Billet invité
Inutile de rédiger une énième redite de l’inauguration du musée Soulages, le week-end dernier, ou de vous présenter le peintre. Toute la presse s’est emparée de cette actualité ces derniers jours ; vous pourrez satisfaire votre curiosité sur internet.
J’étais présent, dans cette lointaine province. J’ai pu m’effrayer dans un premier temps de ce tohu-bohu inhabituel par ici : la tranquille ville de Rodez a même eu droit à ses manifestations…
Nous étions nombreux, très nombreux, même encore le dimanche matin… comme un défi lancé à la patience du visiteur.
Qu’elle est donc cette manifestation provinciale capable de drainer tant de public dans une ville peu habituée jusqu’ici à un tel charivari ?
En Occident, le noir est associé à la tristesse. Ce que réalise Soulages doit être l’exception à la règle : sa peinture est tout sauf triste.
Le plus étonnant, c’est qu’il arrive à rendre et nous montrer un noir lumineux dont nous ignorions l’existence.
Car il s’agit bien du noir en tant que couleur et non pas du noir, celui qui nous est habituel : il reflète intensément la lumière en un faisceau de couleurs.
C’est un paradoxe étrange sous nos yeux, pour le photographe il constitue un véritable défi : impossible de traiter son ouvrage en noir et blanc, ce serait le trahir…
Regarder cette peinture, c’est discerner la lumière qu’elle exhale, les subtiles couleurs qu’elle reflète et décompose.
Plus encore, tournez autour : elle acquiert épaisseur, texture, énergie, force, chatoiement dans les reflets de notre « circumambulation »
Le défi du photographe, passer outre aux contraintes techniques épouvantables :
– très faible lumière ambiante ;
– autorisation de prendre des photos, mais inadéquation « du pied » de par la fréquentation du site ;
– quasi impossibilité du respect de la couleur et de l’ambiance sombre du musée ;
afin de trouver sa propre voie, tout en restituant celle du peintre. D’établir avec lui et sa peinture ce dialogue qu’il a souhaité. L’écouter et s’écouter. Le voir. Le humer. Tourner autour pour le ressentir.
Soulages : « La peinture, c’est une relation entre trois entités, la peinture elle-même, le peintre qui la fait, et le spectateur qui la regarde »
Pour Soulages, l’oeuvre doit être vécue comme une expérience sensible et intellectuelle, par le peintre comme par le spectateur.
Les difficultés techniques résolues, reste à montrer ce que nous avons perçu, ressenti, de ces monuments de douceur qui nous font face.
Un très grand défi pour qui considère que « photographier, c’est sculpter la lumière » : devant nous, cette sculpture a pris forme dans une couleur la plus simple qui soit, d’une complexité inouïe. À nous de savoir la montrer à notre tour.
Si vous souhaitez vivre un grand choc, venez, pendant la période de l’exposition temporaire « Outre-noirs » : là sont réunies des pièces majeures de ce discours en noir. Ses fameux « Outre-noirs » rassemblés en grand nombre vont bientôt disparaitre en se dispersant dans leurs musées d’origine.
Pour ceux qui ne connaissent de Soulages que sa noirceur féconde, d’autres surprises s’offrent à vous : il n’a pas commis que son grand oeuvre au noir.
En voici un échantillon, visible sur place, dans la collection permanente.
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Jean-Paul Ramel
jp.ramel@wanadoo.fr
Pour détruire, ils ont déjà leurs tontons macoutes : https://korii.slate.fr/et-caetera/elon-musk-detruit-administration-americaine-comme-twitter-x-efficacite-gouvernementale-doge-controle-fermeture-agences-usaid-opm-licenciements-politique-trump-etats-unis