Billet invité. À propos de L’effet de cliquet, ennemi de la démocratie, par Paul Jorion.
Approfondissons la lecture strictement financière de la pénalité cliquet qu’aurait à verser l’État français à EDF en cas de fermeture effective de Fessenheim. Ces quatre milliards sont l’aveu par EDF et par l’État français responsable de la sûreté nucléaire de l’incertitude économique sur le coût réel de l’électricité produite par la centrale de Fessenheim.
En toute logique, l’État français n’a aucun intérêt à hâter la fermeture de la centrale s’il n’était le risque d’un accident que l’expertise publique impartiale juge non nul. Imaginer un démantèlement sans délai de la centrale signifie en rationalité économique que le manque à gagner ou le coût pour EDF et pour la collectivité est plus faible que le coût probable d’un accident marginalement possible. Si donc, l’État et EDF se sont mis d’accord pour une indemnité de 4 milliards en cas d’anticipation de l’arrêt de la centrale par rapport au business plan négocié entre l’État et EDF, cela signifie que le prix réel de l’électricité de Fessenheim est sous-évalué de 4 milliards dans les comptes de l’État par rapport au calcul qu’en ont fait les ingénieurs et financiers d’EDF.
Nous avons le choix entre deux interprétations de cette objection juridique et financière. Nous pouvons supposer que les gens d’EDF sont sérieux et consciencieux. Leurs calculs prudents montrent alors qu’il n’y a pas de nécessité sanitaire, industrielle et économique à fermer Fessenheim. Le prix éventuel de l’impéritie publique imposant un démantèlement prématuré de la centrale est donc évalué à 4 milliards qu’EDF n’a eu aucune raison, et pour cause, de provisionner dans ses comptes pour couvrir un risque sans réalité.
Selon cette première interprétation et en supposant que la puissance publique n’est pas par nature de mauvaise foi, nos députés Marc Goua et Hervé Mariton nous révèlent au passage que la comptabilité publique n’intègre pas l’avenir alors même que l’État est l’assureur en dernier ressort du prix de ses obligations constitutionnelles et légales. Si l’État a en effet consenti à promettre une indemnité à EDF sur la fermeture de Fessenheim, c’est qu’il a fait un calcul financier du risque qu’il doit assumer sur la santé publique et le bien-être des citoyens français. Selon les principes français de gestion budgétaire publique, le gouvernement doit intégrer dans ces prévisions de dépenses tout ce qui résulte de la loi et de ses engagements constitutionnels. Donc l’État français est malgré la loi et la constitution en impasse budgétaire de 4 milliards d’euros sur Fessenheim.
Deuxième interprétation qui soulage financièrement notre puissance publique et charge EDF ainsi que ses complices gouvernementaux. Nous supposons à nouveau l’honnête objectivité de nos ingénieurs électriciens dans l’évaluation à 4 milliards d’euro du surcoût d’une fermeture de Fessenheim. S’il est prévu que l’État doive assumer ce surcoût par une indemnité à EDF alors que la rationalité économique commande absolument de fermer Fessenheim, il y a donc des financiers ou des ingénieurs cupides chez EDF qui ont mal calculé le capital dont doit disposer EDF pour exploiter ses centrales nucléaires dans le respect des normes de sécurité et de sûreté. Ces financiers et ingénieurs cupides ont trouvé des interlocuteurs publics complaisants et intéressés pour imputer sur le budget public l’occurrence d’un retour au réalisme en matière de sûreté nucléaire.
Qui peut encore dire la vérité dans un régime de confusion entre le prix public de la vérité et le financement privé des conditions de la vérité ?
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