas comptabiliser la part des différents États de droit dans le total des dettes adossé au total des créances et des dépôts en monnaie.
L’économie financière est même anomique, sans règle d’équilibre concret, quand dans la zone euro les marchés peuvent prêter aux États nationaux sans qu’il n’y ait d’institutions politiques communes pour garantir les comptes publics et l’équilibre financier à terme des politiques nationales. Les banques ont un intérêt massif à l’euro libéral puisqu’elles sont autorisées à détenir des dépôts en monnaie unique pour financer leurs opérations spéculatives, comme prêter à des États systémiquement insolvables.
Dès son entrée dans la zone euro, la Grèce ne respectait pas les critères de solvabilité publique qui conditionnaient l’ouverture de comptes de dépôt en monnaie unique au bénéfice des résidents. Grâce à des cautions non comptabilisées dans les comptes publics grecs, les banques ont fait passer pour dette privée hors critère ce qui finirait forcément par se transformer en dette publique. Dans le régime international du capital au-dessus des lois, le financement direct ou indirect des États par le crédit bancaire en dehors de la caution explicite des électeurs crée des rentes gratuites, c’est à dire sans aucun risque, pour les banques, les épargnants et les actionnaires financiers.
Un gouvernement libre d’emprunter en dehors de son marché domestique dans un marché multinational de capitaux où les comptes publics ne sont pas distinctement séparés d’un État à l’autre, ne résiste pas à la tentation, sauf s’il est allemand ou finlandais, de titriser des recettes fiscales qui n’ont pas été votées pour obtenir des crédits. Emprunter hors de ses frontières dans une monnaie unique revient à verser des rentes financières à des créanciers étrangers sur des recettes fiscales domestiques pour que les électeurs ne soient pas intéressés aux comptes publics de leur démocratie.
Coup d’arrêt grec au démantèlement libéral de la démocratie
Le renflouement des banques après la faillite de Lehman Brothers a transformé la zone euro en machine financière infernale contre la réalité de l’État de droit et de la démocratie. La croissance des dettes publiques s’est brusquement accélérée pour sauver les dépôts des citoyens dans les banques. Les gouvernements ont été placés par l’euro dans l’incapacité de ne garantir par la fiscalité que les dépôts bancaires de leurs concitoyens domestiques et européens. Ainsi sont-ils obligés de consentir à la prédation financière illimitée de leurs recettes fiscales par le service d’une dette publique non mesurable.
Le dimanche 5 juillet 2015, les Grecs ont simplement signifié qu’ils refusaient la mise en faillite de leur État et l’allocation de leurs impôts à des créanciers étrangers à leur démocratie et à la démocratie européenne. Seuls les gouvernements de la zone euro et les intérêts économiques et financiers non-européens sont contrariés par la révolution grecque. Les contribuables et épargnants de la zone euro ne perdront pas un centime si l’Eurogroupe décide de se plier à la restauration financière de la démocratie européenne.
Du point de vue de l’État de droit, le rétablissement de l’égalité européenne devant l’impôt est la seule solution de garantie du remboursement intégral de toutes les dettes publiques en euro. L’instauration d’une régulation publique extra-financière pour proportionner la croissance des dettes à la croissance de l’économie réelle ne peut reposer que sur la fiscalisation universelle des biens. Dès lors que des déposants étrangers bénéficient de la solvabilité de l’euro, ils doivent financer leur quote-part des charges d’assurance des dettes en euro. Dès lors que les investisseurs privés de toute nationalité tirent des bénéfices de leurs activités dans la zone euro, ils doivent être taxés sur leur consommation de services publics.
Le montant des dépôts de capital financier exonérés de toute fiscalité dans les filiales hors sol des banques européennes est supérieur à toute la dette publique européenne. Pourtant tout ce capital défiscalisé est accumulé par l’exercice paisible de la citoyenneté européenne, par la consommation et le travail des Européens dans leur souveraineté financière nationale et commune. Il suffit donc de taxer toutes les propriétés et les revenus issus de la civilisation européenne pour que tous les services publics de la démocratie soient financés et que toutes les dettes en euro soient remboursables sous garantie du droit européen commun.
Clé publique fédérale de la régulation financière par la fiscalité
L’égalité devant l’impôt qui restaure immédiatement la solvabilité de tout emprunteur, est l’assurance par une même monnaie de la justice entre les personnes physiques et de la justesse des comptes entre les personnes morales. Si le bilan comptable d’une société politique ou industrielle cache des injustices entre les personnes physiques qui en sont membres, les victimes prennent position dans une autre société pour obtenir réparation. La contrepartie financière d’une injustice sociale est une dette judiciaire latente imputable sur les fonds propres, donc sur le capital nominal public de la société responsable.
