Billet invité
La vie et la production concrètes des communautés humaines d’entreprise sont la finalité et le but de la chambre de compensation internationale proposée par Keynes en 1944. Le modèle monétaire keynésien est en cours d’actualisation dans le réseau numérique mondial de cognition.
La globalisation financière à l’œuvre depuis trente ans a consisté à ériger par la privatisation-désétatisation de l’émission monétaire une cloison de verre entre le capital passif et le capital actif des entreprises. Le calcul spéculatif se substitue à l’incarnation de l’agir humain. Schématiquement, le capitalisme entrepreneurial d’avant la globalisation libérale reposait sur un adossement de la mesure du capital à la réalité produite par les collectivités humanisantes porteuses du capital. L’économie de la réalité humanisante était issue des relations d’échange entre des collectivités constituées dans des conceptions partagées de droits communs matérialisables.
Les banques fournisseurs de la mesure du crédit évaluaient le capital passif des entreprises par le prisme de l’ordre social politique. Le capital était évalué par une appréciation humaine morale de la capacité des communautés d’entreprise à rembourser en nature vérifiable tout ce qu’elles empruntaient. Une communauté d’entreprise existait réellement par la conduite d’une équipe dirigeante élue par ses pairs, laquelle avait pour charge le financement de la société par l’équilibre comptable des échanges honnêtes avec son marché.
Le marché ou les marchés avec lesquels une entreprise échangeait pour produire sa valeur ajoutée avaient des limites juridiques, morales et politiques. La valeur économique nette produite avait un contenu moral objectif du fait qu’on identifiait la réalité des bénéfices par un système juridique national. La souveraineté politique délimitait la lisibilité du Droit. La comptabilité en monnaie substantifiait l’assurance des biens effectivement commercialisés par une contribution fiscale aux frais communs de la souveraineté.
La monnaie par laquelle l’entreprise réglait toutes ses transactions renvoyait à la morale d’une société souveraine définie et reconnaissable. La souveraineté se définissait par une loi commune appliquée par une société constituée en État distinct des autres États appliquant d’autres lois. Le risque de change et les primes de change réglées aux banques structurellement contrôlées par la politique de change des États, mesurait la production nette de justesse juridique et morale des souverainetés économiques identifiées et distinguées.
Avant la globalisation libérale, les marchés étaient spécifiés et différentiables par des souverainetés juridiques et politiques matérialisées par une monnaie nationale dont le taux de change signifiait le crédit international selon le droit, la loi et la morale appliqués dans les échanges économiques. La nationalité des monnaies permettait d’intelliger l’existence du droit et d’une morale humainement incarnée dans les crédits consentis par les banques aux entreprises.
Le capital passif représenté par des personnes physiques dirigeantes venait garantir le crédit passif des entreprises à l’intérieur des États nationaux. Dans la comptabilité passive des entreprises et des États, la monnaie signifiait le référencement juridique à une nationalité humanisant la Loi. Le capital passif positif était véritablement la garantie d’application effective du bien commun dans les échanges économiques. Le prix des infractions au bien commun des salariés, des fournisseurs et des clients, tous solidaires de leurs dirigeants dans une même nationalité étaient provisionnées, donc assurables, par le capital passif des entreprises. La crédibilité du capital des entreprises était internationalement couverte par les réserves de change des États.
La nationalité des monnaies garantissait la réalité morale active et positive du capital passif dans le capital réel, c’est à dire le capital comptabilisé comme actif de production. L’unicité des monnaies en souveraineté nationale posait une responsabilité personnelle effective réelle de l’équivalence du capital passif au capital actuellement actif. Le crédit passif d’une entreprise ou d’une zone monétaire nationale était sûr en économie du droit parce que les actifs réels vendables à terme étaient effectivement garantis par le prix positif nationalement vérifiable du capital d’actifs immobilisés. L’efficience de la garantie en capital était active par la représentation identifiable des personnes morales par des personnes physiques dans une seule monnaie interprétative du droit.
La responsabilité humaine de l’équivalence morale entre l’actif et le passif d’une entreprise était réelle et vérifiable par l’entremise des personnes physiques dirigeantes domiciliées dans une seule personnalisation politique de la souveraineté. Par une même monnaie nationale, il était possible d’établir des comptes de crédit consolidés adossés à un système juridique unique identifiable et effectivement gouverné. La consolidation du capital passif de toutes les personnes morales à l’intérieur d’une même nationalité monétaire était la provision de réparation de toutes les fausses valeurs possibles dans le futur d’une même économie de droits nationaux.
Entre les zones de souveraineté monétaire, les réserves de change provisionnaient en monnaie étrangère le risque de crédit international d’un seul et même système juridique, d’un seul et même gouvernement de la valeur ajoutée selon la loi d’une même société identifiable de citoyens. La citoyenneté était donc la responsabilité en dernier ressort de la transformation économique de la loi commune en biens réels pour les consommateurs humains.
