Billet invité. P.J. : Il faut rappeler que même si la peine de mort existe au niveau fédéral, elle n’est pas d’application dans tous les États aux États-Unis.
Dans les échanges transatlantiques, l’uniformisation culturelle pourrait être vue comme un objectif indirect. Des esprits chagrins qui y sont opposées refusent de voir l’avantage que représentera l’adoption parachevée de la grande « Civilisation » sur la Terre : celle des États-Unis d’Amérique. Ce fut ainsi pour les habitants des parties, même reculées, de l’Empire romain qui avaient le désir de se romaniser ; il est vrai que de nos jours, des peuples appartenant à des empires sont devenus ingrats : les Tchétchènes qui oublient toujours les efforts inlassables faits pour les russifier ou les Tibétains pour les siniser.
Déjà la majorité de nos contemporains en Occident sont reliés entre eux grâce aux merveilleuses entreprises américaines qui nous fournissent des réseaux sociaux, des machines avec écran pour se connecter en permanence, des contenus, et en outre, gratuitement, un parfait contrôle de tout ce qui s’échange pour nous protéger (y compris de nous-mêmes) et nous aider à être mieux connus de toutes ces bienveillantes firmes qui nous vendent nos indispensables besoins en consommation. La culture de masse, malgré quelques poches de résistance ou plutôt d’impertinence et d’arriération, est donc « globalement » américaine. Il faut avancer dans toujours plus de civilisation, que diable !
Or il est un domaine où la vieille Europe est loin d’avoir tout compris. Par exemple le modernisme de la peine de mort. En effet, bien que tout prouve que ça ne soit absolument pas dissuasif et que ça ne fasse en rien baisser le taux d’homicides, comment ne pas autoriser les exécutions légales puisque par ailleurs nul ne peut empêcher les massacres privés à coup d’armes à feu ? Peine de mort étatique, peine de mort privatisée : ce serait vraiment illogique qu’un type puisse prendre une mitraillette et arroser une foule dans la rue, ou qu’un étudiant puisse trucider ses condisciples sur un campus avec l’arme stockée chez ses parents, alors qu’un État n’aurait même pas le droit de tuer un seul méchant criminel.
Actuellement les prisons américaines ne peuvent plus importer certains produits létaux pour les exécutions par piqûre car les entreprises pharmaceutiques européennes leur en refusent la vente. Il s’ensuit de très longues souffrances pour le condamné ; en mai 2014, une exécution en Oklahoma dura 43 minutes ; en fin juillet de la même année, ce terrifiant record est battu en Arizona avec deux heures d’agonie (1) ! On en était à la double peine : le condamné grâce aux interminables recours pouvait passer vingt ans en couloir de la mort ce qui correspond à des peines parmi les plus sévères en Europe (quel laxisme !) et ensuite être tué. Eh bien, c’est devenu la triple peine car la mort – par injection létale, initialement pensée comme l’euthanasie d’un chien – se transforme en pénible agonie alors qu’autrefois (en théorie…) le condamné ‘s’endormait’ pour toujours, confortablement attaché sur un lit blanc. Donc il y a un petit problème avec la Cour suprême des États-Unis que l’on pourrait résumer ainsi : « il est légal d’occire mais il faut le faire proprement » (2). Comment ne pas repenser aux exécutions du passé dans lesquelles la mort était infligée avec tortures de surcroît. Sans aller jusqu’à évoquer le châtiment du régicide Damien que rappelle Michel Foucault (3), le supplice plus commun de la roue pouvait durer très longtemps si le roué était robuste… Par magnanimité, il pouvait arriver toutefois qu’une personne supposée brûler vive soit auparavant étranglée sur son bûcher : elle avait de la chance. Mais rassurons-nous, l’Occident n’a pas eu l’exclusivité des ces coutumes raffinées. Il suffit de penser à un célèbre supplice chinois (4) pour vérifier la sophistication que d’autres grandes civilisations ont atteinte dans ce domaine comme dans les autres. Bien sûr appartenir à une civilisation « développée » n’est même pas nécessaire pour ce genre de raffinements si prisés dans l’espèce humaine : penser par exemple aux coutumes terrifiantes des Iroquois …
Voici une modeste proposition (5) pour aider à résoudre ce pénible problème dans les États américains – ceux ayant encore la peine capitale – qui pourrait bloquer ces mises à mort légales. Dans des échanges de bons procédés transatlantiques, la France pourrait recycler ses guillotines devenues inutiles depuis 1981 et, au lieu de les mettre au rebut ou dans des musées, les envoyer en Amérique – pour un dollar symbolique de façon à ne pas être humiliant en faisant un cadeau – et contribuer ainsi au progrès dans cette civilisation avancée.
En effet il est bon de se souvenir d’un fait historique. Les Nobles, privilégiés par la naissance, avaient un important privilège pour mourir par décision de justice : au lieu d’être pendus, roués, brûlés ou tout autre méthode longue et quelque peu dégradante mais surtout très douloureuse, ils pouvaient passer de vie à trépas par décapitation, de nos jours on dirait d’un simple clic. On oublie trop souvent que l’invention révolutionnaire du Dr Guillotin, comme celle du système métrique ou des départements, visait à égaliser, rationaliser et améliorer. Bien évidemment l’inconvénient est que du sang coule et parfois littéralement à flots (6). Mais enfin il faut savoir être raisonnable : si les piqûres ne marchent pas ; si l’on ne veut plus fusiller ; si l’on ne veut pas réutiliser la chaise électrique qui n’a pas, elle non plus, répondu à toutes ses promesses de progrès (parfois le condamné grille trop longtemps), alors il faut choisir ce moyen chirurgical simple, net et efficace. Même si des gens ont pu penser que la conscience survivait un court instant dans la tête une fois séparée du corps ; dans le film de W. Herzog, « Aguirre, la colère de Dieu » (1972), une scène illustre avec humour (noir) cette théorie : une tête coupée continue à dire quelques mots…
Mais en comparaison avec la méthode actuellement employée au cœur du monde civilisé, la guillotine, c’est nettement mieux pour la rapidité, la reproductibilité et le confort, pourquoi le nier ? Pour une fois, une technologie 100 % française apporterait un progrès dans ce grand pays fascinant que nous admirons aussi pour sa créativité technologique – avec tant d’inventeurs et d’innovations, de B. Franklin à S. Wozniak, et de la conquête de la lune à l’Internet –, c’est-à-dire un grand pays High Tech.
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(1) – Aux Etats-Unis le drame d’une nouvelle exécution ratée
(2) – VIIIe amendement de la Constitution : « Les cautions et les amendes excessives, ainsi que les châtiments cruels ou exceptionnels, sont interdits ». Or l’injection létale n’étant pas cruelle, elle a été jugée comme méthode constitutionnelle [sic] le 16.4.2008
(3) – Michel Foucault, Surveiller et punir, NRF Gallimard, 1975, introduction pp 9-11
(4) – cf. les plaques photographiques de Georges Bataille sur le Lingchi
(5) – C’est bien sûr un humble et lointain hommage au génial Jonathan Swift et sa célèbre « A Modest Proposal: For Preventing the Children of Poor People in Ireland from Being a Burden to Their Parents or Country, and for Making Them Beneficial to the Public », connu en français sous le titre « humble proposition… »
(6) – Jules Michelet, Histoire de La Révolution française, Bouquins, R. Laffont tome II, chapitre : Des cimetières de la Terreur, pp. 842-847
@Corlay D’accord avec vous, Isabelle, à propos des jeunes qui comprennent mieux que d’autres la nécessité de préserver les équilibres…