Si les comptes d’une société politique ou industrielle ne s’équilibrent pas par de la monnaie liquide immédiatement disponible à l’acquittement de toute obligation légale ou contractuelle, la justice entre les membres de la société est rompue au bénéfice des personnes physiques protégées dans les sociétés concurrentes créancières de la société illiquide. L’euro produit de l’injustice quand les Grecs doivent abandonner leurs droits pour rembourser leurs dettes à l’Allemagne qui n’est pas obligée d’assurer le financement de l’État de droit en Grèce.
L’euro libéral n’est financièrement pas viable quand il n’existe pas de fiscalité commune pour réparer les injustices produites par des dettes comptabilisées en asymétrie réelle de droit. La seule manière de compenser la finance par le droit positif en euro est la fiscalité fédérale. Premièrement pour arbitrer l’attribution de l’impôt à la souveraineté qui est à l’origine du bien réglé par un paiement en euro. Deuxièmement pour garantir par un Trésor public fédéral le pouvoir d’achat de la monnaie déposée dans les banques au bénéfice d’un quelconque créancier.
Si la compétence d’un État fédéral de l’euro est exclusivement financière, il y a égalité de droit et de puissance par dépendance réciproque entre les collectivités nationales et la collectivité fédérale. L’application positive du droit appartient exclusivement aux États nationaux. L’assurance de la comptabilité des dettes et des créances appartient en dernier ressort exclusivement à l’État financier fédéral. La BCE émettrice en dernier ressort de la liquidité de toutes les dettes en euro interprète dans sa politique monétaire les lois délibérées et votées par l’État unique cohérent de la Confédération de l’euro.
La démocratie s’adosse alors dans la zone euro à un État double. L’Etat actif de la démocratie en euro est national. L’Etat passif de la démocratie en euro est confédéral. La fiscalité confédérale est le capital public commun de garantie de la justice par les finances publiques de chaque État membre de la zone euro. Fiscalité et dépenses publiques obéissent aux mêmes principes de délibération de la loi et de consentement à l’impôt par la représentation des personnes physiques dans un parlement censeur du gouvernement.
Économie politique de la TVA financière à la source
L’impôt confédéral spécifique doit être la TVA prélevée à la source sur chaque paiement en euro en fonction de l’objet vendu, de l’intermédiaire financier dépositaire de la licéité du motif, du statut politique du bénéficiaire et de l’identité nationale de l’État de droit garant de la Justice. Le Trésor public confédéral restitue à chaque État membre la part de TVA qui lui revient selon les taux qu’il a souverainement établi pour ses ressortissants et les biens qu’ils consomment. Les banques en euro doivent être obligées d’enregistrer tous les actifs déposés en contrepartie des paiements et des crédits pour assurer leurs propres emprunts à la BCE.
Le traçage de tous les flux d’économie réelle dans les comptes bancaires assurés par la Confédération de l’euro constitue la base d’un fond d’assurance mutuelle des dettes par la fiscalité. Toutes les bases fiscales deviennent objectives, mesurables en liquidité monétaire et attribuables à des personnes physiques et des personnes morales identifiées dans leurs droits inaliénables. L’égalité devant l’impôt devient la réalité économique et politique de la justice indiscutable mais délibérable et arbitrable.
La stabilité du pouvoir d’achat de l’euro dans la solvabilité de tout emprunteur est pilotée par la part confédérale de la TVA votée par le Parlement de l’euro. Comme la TVA s’applique à tout paiement, même d’un simple transfert de crédit entre deux banques, le calcul fiscal du prix de la solvabilité de chaque banque dans chaque souveraineté politique devient possible. Les primes de crédit bancaire et les primes de change international actuellement prélevées sur les transactions réelles au profit d’actionnaires qui sont intéressés à l’instabilité financière, sont transformées en taxes sur la valeur financière ajoutée.
La valeur ajoutée financière n’est plus dans l’allocation mécanique du capital selon les modèles virtuels de rentabilité morale aléatoire mais dans l’assurance du crédit en liquidité monétaire nominale. Le capital public de régulation du crédit en euro confédéral est la seule contrevaleur crédible du capital financier des banques créancières et dépositaires en euro. La TVA financière régule la convertibilité externe du crédit en euro comme la convertibilité interne des crédits entre les différents États nationaux et confédéral.
