Billet invité.
S’éloigner un peu de l’Europe permet un recul salutaire et d’observer sous d’autres angles, dans d’autre contextes, les manifestations régionales de la crise mondiale. Pour y retrouver peu ou prou les mêmes problèmes de dette et de croissance, les mêmes faiblesses des systèmes bancaires, ainsi que les effets identiques des politiques d’assouplissement monétaire des banques centrales.
Depuis qu’il a été découvert, le secteur bancaire informel chinois fait l’objet de grandes inquiétudes, relayées publiquement par Mark Carney, le gouverneur de la Banque d’Angleterre et président du Conseil de stabilité financière (FSB) du G20. C’est moins sa taille – dont les évaluations oscillent entre 3.100 milliards et 3.500 milliards de dollars, soit dans le cas minimum 20% de la taille secteur bancaire public – qui impressionne que le danger d’une propagation au secteur bancaire public de défauts de paiement en son sein. Plusieurs sont déjà intervenus depuis le début de l’année et l’attitude du gouvernement chinois est suivie de près. Va-t-il intervenir résolument pour éviter une crise de confiance et une réaction en chaîne ou laisser faire pour donner un avertissement ? Difficile de trancher : des signaux contradictoires ont été jusqu’à maintenant donnés, des investisseurs anonymes et bienveillants procédant à un renflouement dans un cas et ne se manifestant pas dans d’autres. Comme s’il fallait à la fois donner une leçon à la spéculation qui s’est développée à la suite de la distribution par la banque centrale d’une manne de liquidités et veiller à ce que les incidents restent circonscrits afin de ne pas se propager.
Les autorités chinoises font face à un problème de mauvaise allocation des crédits qu’ils ont dispensés avec prodigalité afin d’éviter une chute trop brutale de la croissance et ses conséquences sociales, contrecoups de la crise occidentale. Mais elles sont soumises à des impératifs contradictoires, devant à la fois développer le crédit et le restreindre : dans le premier cas elles favorisent la spéculation, dans le second elles pénalisent l’activité économique qu’elles voudraient impulser. Car le paradoxe veut qu’elles s’efforcent de contourner l’inertie d’un système bancaire public attaché à un mode de développement qu’elles cherchent à dépasser en utilisant comme levier le système informel. Mais celui-ci a sa propre logique…
Les autorités japonaises sont confrontées à un tout autre problème. La politique d’expansion monétaire massive de la Banque du Japon a bien fait frémir l’indice d’inflation – en attendant confirmation – mais son principal résultat a été de déclencher une euphorie boursière et de gonfler les bénéfices des trois mégabanques du pays. Trois flèches devaient être décochées selon l’image employée par le premier ministre, mais seules les deux premières l’ont été sous forme de plans de relance, économique par le gouvernement et monétaire par la banque centrale.
La troisième flèche, les réformes structurelles, se fait toujours attendre et il serait question qu’en guise de substitution la banque centrale poursuive au-delà de ce qui était prévu son programme d’assouplissement monétaire afin de soutenir une activité ralentie par la hausse de la taxe sur la consommation. Celle-ci a été finalement décidée afin d’accroître les recettes fiscales et de lutter contre la croissance incontrôlée de l’endettement de l’État, le premier au monde en terme de rapport au PIB, équivalente à 250 % de celui-ci. Face à la baisse prévisible d’une croissance comparée à un feu de paille, et faute de pouvoir financer un nouveau plan de relance pour ne pas davantage endetter le pays, la Banque du Japon pourrait aller au-delà de ses objectifs initiaux de doublement de la base monétaire du pays en injectant de nouvelles liquidités d’ici à la fin de l’année. Mais à quoi cela servira-t-il ? À affaiblir le yen afin de favoriser les exportations et la croissance ? À susciter une nouvelle euphorie boursière, ou bien à financer l’achat de la dette publique via les banques ? Sans doute un peu des trois, mais le compte n’y sera pas.
La politique monétaire ne semble décidément pas le meilleur outil de relance de l’économie. Dans le cas de la Chine, elle a accéléré la croissance d’un système bancaire informel incontrôlé et un endettement à la viabilité incertaine, et dans celui du Japon elle favorise l’activité spéculative des banques et finance indirectement la dette publique, fragilisant potentiellement le système bancaire au cas où ses taux viendraient à monter (et la valeur des titres à baisser). Dans les deux, il n’y a pas de sortie de crise envisageable à court terme, ce qui nous renvoie à l’Europe.
Salut Chabian, Bon ça y est, j’ai terminé le bouquin de Graeber/Wengrow, celui de Scott, et celui de Harari. Faut…