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Combien de temps l’interminable bras de fer avec le gouvernement grec va-t-il encore durer ? Les avis sont partagés et personne ne sait trop bien, son agonie financière durant plus longtemps qu’il n’était prévu. Dans l’immédiat, le FMI a été remboursé de 200 millions d’euros, et la BCE a une nouvelle fois déplafonné les liquidités d’urgence qui maintiennent les banques grecques en vie, sans accroître ses exigences de garantie – l’augmentation de sa décote sur le collatéral – comme il en était question. Le gouvernement continue de racler les fonds de tiroir afin de faire face à tous ses engagements, privilégiant outre les remboursements de sa dette le versement des salaires et des retraites au payement de ses factures. En contrepartie des avancées réalisées dans les négociations, il espère toujours être autorisé à reprendre ses émissions de bons du Trésor, dont les banques pourraient se porter acquéreur, ce qui permettrait de reculer l’échéance de la fin de partie.
Faute de moyens, le gouvernement aligne les gestes symboliques et revient sans en demander l’autorisation sur des mesures passées – 1.500 fonctionnaires vont être réintégrés, les émissions de la télévision publique ERT vont reprendre – et annonce de nouvelles taxes sur les grosses fortunes et les produits de luxe. Côté négociations, les propos tenus devant les micros témoignent d’une volonté d’apaisement, mais celle-ci se manifeste plus dans la forme que sur le fond, exprimant avant tout la volonté de jouer les prolongations.
Contre toute évidence, le FMI, la Commission et la BCE se sont fendus dans l’urgence d’un communiqué commun démentant l’existence de désaccords entre eux, le président de l’Eurogroupe préférant faire non sans une certaine ambiguïté état d’une « étroite coordination » entre les parties. Thomas Wieser, qui dirige l’Euro group working group chargé de préparer les réunions des ministres, a reconnu que les réformes de la législation du travail et des retraites restaient en suspens, désormais placées de facto au centre des négociations. En préambule, le secrétariat de Syriza va se réunir vendredi pour déterminer les marges de manoeuvre, ainsi que l’opportunité d’organiser un référendum si un compromis mordant les lignes rouges maintes fois réaffirmées était trouvé.
Afin de donner de l’importance à l’échange téléphonique d’hier entre Alexis Tsipras et Jean-Claude Juncker, un communiqué commun a également été publié ! Faisant état des progrès réalisés dans les négociations, il aborde le sujet en termes que l’on comprend pesés, prévoyant de « moderniser le système des retraites afin qu’il soit juste, fiscalement soutenable et faisant obstacle à la pauvreté pour les personnes âgées ». Les deux interlocuteurs ont également discuté de la politique salariale et du marché du travail, dans le but de « soutenir la création d’emplois, accroître la compétitivité et renforcer la cohésion sociale », en référence aux « standards européens les plus élevés ». Au final, il est renvoyé au « Groupe de Bruxelles » le soin de mettre en musique ces grands principes à l’énoncé balancé, un cadeau empoisonné.
Yanis Varoufakis s’inscrit dès à présent dans le cadre des négociations qui pourraient suivre si un accord était finalement trouvé. Dans un article proposé en syndication à la presse internationale, il trace les grandes lignes de son « projet pour le redressement de la Grèce », avec pour but de susciter un « impact vertueux » à l’opposé de la politique suivie jusqu’alors. Il envisage d’associer des financements publics et privés au développement des activités dans les secteurs les plus prometteurs qu’il identifie : les startups technologiques ainsi que les entreprises agro-alimentaires et pharmaceutiques. Et, pour y contribuer, il proposer de créer une banque du développement ayant pour mission de faire fructifier l’argent des privatisations au lieu de « combler des trous budgétaires », et de mettre également à profit le plan Juncker d’investissement et les fonds de la Banque européenne de développement. Ainsi que de créer une bad bank afin de soulager les banques grecques et leur permettre de jouer leur rôle, avec comme perspective de réduire le poids des actifs toxiques qui actuellement s’accroît, grâce aux effets de la relance.
Son projet prévoit également de lutter contre l’économie informelle, « vers laquelle la brutale dérégulation du marché du travail a poussé les travailleurs », afin de redresser les comptes de la sécurité sociale, laquelle pourrait avec les caisses de retraite bénéficier des dividendes de la banque de développement. Quant aux « cartels, pratiques anticoncurrentielles, professions fermées et bureaucratie », ils sont appelés à découvrir que « notre gouvernement est leur pire ennemi ».
Comme quoi le programme de Syriza n’a rien de révolutionnaire, comme on a voulu le faire croire, mais qu’il s’apparente à un projet dans lequel la social-démocratie aurait pu se reconnaître, lorsqu’elle méritait encore son nom.
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