Billet invité.
La japonisation de l’Europe n’est plus vécue comme une menace en l’air et une prophétie de mauvais augure. La zone euro est sous le coup d’une pression déflationniste qui s’accentue au fil des mois et ce qui la sépare de la déflation est de plus en plus symbolique. Voilà un premier point de ressemblance d’acquis.
Mais cela ne s’arrête pas là : le Japon a déjà emprunté le chemin des réformes structurelles sur lequel les Européens sont à leur tour engagés et l’on en voit le résultat. Cela vaut aussi bien pour les réformes du marché du travail qui y ont été opérées et le développement de la précarité qui s’en est suivi, que pour l’accroissement des inégalités et la diminution des prestations sociales. En queue de peloton des pays de l’OCDE pour le taux de pauvreté, le Japon représente l’avenir de l’Europe.
Facteur de dissemblance dont il faudrait aussi peut-être tirer les leçons, les Japonais cherchent à développer leur marché intérieur afin de redonner une assise à leur économie, alors que les Européens prétendent à contre-temps retrouver leur croissance perdue en développant les exportations. Si le miracle japonais reposant sur l’exportation a donné en d’autres temps tout ce qu’il pouvait, pour le meilleur et pour le pire, il s’impose maintenant de revenir sur ce qui est devenu une dépendance, mais cela ne se fait pas aussi facilement que cela.
Afin de tenter encore une fois de sortir le Japon de la déflation, la Banque du Japon ne pouvant pas plus que la BCE en Europe tout faire, le premier ministre Shinzo Abe et le gouverneur de la Banque du Japon Haruhiko Kuroda ont demandé avec insistance aux grandes entreprises qui ont amassé un important matelas financier de « partager le gâteau » en vue d’investir, mieux payer leurs sous-traitants et augmenter les salaires ! A cet égard, le premier ministre a fait référence aux traditionnelles négociations salariales du Printemps. Hors secteur financier, les entreprises ont amassé 1.574 milliards d’euros selon la Banque du Japon, soit près de la moitié du PIB, et leurs réserves qui progressent au rythme de 4% par an vont davantage s’accroître en raison de la dépréciation du yen et du déclin du prix du pétrole.
Comme en Europe, les marges budgétaires japonaises sont réduites en raison de la nécessité de commencer à résorber un déficit qui représente la moitié des dépenses de l’État. Mais la seconde hausse de la TVA destinée à accroître les recettes a dû être repoussée à plus tard, en raison des effets désastreux de la première sur la consommation, qui a accentué la récession. Les appels des dirigeants japonais ne suscitant pas un grand enthousiasme, le gouvernement vient de décocher sa « troisième flèche » et de lancer avec ses moyens limités un programme de 24 milliards d’euros présenté comme financé par des crédits non utilisés et des recettes fiscales supérieures à celles qui étaient attendues, afin de ne pas accroître davantage le déficit budgétaire et une dette publique colossale de plus de 245% du PIB.
Ce programme a toutefois reçu un accueil plutôt frais, en raison de son volume insuffisant et peu susceptible de doper substantiellement la croissance. Pour moitié environ, il va consister à distribuer aux détenteurs de bas revenus des coupons permettant d’acheter des marchandises et du fuel, et aura pour second objectif de revitaliser les régions dans la perspective des prochaines élections régionales. Pour l’autre moitié, il va être consacré au relogement des sinistrés du tsunami de mars 2011, et à financer la baisse des taux du crédit immobilier pratiqués par une agence gouvernementale.
Là, le parallèle entre les intentions et les modalités du plan de la Commission européenne s’impose. La puissance publique a épuisé ses capacités d’endettement, ou est sommée de ne plus y puiser, et les investisseurs privés n’ont dans les deux cas aucune raison de se réveiller, la demande anémiée par les réformes : le « choc d’investissement » est une formule creuse.
Mais toute ressemblance avec des pays existants ou ayant existé est fortuite et ne saurait engager l’auteur…
https://www.lefigaro.fr/vox/societe/rendre-femmage-ou-quand-le-feminisme-sombre-dans-l-imposture-linguistique-20190403