Billet invité. Paraît simultanément sur sur son blog sur Mediapart.
L’annonce du plan de sauvetage de Banco Espirito Santo (BES) démontre à quel point les discours tenus par les dirigeants de la zone euro sont parfois éloignés des réalités financières. Le projet d’Union bancaire adopté par les gouvernements et les parlementaires européens en mars dernier vient ainsi de confirmer certains de ses dangers, alors même qu’il n’est que très partiellement en place.
En cas de défaillance d’un établissement bancaire systémique, ce projet prévoit de mettre à contribution non seulement les actionnaires et les créanciers subordonnés mais aussi les créanciers ordinaires et les déposants. Comme cela a été souligné lors de son adoption, ce projet qui s’inspire du modèle chypriote fait craindre qu’en cas de rumeur sur un établissement tout le monde s’en aille dès le premier jour. C’est exactement ce qui vient de se passer avec la défaillance de BES où l’on a assisté à une vraie panique des créanciers ordinaires et des déposants qui ont anticipé sur les nouvelles règles en ne voulant pas prendre le risque de se faire piéger. Ils ont ainsi bien involontairement accéléré la chute de l’établissement et les risques de contagion, même si en définitive les autorités ont décidé de les protéger.
Lors de la présentation du projet d’Union bancaire, on nous avait également expliqué que le lien serait désormais coupé entre les banques systémiques et les États. Or, dans le cas de BES, dont les actifs représentent la moitié du PIB du Portugal, la démonstration vient une nouvelle fois d’être faite que lorsque le temps presse l’intervention de l’État est la seule manière de dissiper les doutes sur la solvabilité de l’établissement. L’injection de capitaux publics annoncée dimanche soir est la démonstration que les banques dites systémiques sont indissociablement liées à leurs États.
Autre enseignement de cette crise, l’empressement manifesté par les dirigeants européens à déclarer que le Portugal sortait du plan de sauvetage, à la veille des élections européennes, apparaît rétroactivement assez puéril. Pour sauver BES, l’Etat portugais fait appel aux fonds d’aide à disposition de l’État portugais. La dette publique portugaise ne sera certes pas affectée puisqu’il reste un solde non utilisé mais les marchés vont prendre à nouveau conscience que la dette publique portugaise est considérable, représentant 133% du PIB au lieu de 93% en 2010. Une fois encore, il est démontré que la politique conduite par la zone euro pour réduire la dette publique a l’effet exactement inverse. Les politiques d’austérité et la menace de déflation font progresser la dette. La dette publique italienne atteint 138% du PIB, venant de 119% en 2010. Quant à la dette française, elle atteint 99% du PIB (Eurostat : 96,6% + 2,4% de prêts aux États en difficulté), venant de 81,7% en 2010.
Enfin, on aura une pensée pour les petits actionnaires de la banque qui ont été appelés à souscrire à une augmentation de capital il y a deux mois et qui viennent de perdre l’argent qu’ils avaient apporté. Ils vont en plus hériter de la seule « bad » banque. Ils seront en droit de s’interroger sur les règles de transparence qui s’appliquent à un établissement aussi important, sept ans après le déclenchement de la crise financière.
PJ : « Un lecteur d’aujourd’hui de mon livre Principes des systèmes intelligents » Je pense que c’est le commentateur Colignon David*…