La libéralisation financière qui a conduit à l’effondrement actuel du crédit des États et des banques a consisté à supprimer la subordination du crédit à la responsabilité financière étatique du citoyen. L’indépendance des banques centrales et la libre circulation des capitaux ont été instaurés sur le démantèlement de l’efficience économique des États nationaux. La réalité réglementaire fut alignée sur la réalité économique d’une responsabilité monétaire des gouvernements nationaux rendue ingérable par l’impérium du dollar, le non-système économique opposé à la proposition de Keynes par la victoire des États-Unis dans la deuxième guerre mondiale.
L’insolvabilité de l’Europe dont le capital avait été détruit dans la guerre avait été comblée par la légalité imposée du financement en dollar. Dans le monde occidental puis dans le monde entier, la légalité économique en dollar a remplacé la légalité des nations dans leur monnaie propre. L’économie des sociétés politiques et des sociétés commerciales n’a plus été financée par le passif des nations et des communautés d’entreprise envers elle-mêmes, mais par des emprunts de légalité impériale étatsunienne non vérifiable. Le dollar est la première monnaie de l’histoire non gagée par un quelconque capital de responsabilité économique et politique.
Le régime monétaire des États-Unis et du crédit en dollar est depuis son origine un système économique d’amoralité. Le fédéralisme s’est construit sur la multiplicité des lois et des souverainetés sous une seule monnaie. Le dollar est non seulement la monnaie unique de plusieurs États de droit, plusieurs gouvernements et plusieurs régimes de capital différents, mais aussi la monnaie d’un empire financier mondialiste dont les dirigeants échappent au contrôle d’une quelconque autorité de citoyenneté politique centrale. Toute entreprise de quelconque nature financée en dollar est à sa convenance exonérée de contribution fiscale au gouvernement de l’intérêt général public, quelle que soit la réalité de son adhésion à la légalité civile.
La libéralisation des flux de capitaux financiers a supprimé le contrôle de légalité publique sur les banques et sur le capital des entreprises dans une économie mondiale où les États n’avaient plus les moyens d’une responsabilité monétaire. La libre négociation du crédit et de la convertibilité des changes en dollar a supprimé la réalité d’une maîtrise politique de l’économie humanisante. La déconnexion monétaire étatsunienne par déterritorialisation du capital entre l’économie réelle et l’économie des droits humains est désormais la norme mondiale. Les élites politiques du monde entier ont peu ou prou adhéré au régime du dollar libertaire pour ne plus assumer la responsabilité financière réelle de leurs promesses et de leurs discours.
Le crédit mondialisé en dollar finance les balances de paiements par des intérêts exclusivement privés, lesquels sont libres d’appliquer les régimes de droit les moins couteux tant en obligation du capital qu’en assurance fiscale publique. La cloison de verre entre le capital passif et le capital actif formée par toute monnaie librement convertible en dollar contient une triple incitation financière à détruire la réalité économique. La mise en concurrence systémique des souverainetés juridiques minimise indéfiniment la rémunération du travail des consommateurs. La rémunération du capital nominal transnational est déconnectée de la demande réelle mesurable des biens.
Le capital privé passif déterritorialisé est de fait exonéré de sa contribution économique à l’assurance publique des droits qui fondent l’existence du capital réel actif. Enfin le capital réel privé et public est librement dirigé par des intérêts cachés, illisibles au consommateur citoyen, qui imposent des choix d’investissement sans rapport vérifiable avec une croissance humaine réelle. Le décrochage systémique entre l’économie réelle et la comptabilité financière est en pratique comblé par la croissance virtuelle illimitée des dettes publiques et privées.
Les monnaies ne sont pas indexées sur l’efficacité économique des autorités publiques de régulation du crédit. Le droit n’est pas interprété dans des périmètres de souveraineté définie et délimité. Le calcul économique anonyme et anomique perd toute assise réelle. L’anticipation de la valeur ajoutée issue du travail est diluée dans des modèles financiers où les prix sont détachés des acheteurs et des vendeurs réels et où le travail de production effective n’est pas spécifié par les communautés humaines qui le font exister.
Le principe de la chambre de compensation keynésienne numérique est la restauration des États de droit réels au fondement du calcul économique. Chaque état de droit politique général ou entrepreneurial particulier est financièrement capitalisé par une unité d’œuvre décisionnelle qui est la monnaie. La monétisation du capital propre à chaque société constituée, établit la responsabilité effective du remboursement des dettes à tous les acteurs véritables de la production. La monétisation keynésienne du capital actif matérialise la convertibilité réelle des biens produits par une société particulière, en biens produits par d’autres sociétés constituées sur des finalités humaines différentiables et variables.
