L’IMPORTANCE DE PENSER « EN AMONT », par rienderien

Billet invité.

Vous avez raison, Paul Jorion, il faut voir « en amont », autrement dit aller fouiller au cœur de la machine, et non pas chercher à changer la courbure d’un bout du tuyau ou à remplacer le bitoniau.

Manger moins de viande, par exemple, est une nécessité pour la planète et pour notre santé, et pour sortir d’un cycle infernal.

Nous sommes tous d’accord sur les maux inhérents que produisent les élevages industriels sur les animaux, l’environnement et la santé humaine. Les profits économiques des cultures et des élevages industriels pour la consommation, qui impliquent de nombreux acteurs, en amont et en aval de la production, ne permettent plus d’arrêter cette machine folle sans créer un désastre économique – comme pour les banques Too Big to Fail (Trop grosses pour tomber).

Guillaume Garot, le ministre délégué à l’Agroalimentaire, rappelle que le secteur de l’agroalimentaire pèse toujours lourd : « L’agroalimentaire demeure un secteur fort du redressement économique du pays, il dégage 11,6 milliards d’euros d’excédent pour la balance commerciale. »

Manger des produits sains, goûteux, cultivés ou élevés dans le respect de l’espèce et de l’environnement triplerait le prix à la consommation. On peut imaginer qu’une telle charge porterait à la révolte ceux qui bossent et vivent avec un smic, bien qu’ils auraient des raisons suffisantes de se révolter contre les produits de consommation nuisibles à leur santé.

Manger des fruits et des légumes qui n’ont pas de goût et remplis de pesticides, il faut le dire, ça n’aide pas à changer de comportement.Dans Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous, un réquisitoire percutant contre les effets corrosifs des inégalités, y compris sur la santé, les épidémiologistes britanniques Richard Wilkinson et Kate Pickett  écrivent que changer de comportement est plus facile « pour les gens qui ont le contrôle de leur vie et se trouvent dans un bon état émotionnel […] l’allégement du fardeau de l’inégalité pourrait largement contribuer à surmonter l’épidémie d’obésité. »

Dans un rapport particulièrement troublant, publié le 30 avril, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), s’inquiète de la résistance de certaines bactéries aux antibiotiques, une perte d’efficacité qui rendrait des infections courantes et facilement prises en charge, particulièrement mortelles. On apprend sans surprise que ce sont les poulets les moins chers qui sont les plus touchés par cette résistance aux antibiotiques : ce sont les échantillons issus des volailles standard et premier prix qui semblent les plus impactés. Si pour le Label rouge, la résistance est moindre lorsqu’elle est présente, cela concerne les antibiotiques critiques, les plus forts. De quoi inquiéter tous les consommateurs, mais plus particulièrement les populations dont les revenus sont les plus faibles, comme l’expliquait d’ailleurs sur Europe 1, Olivier Andrault, chargé de mission alimentation chez UFC – Que Choisir. Mais depuis 1999, l’utilisation de ces antibiotiques dans l’élevage des volailles a doublé.

« Bientôt, avant de se mettre à table, on ne se dira plus : ‘Bon appétit !’, on se souhaitera plutôt ‘Bonne chance’ », écrit Pierre Rabhi, parce que nous préférons continuer à pousser le système pour des résultats immédiats, pour produire à bas prix, pour nourrir les petites gens qui font marcher la grande machine à créer de la pauvreté, malgré les dégâts écologiques, malgré les risques sanitaires, et malgré les blessures mortelles à la dignité humaine.

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