Fukushima : LE SALAIRE DE LA PEUR, par François Leclerc

Billet invité.

Accaparé par les tonnes d’eau contaminée que la centrale continue de produire sans savoir quoi en faire, on en avait presque oublié les nuages de poussières radioactives qui s’en échappaient parfois au gré des vents à l’occasion de travaux, et les masses de terre et de végétaux contaminés rassemblés dans d’énormes sacs disséminés sur une vaste étendue au petit bonheur la malchance, dans l’attente de lieux de stockage.

L’extraction de débris dans les réacteurs ne va pas sans incidents. Il n’a été reconnu qu’en juillet que des rizières cultivées situées à une vingtaine de kilomètres avaient été contaminées un an auparavant, vraisemblablement à la suite du déblayage d’un amoncellement de ferrailles qui encombraient le réacteur n°3. Fin août, un équipement de levage du combustible pesant 400kg est accidentellement tombé dans la piscine de ce même réacteur, suite à une manipulation erronée d’une grue télécommandée. Dans l’environnement hautement contaminé des réacteurs, tout incident de chantier peut prendre d’énormes proportions.

Des mois de négociations ont été nécessaire pour convaincre la préfecture de Fukushima et les deux municipalités sur le territoire desquelles se trouve la centrale d’accueillir deux gigantesques lieux de stockage. Comme il se doit, ils sont présentés comme étant « temporaires » et sont destinés à entreposer tous les déchets résultant de la décontamination effectuée dans une vaste zone autour de la centrale.

Après le stockage de l’eau contaminée dans des réservoirs alignés à perte de vue dont le nombre ne cesse de grandir, celui des débris contaminés de toute nature ne fait que commencer. Au fur et à mesure des opérations de démantèlement – tout du moins, celles qui pourront être effectuées – des masses d’éléments contaminés de la centrale vont devoir trouver un lieu de stockage, garantissant pour des périodes pouvant être très longues contre toute absence de contamination par voie aérienne ou via les sols. Les négociations à ce sujet ne font que commencer !

On ne s’étonnera pas de l’estimation du coût de la catastrophe, qui ne cesse d’augmenter, effectuée par le professeur Kenichi Oshima de l’Université Ritsumeikan. Il est arrivé à un minimum de 80 milliards d’euros, dépassant de loin le chiffrage gouvernemental. Cette somme couvre les indemnisations des personnes, les frais de décontamination et de stockage autour de la centrale, et les travaux en cours et à venir dans ses installations. Elle ne couvre pas les coûts de mise en conformité avec les nouvelles normes de sûreté des installations nucléaires, qu’il estime à près de 15 milliards d’euros. Mais ces chiffres sont provisoires, selon le professeur, et ne peuvent qu’augmenter.

Ces coûts seront au final soit à la charge des contribuables, soit répercutés dans les factures d’électricité. Non compte tenu des fonds injectés au capital de Tepco, l’opérateur de la centrale, qui font de l’État son principal actionnaire sans toutefois qu’il interfère dans sa gestion, près de 40 milliards d’euros auront déjà été avancés par l’État. Est-il vraisemblable qu’ils soient un jour remboursés ? Si oui, quelle augmentation des tarifs d’électricité serait nécessaire pour y parvenir ?

Les partisans de l’électronucléaire ont toujours excipé de la sûreté de leurs installations et du bas coût (calculé par leurs soins) de l’énergie qu’ils produisaient. Que leur reste-t-il aujourd’hui comme argument ? Leur bilan carbone, mais celui-ci n’est-il pas à haut risque ?

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