La numérisation intégrale de la monnaie interdit l’émission de titres de dette, de capital ou d’assurance, qui ne soient pas rattachables à des réalités physiques effectivement contrôlées par des personnes physiques identifiées et domiciliées dans une juridiction unique. Juridiquement et financièrement, une monnaie émise par une société politique ou entrepreneuriale quelconque se définit comme prime d’assurance du capital nominal émis. Le capital nominal évalué à son prix réel de marché est en substance la prime de crédit de tous les emprunts et dépôts dus par la société à tous ses citoyens travailleurs.
Enfin, le crédit en monnaie dans une comptabilité sociale quelconque est la prime du titre de travail émis par la personne physique afin de contribuer à sa manière propre à la production sociale de valeur ajoutée. Le crédit en monnaie a alors la nature de titre de capitalisation du travail humain. Un titre monétaire de travail est une tâche de travail définie engagée par une personne physique en vue de contribuer à la valeur ajoutée des biens servis par la société qui l’emploie. Pour que le travail soit négociable indépendamment des droits inaliénables de la personne, une tâche de travail n’est pas vendue en compensation par la personne physique elle-même mais par des sociétés professionnelles d’assurance que sont les écoles, les universités, les syndicats professionnels et les sociétés de travail libéral.
Une société professionnelle de personnes physiques assure la disponibilité et la réalité des savoir-faire nécessaires à la production finale de la société employeuse, donc acheteuse de travail. Dans la compensation intégrale des prix, les sociétés professionnelles sont elles-mêmes assurées à plusieurs degrés par les sociétés politiques couvertes en dernier ressort par les États souverains et les fédérations d’États souverains. Un État souverain est financièrement une société d’assurance des personnes par les normes délibérables du Droit. La monétisation du capital souverain est la prime d’assurance de l’existence de citoyens responsables par une loi commune.
L’intégration numérique des systèmes d’information économique des sociétés politiques et commerciales permet déjà une titrisation totale du travail quelles qu’en soient les finalités et les compétences engagées. Ici réside la disruption cognitive introduite par la compensation numérique informatisée dans le réseau mondial. Premièrement la délimitation monétaire identificatrice des marchés humains n’est plus physique mais logique. L’intelligibilité et la visibilité du calcul économique devient universelle par nature. Les coûts de transaction sont quasiment nuls par la convertibilité monétique ubiquitaire des langues et des normes de production des biens.
Deuxièmement, la négociation des prix est moralement homogène quelles que soient les spécificités des sociétés humaines engagées dans les marchés mondialisés. La représentation marchande des biens négociables utilise un seul et même modèle de données numériques. La causalité des prix est rendue universellement analysable indépendamment de la culture, des normes et de la langue. Toutes les finalités sont modélisables dans une même économie de la monnaie du singulier le plus original à l’universel le plus général.
Troisièmement, la compensation numérique est construite sur l’identification unique, exhaustive, infalsifiable des personnes physiques et des personnes morales. Toute personne a une identité numérique publique indexée par l’état civil et le registre des sociétés déposés dans les États souverains. L’indexation compensatoire d’une nouvelle personne physique ou morale requiert un acte physique de représentation par un corps personnel physique relié à d’autres personnes physiques par une personne morale déjà indexée. La responsabilité des prix et de la réalité de la valeur ajoutée libérée existe en compensation monétaire par la solidarité délibérée des corps physiques visibles.
La compensation algorithmique des prix sur quatre degrés de dérivation du travail, en bien réel, en crédit, en capital et en assurance, restaure l’intégrité du capital monétaire à la fois par l’actif et le passif. Compenser consiste à gager tout crédit sur l’intelligibilité du réel engagée par le travail de la personne. A partir du moment où les monnaies comptent le travail de transformation intelligible des biens, la liquidité juridique et financière de toute entreprise humaine rentable se définit par le prix du travail effectivement engagé et disponible à l’assurance du capital, lequel soit suffisant à garantir le crédit emprunté des sociétés.
Toute offre crée sa propre demande à la condition de personnes physiques engagées par leur travail réel dans le crédit des personnes morales ; à la condition de personnes morales physiquement dirigées à répondre d’une prime d’assurance suffisante en travail effectivement acheté à la croissance positive du capital ; à la condition de personnes étatiques garantes par l’émission monétaire de la rémunération effective en droits du travail ; à la condition d’une équité lisible entre tous, de toute conversion de prix en bien humain commun réel.
Un prototype de chambre de compensation en cours de programmation a pour but de prouver que la compensation numérique intégrale existe et fonctionne à produire un équilibre économique général des prix moralement juste.
@Régis Pasquet Merci de ce plan on ne peut plus sensé… Mais, pour que les citoyen-ne-s assurent « une partie de…