Billet invité.
« Certaines choses bénéficient des chocs ; elles prospèrent et croissent lorsqu’elles sont exposées à la volatilité, au hasard, au désordre, au stress et bénéficient de l’aventure, du risque et de l’incertitude. Mais, malgré l’omniprésence du phénomène, il n’y a pas de mot pour l’exact opposé de « fragile ». Appelons cela « antifragile ». L’antifragilité va au-delà de la résilience et de la robustesse. Ce qui est résilient résiste aux chocs et reste identique ; ce qui est antifragile devient meilleur. »(traduction libre de l’ouvrage de Nassim Nicholas Taleb, Antifragile : Things That Gain From Disorder)
Aujourd’hui, 10 janvier 2015, nous avons tous la gueule de bois. Ces derniers jours, c’est notre propre liberté qu’on a voulu assassiner. Notre liberté de pensée, notre liberté d’expression et notre liberté de presse. Outre l’atteinte grave à ces symboles, n’oublions pas que ces derniers jours, c’est aussi et surtout le droit à la vie, le droit suprême entre tous, qui a été foulé aux pieds. Et n’oublions pas qu’au-delà les frontières, des innocents sont massacrés chaque jour par ces mêmes idéologues obscurantistes. Enfin, soyons particulièrement conscients que ce sont aujourd’hui les Musulmans qui paient le plus lourd tribut à l’extrémisme dans leurs propres sociétés.
Passé l’hébétement, l’horreur, l’angoisse, l’incompréhension, la rage, la douleur et la tristesse, il nous faudra absolument refuser le désespoir. Il nous faut parler et agir. Dès à présent. Car face au néant, la parole et l’action libèrent ce qu’il y a de meilleur en l’Homme.
L’étoffe fraternelle de la société française, de la France, porteuse des idéaux des Droits de l’Homme et de la Liberté et le tissu même de l’Humanité toute entière qui en est l’héritier, sont déchirés en leur cœur. A nous maintenant de retisser, un à un, les maillons qui nous relient, pour ne laisser aucun espace à l’extrémisme et à la haine.
Par une chance inouïe, la liberté de pensée, la liberté d’expression et la liberté de la presse sont « antifragiles ». L’histoire l’a prouvé à maintes reprises. Enfermez un rebelle, 100 rebelles se dressent. Brûlez un livre, 100 livres sont écrits. Pourchassez la résistance, elle se fortifie davantage. Muselez la presse, elle prospère sous le manteau. Les Hommes meurent, mais pas leurs idées. Elles sont éternelles.
Les héros de la libre pensée et de la liberté sont connus, ainsi que leurs « faits de plume ». Nous sommes assis sur les épaules de ces géants, qu’ont rejoint le 7 janvier les journalistes et caricaturistes de Charlie Hebdo.
Pendant la guerre 40-45, de nombreux journaux ont continué à être publiés et de nombreux titres sont nés du besoin de libérer la parole sous le joug de l’oppression. Nous ne sommes bien sûr plus sous l’oppression aujourd’hui, sous la botte d’un pouvoir totalitaire. Mais nous sommes attaqués par un totalitarisme extérieur, qui, tout en détruisant la paix et la civilisation dans bien des pays, fomente à l’identique l’ignorance, la haine, la barbarie et le nihilisme au sein même de nos sociétés. Ne tombons pas dans leur piège.
Au-delà des idées, ce sont des Hommes qui sont tombés. Des citoyens, praticiens de la liberté d’expression et défenseurs de la paix civile. Nous sommes meurtris dans notre chair, mais sommes désormais responsables de ce qui va suivre, tous. Nous sommes désormais dépositaires d’une lutte collective. Chacun de nous doit maintenant porter en lui une petite partie du combat de ces personnes qui sont tombées sous les coups de l’obscurantisme.
Alors que pouvons-nous faire en tant que citoyens ?
Je vous propose ici quelques pistes. Chacun peut agir !
– Envoyez des lettres de condoléance aux familles des victimes.
– Envoyez des courriers de félicitations et de solidarité aux organes de presse courageux.
– Parlez, discutez, débattez, encore et encore, partout, tout le temps, derrière le comptoir et dans les auditoires. La liberté est une pratique, pratiquez la pour qu’elle existe !
– Achetez un exemplaire de chaque journal dans votre librairie. Mieux, achetez tous les journaux que vous pourrez acheter et abonnez-vous à Charlie Hebdo, pour le symbole, même si vous ne le lisez pas. Votez avec votre journal !
– Lisez et surtout commentez les sites en ligne des journaux dans un idéal de liberté et de tolérance.
– Battez-vous pour une financement public suffisant de la presse pour éviter sa disparition et sa fragilité.
– Demandez à vos élus ce qu’ils vont faire pour défendre la liberté d’expression et de la presse et combattre l’extrémisme et le terrorisme.
– Refusez qu’autour de vous on pratique l’amalgame avec la communauté musulmane pacifique. Refusez le discours de l’extrême droite et la dérive sécuritaire.
– Aidez les jeunes, de toute origine autour de vous à trouver un emploi, à se trouver eux-mêmes, soyez responsable de votre voisin dans la détresse ! Prenez un jeune sous votre aile. En tant que jeune, ne laissez pas vos amis se perdre. Refusez l’inéluctable.
Nous sommes tous Charlie, nous sommes tous des citoyens de la Liberté. C’est nous tous qui avons été attaqués.
Tel le phénix, c’est grâce à chacun d’entre nous que Charlie Hebdo et la Liberté vont se relever de leurs cendres !
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