Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Les titres des Government–Sponsored Entities, Fannie Mae et Freddie Mac, ont à nouveau considérablement baissé : l’action de Fannie Mae a perdu à la bourse de New York 22,25 % de sa valeur et celle de Freddie Mac, 24,96 %. Ce qui équivaut, depuis le début de l’année, à une dépréciation de 85 % pour Fannie Mae et de 87 % pour Freddie Mac.
La raison de cette rechute est un article paru dans Barron’s vendredi dernier (15 août) et qui décrivait le mécanisme qui permettrait au gouvernement américain de nationaliser de fait les deux géants semi-privés / semi-étatiques de l’immobilier américain. Ce mécanisme est celui que je décrivais moi-même une semaine auparavant dans mon billet intitulé La France et la crise : un an déjà. Je me cite :
[…] la renationalisation […] des Government–Sponsored Entities, Fannie Mae et Freddie Mac, par le biais de “preferred shares” (actions privilégiées), dont l’Etat sera l’acheteur, ce qui assurera sa prise de participation “en sandwich” entre les obligations émises par les GSE et leurs actions ordinaires offertes au public ; ces actions privilégiées mettront les actionnaires actuels des GSE sur la touche, et seule subsistera dès lors l’illusion de l’appartenance de Fannie Mae et de Freddie Mac au secteur privé.
Non Barron’s n’est pas allé copier une semaine plus tard ce que j’écrivais : j’avais vu, trois jours auparavant (le 5 août), Bill Gross de PIMCO (le plus grand fonds d’obligations – Group Allianz) faire sur CNBC une allusion discrète à un scénario de ce type-là – qui m’avait immédiatement paru très vraisemblable. C’était très rapide et ça a dû échapper à beaucoup de gens : tous ceux sans doute qui préfèrent lire Barron’s à leur aise durant le week-end.
Ceci dit évidemment, la dégringolade d’aujourd’hui ne peut que précipiter encore davantage les événements et avancer le moment où cette nationalisation de fait aura lieu. En capitalisation, Freddie Mac valait encore il y a un an, 42 milliards de dollars. Aujourd’hui, elle n’en vaut plus que 3, ce chiffre étant à comparer – en termes de dilution du titre que cela représenterait – aux 5,5 milliards qui lui seraient nécessaires pour reconstituer un coussin suffisant par rapport à ses réserves obligatoires. En mai, quand Fannie s’était recapitalisée pour un montant de 14,4 milliards de dollars, elle avait dû consentir un taux de 8,75 % aux acquéreurs des actions privilégiées qu’elle émettait alors. Ceci ne peut vouloir dire qu’une seule chose : que le taux dont Freddie devrait s’acquitter dépasserait lui les 10 %. Ite missa est.
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
2 réponses à “D’une longue et pénible maladie…”
Par rapport à Freddie Mac et Fannie Mae, je viens de lire cet article sur le site les Echos (qui est en fait une dépêche AFP) :
La Russie a gagné plus de 1 milliard de dollars grâce à Fannie Mae et Freddie Mac.
Les placements de la Russie en obligations des deux organismes de refinancement hypothécaire américain menacés de faillite, Fannie Mae et Freddie Mac, ont rapporté à Moscou plus d’un milliard de dollars en six mois, a annoncé mardi le ministre russe des Finances, Alexeï Koudrine.
« Les obligations dans lesquelles nous avons investi (une partie des réserves de change du pays, ndlr) n’ont pas entraîné de pertes mais nous ont rapporté plus d’un milliard de dollars », a déclaré M. Koudrine lors d’une rencontre avec un député de la Douma, a rapporté l’agence de presse Ria Novosti.
Victimes de la détérioration du marché américain de l’immobilier et de l’effondrement de leurs cours de Bourse, Freddie Mac et Fannie Mae ont connu, début juillet, une crise qui a nécessité l’intervention du Trésor américain.
Les crédits hypothécaires « subprime » de ces organismes sont des emprunts qui ont été accordés sans précaution à des millions de foyers modestes, souvent fragiles financièrement, avec des taux initiaux très bas, pour attirer le client, mais qui montent en flèche après quelques années.
Vous l’expliquez comment ? Et faut-il voir dans cette annonce une volonté de Moscou de mettre la pression sur les États-Unis par rapport au conflit en Géorgie ?
Selon Brad Setser, le 12 juillet (les « Agencies » ici sont Fannie Mae et Freddie Mac ; GDP = IPB),
Les rentrées mentionnées dans l’article AFP / Les Echos sont sur ces obligations à court terme, pas sur les Residential Mortgage–Backed Securities, les obligations à long terme qui sont au centre de la crise des subprimes. La déclaration de Mr. Koudrine à la Douma, constitue probablement sa réponse à un député qui mélangeait les deux et qui avait dû s’indigner : « Quoi, vous investissez le bon argent russe dans ces obligations qui ne valent plus rien ! » Comme les taux associés à ces dettes à court terme sont désormais élevés, il y a effectivement de bonnes affaires à faire !
Si l’AFP rapporte cela comme une « nouvelle », il est possible qu’elle soit victime elle aussi de la même confusion. Ceci dit, les fonds souverains commencent à se méfier même des instruments de dette à moyen terme qu’émettent les Government–Sponsored Entities : l’agence Bloomberg signalait hier que :