Grèce – Nos dirigeants politiques, ces spéculateurs (mé)connus, par Zébu

Billet invité.

Si Tsipras n’obtient rien des créanciers sur la dette, il y aura crise politique en Grèce.

L’acceptation de nouvelles mesures d’austérité (notamment sur la TVA et le report de l’âge de retraite), associées à la prolongation du plan d’aide et en l’absence d’engagements sur la dette, vont très mal passer au sein de Syriza.

C’est le but, politique, des créanciers, sans doute leur véritable but.

Dans ce cadre là, la tactique poursuivie était de prolonger au plus tard possible les négociations, jusqu’à la date limite pour un défaut, afin de rendre ‘impossible’ un éventuel référendum grec ou de nouvelles élections : ‘impossible’, parce qu’un référendum ou de nouvelles élections prennent du temps constitutionnellement, que la date dépassée ouvrirait non seulement un défaut (même ‘technique’) mais aussi probablement un arrêt de l’ELA de la BCE, imposant de fait un contrôle des capitaux et sans doute une nationalisation partielle des banques grecques.

Avec, en sortie de ce processus, une sortie de l’euro.

Dans ces conditions, il serait plus que risqué politiquement pour Tsipras de choisir ces ‘solutions’ que sont le référendum ou de nouvelles élections : le soutien actuel dans les sondages à Syriza est essentiellement dû à sa capacité de résistance face aux créanciers. Dès lors où l’on en arrivera au ‘dur’ (la dette/l’euro), est-ce que les Grecs continueront de soutenir Syriza ?

C’est aussi le ‘pari’ des créanciers européens, pari ô combien spéculatif.

Tsipras a donc ‘le choix’, en l’absence d’engagements des créanciers sur la dette : soit donner quitus, politique, à la Troïka sur le TINA et trouver une majorité ‘alternative’ (et il y aura de toute façon crise politique en Grèce, dans la droite lignée de ce qui s’est fait depuis 2010), soit provoquer la crise politique en espérant que les prochaines élections (ou un référendum) permettront de poser directement, à partir de ‘l’accord’ proposé, LA question aux électeurs grecs. Et revenir ensuite avec un nouveau mandat, clarifié, en espérant qu’entre-temps les électeurs grecs n’auront pas trop subi le choc du tir de barrage monstrueux que les créanciers européens leur promettent et qu’ils ne manqueront pas d’effectuer. La peste ou le choléra, donc.

Être maintenu la bouche au ras de l’eau, ou plonger sans espoir de retour pour tenter d’ouvrir la vanne.

In fine, c’est donc bien Draghi qui tient les clefs de l’euro (et de l’Europe ?) avec l’ELA, sorte de pompe à liquidités qui maintient le ‘patient grec’ à flot.

Paradoxe des paradoxes, donc : un ancien de chez Goldman Sachs, LA banque spéculative de référence dans le monde, qui a aidé la Grèce à maquiller ses comptes pour entrer dans la zone euro, détient l’avenir, politique, de l’Europe, quand dans le même temps, les dirigeants politiques passent leur temps à concaténer des ‘positions’ purement spéculatives, qui plus est en pariant ‘à la baisse’ sur un contrat ‘Grèce’.

Le monde à l’envers !

Ps : comme tout pari spéculatif ‘à la baisse’, celui des créanciers européens se base sur l’aversion au risque des contre-parties (limiter les pertes). Ils oublient qu’en augmentant la pression sur Tsipras, celui-ci peut encore tout à fait effectuer un pari spéculatif, mais inverse : plonger. Et dans ce dernier cas de figure, c’est à ce moment là que les spéculateurs européens prendront conscience de l’importance de leurs ‘positions’ spéculatives. Mais à ce moment là, et à ce moment là seulement, ce sera trop tard.

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