Billet invité.
Il ne fait pas bon être climato-sceptique en cette période de préparation fébrile et hautement médiatisée du sommet climatique COP 21 de décembre prochain ; par extension, le postulat croissance = combustibles fossiles = réchauffement climatique implique qu’il ne fait guère meilleur de se ranger parmi ceux qui croient que Sainte Croissance peut et va guérir tous les maux de notre civilisation occidentale usée et épuisée par deux siècles d’industrialisation et deux guerres mondiales.
Je ne me risquerai donc pas dans un débat que je ne maitrise pas sur l’origine anthropique du réchauffement climatique, dont les fondements scientifiques complexes sont encore très mal connus, mais j’aimerais apporter quelques rapides éléments de réflexion sur le postulat croissance = pollution = réchauffement, car je crois qu’il n’est pas aussi évident que les néo-malthusiens voudraient nous le faire croire.
Concernant la croissance, il me semble en effet qu’il ne s’agit pas tant de connaître son impact sur le réchauffement climatique, if any, que de savoir si, et comment, on peut réduire, et même dans certains cas totalement effacer, voire rendre positive, l’empreinte écologique de l’activité humaine sur la biosphère. Nous polluons (air, eau, sols) en effet déjà 50% de plus que la biosphère ne peut éliminer (cf. Global Footprint Network ). À ce rythme, notre planète sera probablement invivable pour les plus pauvres de nos descendants dans moins d’un siècle, qu’il fasse chaud ou pas.
La réduction notable bien qu’encore bien trop faible du contenu carbone fossile de cette activité est une première indication que c’est possible. La vitesse de cette réduction est limitée essentiellement par trois facteurs :
– L’inertie humaine, sur le thème (i) c’était bien mieux hier et (ii) par précaution, cachons nous aujourd’hui sous la table de peur que le ciel ne nous tombe demain sur la tête,
– La disponibilité en énergie, car, malgré la réduction du contenu carbone de nos activités, on ne peut compter à terme sur des ressources que nous savons épuisables en plus d’être sources de pollution,
– La progression des connaissances et du potentiel scientifiques et techniques.
Un recensement rapide de la disponibilité en énergie renouvelable permet de se rassurer dans le temps très long de la géologie, pour une raison simple et difficilement réfutable : le soleil nous fournit chaque année 8,2 millions de quads, soit 2,4 milliards de térawatts/h. Or la consommation humaine est actuellement de l’ordre de 500 quads, et tout porte à croire qu’elle ne devrait pas dépasser 2 000 quads, soit moins de 0,25%. Si l’on ajoute les potentiels éoliens et hydrauliques, on conçoit assez facilement que la fourniture d’énergie durable n’est pas un problème de disponibilité de la ressource, mais plutôt un problème de « technologie » et de modèle d’affaires.
J’ajouterai sur le plan énergétique la mise en évidence récente de la production d’hydrogène « naturel ». Sauf exception, il n’est pas exploitable aujourd’hui, car on ne sait pas le capter efficacement, mais il le sera un jour, c’est une question de temps.
Sur le plan alimentaire, on peut à raison douter qu’il soit possible de nourrir convenablement 10 milliards d’humains ou plus sur la base du modèle de consommation nord américain actuel. Mais il faut aussi savoir que la biomasse, la forme biologique et écologique – quand elle est produite de façon responsable – de stockage de l’énergie solaire, a certainement un assez mauvais rendement en tant que capteur (de 0.1 % pour l’herbe des prairies américaines à 4.9 % pour certaines cultures d’algues en Thaïlande, pour moins de 1% en moyenne), mais que les experts estiment sur la base des connaissances scientifiques limitées actuelles, que le rendement maximum de la photosynthèse se situe probablement entre 8 et 10%, ce qui, pourvu que l’on sache traiter le problème de la disponibilité en eau laisse de belles marges de progression pour l’augmentation de la production de biomasse alimentaire, énergétique ou industrielle, et pour la capacité de stockage de CO2 par la biosphère.
Enfin, sur le plan des connaissances scientifiques et techniques, nous savons tous que la progression est de plus en plus rapide, ne serait-ce qu’en raison de la multiplication des collaborations ponctuelles rendues possibles par Internet dont ce blog est une belle illustration. Ray Kurzweil a une vision extrêmement optimiste de la progression possible avec sa loi du retour accéléré. S’il a raison, ce qui semble plutôt certain pour une génération qui est passée de la machine à écrire et du téléphone aux ordinateurs de poche multi-fonctionnels et à Internet, il faut surtout souhaiter ardemment que nos sociétés seront capables le plus rapidement possible de maîtriser politiquement cette progression au lieu de faire une confiance aveugle à la main avaricieuse et court-termiste des marchés comme elles le font majoritairement actuellement.
Toutefois, le fait que nous ne pouvons pas vraiment avoir une idée claire de ce que sera notre potentiel scientifique et technique dans quelques décennies me semble incontestable, et m’incite à penser qu’il n’est sans doute pas judicieux de prendre aujourd’hui des décisions qui peuvent affecter l’humanité pour plusieurs décennies sur la seule base de nos connaissances actuelles. On n’a jamais figé le progrès humain pendant bien longtemps, même les plus puissantes religions s’y sont cassé les dents : je crois que comme celle de l’histoire, la fin du progrès n’est pas d’actualité.
Il est urgent par contre d’apprendre à mieux le gérer pour qu’il serve aussi bien que possible l’intérêt général au lieu de le redouter et d’en abandonner de fait le devenir à la cupidité d’intérêts particuliers sans autre vision que celle de gagner toujours plus d’argent.
Quelques références :
– Hydrogène naturel. La prochaine révolution énergétique ? Une énergie inépuisable et non polluante
Editeur : Belin – Alain Prinzhofer – Eric Deville – Mai 2105
– L’HYDROGÈNE NATIF, UNE NOUVELLE SOURCE D’ÉNERGIE ?
– Biomass for Renewable Energy and Fuels, – Donald L. KLASS – http://beraonline.org/yahoo_site_admin/assets/docs/cyclopediaofEnergy.35293015.pdf
– Loi du retour accéléré : la théorie vertigineuse du futurologue de Google qui n’a jamais eu tort, par Laurent Alexandre- Atlantico.fr – mar. 2 juin 2015
Cet extrait des « Fleurs du mal » figure dans « Topologie et signification », juste avant que Thom expose les grandes lignes de…