Pour ajuster la parité de l’euro selon la balance des paiements avec une autre zone monétaire, il faut augmenter la TVA sur les sorties de capitaux en cas de déficit et la baisser en cas d’excédent. L’augmentation de la TVA confédérale sur une zone monétaire étrangère stimule les exportations non taxées sur les importations taxées. Mécaniquement la parité de l’euro se dévalue sur le marché interbancaire par l’augmentation du taux de TVA sur une devise étrangère et se réévalue par l’abaissement du taux de la TVA.
Le devoir européen d’inventer le nouvel univers financier de la démocratie
La confédéralisation du marché des changes engendre une capitalisation publique explicite en euro de réserves de change international dans le Trésor Européen. L’État confédéral peut mener une politique de change comme la Fédération des États-Unis, le Royaume-Uni, la Chine ou la Confédération Helvétique. Mais la finalité unique de la politique de change de l’euro est d’assurer la solvabilité de tout emprunteur public ou privé en euro par la croissance de l’économie réelle. La loi financière confédérale interdira explicitement l’utilisation de la politique de change et de crédit international pour corrompre les gouvernements étrangers contre la démocratie en Europe ou hors d’Europe.
A l’intérieur de la zone euro, la TVA confédérale modulée selon les balances de paiements inter-étatiques consiste à majorer la TVA sur les exportations de biens et de capitaux des pays excédentaires et à la minorer sur la production de biens et services des pays déficitaires. Ainsi conformément au principe démocratique d’inaliénabilité de la dette publique, il n’est aucune nécessité d’effacer une partie de la dette grecque. Il suffit d’appliquer une TVA confédérale sur toutes les exportations non grecques. Le taux de chaque souveraineté partenaire de la Grèce est d’autant plus élevé que le pays a accumulé des excédents commerciaux et financiers par la stabilité juridique et commerciale unitaire de l’Eurozone.
En fixant les barèmes de TVA financière par pays, le Parlement de l’euro détermine le niveau de dépenses publiques minimales qui doit garantir dans chaque pays les droits sociaux selon les vœux de la majorité des citoyens européens. Un pays jugeant les minima confédéraux trop bas ou trop haut a toute latitude de moduler sa TVA interne au-dessus ou en dessous de la moyenne des taux internes des autres pays. Le système de la TVA financière à la source gouverné par la Confédération de l’euro remet à la fois l’économie financière et l’économie réelle sous le contrôle des démocraties nationales solidaires par un budget spécifique de responsabilité politique européenne.
La raison idéologique d’une adoption en 1998 d’une monnaie unique sans État de droit commun aux États membres a été la religion libérale par laquelle l’ordre économique doit être immunisé contre les dérives démagogiques de la démocratie et de la politique. La raison technique a été que les élites politiques et financières n’ont pas compris ou trop bien compris comment la monnaie est le véhicule de la régulation des échanges par le prix de la justice en fiscalité. L’Europe bourgeoise qui ne veut pas partager le pouvoir et les profits du vivre ensemble a acheté le silence des peuples et des pauvres par la dette infinie des États et des banques.
Les droits financés par la justice universelle de la démocratie européenne
Le système de la finance hors la loi s’est mis en faillite en 2008. Et le système de la politique financièrement irresponsable a été mis hors la loi en juillet 2015. Le combat de la démocratie s’est maintenant clairement placé sur le terrain de la confrontation entre les oligarchies et les souverainetés populaires nationales. La société européenne des nations commence à saisir que la technocratie libérale n’a aucune capacité à garantir les dettes qu’elle comptabilise par ses règlementations politiquement opaques. 7 ans après l’effondrement objectif du capitalisme libéral global, l’alternative offerte aux peuples pour reprendre le contrôle de l’économie est limpide : soit le repli sur les souverainetés nationales, soit l’instauration d’une souveraineté financière internationale dont la zone euro est potentiellement la première réalisation.
Les Européens de l’euro ont donc le choix entre l’asservissement à l’euroreich financiariste ou la prospérité partageable par la Confédération monétaire des démocraties européennes. Paradoxalement, l’ordolibéralisme allemand défait en Grèce a raison sur l’impossible abandon en droit des créances des Etats et de la BCE sur la Grèce. Une dette publique est le prix inaliénable du droit de tous à la protection de la Loi. Mais la loi égale pour tous impose la régulation de la finance par la solidarité de l’État de droit garanti par la fiscalité universelle de la démocratie.
Plaidoyer pour un photon isolé Entre moi et cet unique grain de lumière s’interpose un portrait qui montre et fait…