Billet invité.
Les créanciers européens de la Grèce auront consacré ces quatre derniers mois à escamoter toute discussion sur la viabilité de la dette grecque et à focaliser l’attention sur des mesures présentées comme allant en permettre le remboursement. Et ce n’est pas fini ! Seul le FMI a finalement fait discrètement entendre une petite musique, dans le fil des interventions qui avaient abouti à sa restructuration précédente, mais sans insister pour ne pas déranger.
Le Comité pour la vérité sur la dette publique grecque a rendu son rapport préliminaire devant le Parlement grec qui le lui avait commandé, mais il est prévisible que, dans la même veine, il ne connaitra pas une grande publicité. Car ce document établit qu’il a été poursuivi comme objectif de protéger les banques européennes, puisque seuls 10 % des prêts alloués ont été affectés aux dépenses du gouvernement, le reste étant dédié au remboursement des prêts antérieurs. Il établit aussi les raisons pour lesquelles la dette est « illégale, illégitime et odieuse » et fournit l’argumentation juridique justifiant d’unilatéralement en suspendre le remboursement, et même de partiellement l’annuler.
Quoi qu’il en soit, la lancinante question de la dette va revenir sur le tapis, car elle est loin de concerner la seule Grèce. Des pays comme le Japon, les États-Unis et l’Italie font également face à une dette monstrueuse, et le cas de la Grèce n’est que l’expression particulière du cas général. La dette continue de grossir en dépit des tentatives de la juguler en plafonnant provisoirement le déficit budgétaire aux États-Unis, ou par la vertu supposée du carcan fiscal en Europe. Au Japon, la moitié du budget de l’État est financé par l’endettement.
La dette a la vie dure, et un timide débat aborde la manière d’y faire face. Sur le papier, une pléiade de solutions sont proposées. Certains proposent – comme si cela réglait – tout d’étaler son calendrier de remboursement, ce qui a pour effet de diminuer chaque échéance mais d’accroître le coût global du crédit au profit des rentiers et d’accroitre les inégalités. D’autres, poursuivant cette logique, vont jusqu’à proposer l’émission de dette perpétuelle – dont seuls les intérêts sont payés tant qu’elle n’est pas rachetée pour être éteinte – afin de soulager le service de la dette au prix de la formation d’une énorme bulle obligataire dont on devine le sort.
Dans le cas particulier de l’Europe, les partisans de la mutualisation de la dette se sont manifestés, mais le débat à ce propos a tourné court devant le refus catégorique allemand d’envisager l’émission d’euro-obligations au profit de la politique que nous savons. Celle-ci aurait un effet apaisant sur les taux, car aplanissant le risque, mais reviendrait à augmenter le montant des intérêts des pays les moins endettés.
Une position de repli a été trouvée par d’autres, en suggérant que les États bénéficient comme les banques commerciales d’un guichet auprès des banques centrales, devenant aussi leur prêteur en dernier ressort. Ce qui aboutirait à la disparition du problème, non sans innover de manière hasardeuse en matière monétaire. En plus sophistiqué, Adair Turner a proposé que les banques centrales puissent acheter des titres de dette perpétuelle qui seraient émis afin de les échanger avec le stock des titres existants.
Que reste-t-il afin de boucler ce bref tour d’horizon ? Seulement le défaut ! Avec comme argument contraire, mille fois répété, qu’il ruinerait les petits épargnants, occultant la possibilité de les protéger en procédant à des échanges de titres, avec comme interrogation en suspens l’autorité qui en aurait la charge. Cette option représenterait une occasion en or de remise à plat du système financier afin de succéder à une régulation qui s’épuise avant d’avoir abordé celle du shadow banking. La réforme du système monétaire international, qui est en suspens, pourrait voir son domaine considérablement élargi à l’occasion d’une nouvelle grande conférence internationale, qui n’est pas dans l’air du temps il est vrai.
Toucher d’une manière ou d’une autre à la dette, c’est redistribuer la richesse existante. Mais ce ne sont pas les mêmes qui en bénéficieront ou qui en feront au contraire les frais selon la manière de procéder. Cette question est donc étroitement liée à celle de l’inégalité, qui pourra soit être résorbée, soit encore s’accentuer. Il est de ce point de vue significatif que des organisations comme le FMI – qui n’a jamais cessé de travailler sur le dossier de la dette – ainsi que l’OCDE s’inquiètent désormais des effets négatifs des inégalités sur l’activité économique, même s’ils ne poursuivent pas jusqu’au bout de leurs raisonnements. L’étude de l’OCDE a innové en associant l’accroissement du crédit avec le ralentissement de l’économie, indiquant la piste à suivre. Celle du FMI a constaté que « Une période prolongée d’inégalités plus élevées dans les économies avancées a été associée à la crise financière en renforçant l’endettement par effet de levier (…) et en permettant aux groupes de pression de pousser vers plus de dérégulation financière ». Christine Lagarde
expliquant « si vous voulez une croissance durable, vous devez générer une croissance plus équitable ». La résorption des inégalités va devenir une question aussi lancinante que celle de la dette !
Combien de temps ces deux questions dérangeantes vont-elles pouvoir être ignorées ?
J’ai trouvé le point où Jorion et Thom divergent concernant PSI. C’est tout à la fin du chapitre XI :…