Billet invité.
La journée de demain va être décisive, Alexis Tsipras se rendant dès ce dimanche soir à Bruxelles, afin d’être à pied d’œuvre. En prélude à la réunion de l’Eurogroupe et au sommet extraordinaire qui la suivra, les Grecs ont annoncé de nouvelles concessions. Des derniers arbitrages en vue de trouver une issue « définitive et non provisoire » ont été rendus en Conseil des ministres à Athènes, ce dimanche matin, et Alexis Tsipras en a depuis informé Angela Merkel, François Hollande et Jean-Claude Juncker. Celui-ci rencontrera demain matin Alexis Tsirpas, tandis qu’une nouvelle réunion de la BCE statuera à une heure non précisée à propos d’un nouveau relèvement des liquidités d’urgence pour les banques grecques.
Rejetant l’éventualité d’une sortie de la Grèce de l’euro, le ministre français Michel Sapin continue de masquer soigneusement les enjeux. Il soulignait hier que « les risques sont d’une ampleur inconnue, donc il faut éviter ce scénario ». Ils sont au contraire largement identifiés et donnent à réfléchir : la Grèce devrait rembourser dans une nouvelle monnaie dévaluée sa dette libellée en euro et en aurait encore moins les moyens ! Faute d’avoir négocié sa restructuration à froid, celle-ci s’imposerait dans les pires conditions au détriment des créanciers. Mais cela ne se limite pas à cela, car le premier acte de la déconstruction de la zone euro serait lancé.
Devenant menaçant mais fébrile, Martin Shultz, le président social-démocrate du Parlement européen, a averti qu’une sortie de l’euro reviendrait à renoncer aux subventions européennes, confondant au passage l’Union européenne et sa zone euro, à moins qu’il n’envisage une vengeance personnelle ! Semblant se décider à intervenir en coulisses, François Hollande rencontre aujourd’hui dimanche Matteo Renzi à Milan et autorise le parti socialiste français a exprimer dans une motion de son Conseil national sa solidarité avec la Grèce, ce qui n’engage à rien.
Mais la stratégie d’asphyxie financière se poursuit, un bank run des déposants grecs justifierait que la BCE coupe le robinet des liquidités d’urgence, une fois décrété l’insolvabilité des banques grecques. Pour l’instant, la banque centrale augmente a minima le plafond de ces aides afin de ne donner aucune garantie pour l’avenir au gouvernement grec et de le maintenir sous pression. L’objectif d’infliger aux grecs une leçon ayant une portée dans toute l’Europe n’est pas abandonné.
On connaît désormais les dernières propositions à prendre ou à laisser qui leur avaient été auparavant faites sans succès : elles continuaient d’exiger les mêmes mesures d’austérité et y ajoutaient, ces conditions remplies, la reprise au compte-goutte du versement des financements dans le cadre d’une prolongation du plan de sauvetage qui se termine, assorti d’une vague promesse d’allégement de la dette, la précédente ayant été reniée. Avec comme intention de poursuivre les négociations sur la base d’un rapport de force favorable.
Le gouvernement grec a exprimé ses propres conditions : il demande que le prochain plan ne soit pas d’austérité mais de développement, et qu’il soit combiné avec un allégement de la dette accréditant son remboursement. A l’incertitude programmée et aux échéances repoussées, il oppose une vision construite et réaliste du futur. Alors que le rejet de l’Europe augmente en raison du repoussoir qu’elle représente dans ces conditions, deux visions de son avenir s’affrontent et cela ne fait que commencer quelle qu’en soit l’issue immédiate. On ne pas tarder à avoir confirmation de l’inconsistance de celle qui prévaut actuellement, à l’occasion de l’autre sommet européen de la fin de la semaine. N’est-ce pas Christine Lagarde qui a déploré que cela manquait d’adultes après le dernier Eurogroupe, en se trompant de cible ?
P.S. 19h30 Cela se précipite : réunion Lagarde, Tusk, Juncker, Draghi, Dijsselbloem, Tsipras avant le sommet.
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