Vendredi, Maître David Koubbi, avocat de Jérôme Kerviel, publiait une lettre ouverte au Président de la République intitulée Affaire Kerviel : « N’ayez pas peur M. le Président ! ». Il y écrivait entre autres ceci : « … de nombreuses personnalités ont pris position pour interroger tel ou tel aspect de cette affaire, ou pour dénoncer telle ou telle anomalie ayant affecté le traitement judiciaire du dossier. »
Vingt-deux noms de personnalités étaient alors mentionnés, et mon nom apparaissait là en troisième position. Il s’agit là d’un honneur, et je tiens à le souligner.
Maître Koubbi écrivait aussi : « Pourquoi avoir fait courir le bruit disant que Jérôme Kerviel était en fuite, ce qui n’a jamais été le cas ? » Kerviel n’était manifestement pas en fuite en janvier 2008 mais j’ignore si ce n’est pas le cas précisément maintenant au moment où j’écris.
Il y a eu jusqu’ici deux entités distinctes : « L’affaire Kerviel » et la personne de Jérôme Kerviel. La personne de Jérôme Kerviel a toujours tenu jusqu’ici à prendre ses distances par rapport au Kerviel que l’on supposerait normalement aux manettes lorsqu’il est question d’une « Affaire Kerviel » : Jérôme Kerviel s’est en effet toujours présenté comme un simple rouage, sans responsabilité particulière, de « L’affaire Kerviel ». Le titre de son ouvrage autobiographique : L’engrenage (Flammarion 2010), est à ce point de vue significatif. Ce livre l’a d’ailleurs desservi, comme j’ai eu l’occasion de le signaler, parce que Kerviel s’y présente de manière peu vraisemblable comme un parfait « étranger » à son propre destin : un simple pion dans une partie jouée entièrement par d’autres.
Il y a dans l’histoire des hommes, deux choses : des structures et des sentiments. Les deux interagissent : la pression des structures produit chez les hommes des sentiments, et ces sentiments à leur tour contribuent à donner en retour, par leur résistance, leur forme aux structures.
Jérôme Kerviel n’a parlé jusqu’ici de son histoire qu’en termes de structures broyant des personnes, et de sentiments ne reflétant que ce broyage uniquement. J’ai été trader et l’on dira ce que l’on veut du trader mais il y a là en tout cas une personne, un « sujet » pour utiliser les termes du psychanalyste, qui, à tort ou à raison, imagine avoir la maîtrise de ce qui se passe comme étant la conséquence de ce qu’il décide et fait ensuite.
Le « sujet » Jérôme Kerviel, que nous supposons être au centre de « L’affaire Kerviel », nous ne l’avions jusqu’à aujourd’hui encore jamais vu à l’œuvre : nous ne connaissions qu’un Jérôme Kerviel affirmant que « L’affaire Kerviel » parle de tout autre chose que de lui.
Quand Jérôme Kerviel annonce aujourd’hui qu’il reste en Italie et ne se présentera pas au commissariat de Menton dans les temps impartis par la Loi, un « sujet » de « L’affaire Kerviel » se manifeste pour la première fois devant nous.
Est-ce la meilleure manière pour ce « sujet » d’émerger ? Personnellement, je ne le pense pas, mais faut-il se réjouir de l’émergence sous quelque forme que ce soit, et enfin, d’un « sujet » dans « L’affaire Kerviel », et là, ma réponse est sans hésitation « Oui ! ». Le fait que tout cela tourne ensuite à la farce ou à la tragédie, est une autre histoire : souvenons-nous que même les tragédies grecques débutent comme des histoires de rien du tout.
Restent les structures. Leur procès reste à faire, et il nous est heureusement promis. Dans leur cas aussi nous avons hâte de voir apparaître enfin des sujets, responsables de leurs actes : l’alibi de l’engrenage et de ses rouages constitués uniquement de « passants innocents », « innocents » mais néanmoins grassement rémunérés pour leur silence, n’a que déjà trop servi.
Les agences de presse : Jérôme Kerviel, l’ex-trader de la Société générale, a traversé la frontière italienne peu avant minuit. Il a été appréhendé.
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