Billet invité, suite de LA DETTE !
Tout d’abord, merci, merci, merci, mille milliards de mercis à vous tous hier qui avez lu mon témoignage, qui avez ou non réagi, m’avez conseillé ceci ou cela (même si vous ne me connaissez pas, ni précisément ma vie actuelle ; mais tout conseil est bon à être écouté). Merci pour votre soutien moral, votre écoute, votre fraternité, votre compassion, votre solidarité. Cette chaleur et cette humanité m’a grandement touché, jusqu’aux larmes, jusqu’à me laisser bouche bée. Merci à Paul Jorion, sans qui rien de tout cela ne serait possible.
La Dette ! fut écrit la gorge et l’estomac noués. Comme quelques-uns me l’ont fait remarquer, effectivement, je ne demandais rien. Je n’y avais pas pensé et je n’aurais pas osé. Je n’avais pas imaginé également devenir malgré moi le porte-voix de nombreux autres. Et même, je n’avais même pas pensé que Paul Jorion ouvrirait les commentaires !
J’avais juste envie de crier, de témoigner, et surtout pas de me plaindre, comme aujourd’hui encore. Même si inconsciemment je sais que ce que je vis – par rapport à l’argent, à la dette et aux chaînes bancaires – d’autres le vivent également et que tout ce que j’ai décrit, des millions voire des milliards d’humains le vivent aussi et bien plus durement encore que moi – j’ai toujours pensé que beaucoup s’en sortent bien mieux que moi pour gérer leur argent. Je pensais que mon incompétence était une « tare familiale » et m’isolait. Mais non.
Pour faire taire les préjugés à ce sujet, sachez que je suis quelqu’un « qui ne dépense pas » : par peur de manquer d’argent car n’arrivant pas à faire d’économies, je n’achète que le strict nécessaire. Le seul plaisir non alimentaire à titre personnel que je m’autorise, c’est l’achat de livres (d’occasion souvent) et quand je le peux, du matériel de peinture. Je n’ai pas d’écran plat relié à l’antenne, mais un téléphone portable à 1 euro et une voiture de 14 ans qui passe le contrôle technique ce mois-ci (j’espère qu’elle l’aura). Consommer ne m’intéresse pas, car tous ces gadgets à l’obsolescence contrôlée, c’est du superflu. Pire, beaucoup s’endettent pour de belles électroniques ou voitures !
Dix ans et même plus en fin de compte, à vivre la peur au ventre (et je voyais mes parents fuir dans l’alcool, les jeux de la Française des Jeux, la télévision, la religion – moi c’était les livres et le dessin) m’ont traumatisé. L’argent, l’endettement et les banques me terrorisent toujours. Leur monde me terrorise. Il est tellement éloigné de l’Humain, de l’Humanité, du Naturel. Mais il est vrai que l’homme est un loup pour l’homme et que, In Girum Imus Nocte et Consumimur Igni…
La pauvreté (je me rappelle avoir cherché, adolescent, si nous vivions sous ce fameux « seuil » : et nous y vivions, dessous) est quelque chose qui m’a effrayé, pétri en profondeur, terrorisé. Je l’ai aussi combattue, mais le combat contre ce système est tellement démesuré que les coups qu’il m’a infligés m’ont totalement traumatisé. Et je ne dois pas être le seul à avoir vécu cela. Alors oui, ce combat et mes recherches depuis 20 ans m’ont rendu riche, humainement parlant. Mais j’ai été battu par le système, comme un « maître » malveillant roue de coups « ses » chiens.
Aujourd’hui, dans la prison où je travaille, j’ai discuté avec un simple homme de 21 ans, un « Gitan » comme il se revendique fièrement : vivant en caravane, illettré, sans ressources ni emploi, non pas voleur de pommes mais d’autoradios et GPS. Il est arrivé avec 20 euros en poche. Mais il souriait, et n’était pas suicidaire – même si comme tous les gens des « camps », il souffrira vite de l’enferment. Car, comme les politiquement « calibrés » SDF (autrefois appelés clochards) mais différemment d’eux (car vivant en communauté), le Gitan « ne mange pas ses mors » de cheval – il est né libre. Il mourra libre. Il n’est nullement attaché au système, si ce n’est, temporairement, derrière les barreaux, ou dans le cadre d’une mise à l’épreuve judiciaire. Il était peut-être « pauvre » sur le papier – mais dans son cœur, cela se voyait que non. Il n’était pas terrorisé par le système – comme nous le sommes, nombreux à lire le blog de Paul Jorion. Il va « faire sa peine » patiemment. C’est le jeu du « pas vu pas pris » – mais l’on sait que pour les « voleurs en cols blancs », la prison est un lieu quasi inconnu.
Jeune et adolescent, je dépendais de mes parents, qui eux-mêmes dépendaient : de la Sécurité Sociale-CMU, de la Banque de France (pour surendettement), des crédits-revolving (on te dégaine un crédit sitôt que tu en émets le souhait ! Mon père voit encore cela comme quelque chose de quasi magique et pas comme une dette !), de l’ANPE (rires) mais aussi et surtout, du Secours Populaire qui nous habillait, des Restos du cœur qui nous nourrissaient, d’Emmaüs qui nous meublait, etc. Nous vivions dans une maison « ouvrière », sans tout à l’égout, sans salle de bain, sans eau chaude, sans chauffage central, le wc avec sa fosse dehors – la seule maison de la « Cité Cornil » encore « en l’état » : le quartier n’était fait que de ces maisons, toutes construites à côté de l’usine de… Mme Cornil. Elle n’a jamais voulu faire un seul aménagement dans notre maison, et mes parents n’ont jamais osé faire passer la DDASS pour insalubrité… Et tous mes années scolaires, j’ai été brimé, insulté, raillé, frappé, moqué pour mes habits de pauvre, ma vie de pauvre (ou de « cassos »), etc. Tout cela est du passé, je ne m’en plains pas, j’en témoigne – mais j’en ai encore peur. On ne sait jamais.
Voilà la misère qui m’a frappé. Et chaque cas que je rencontre, découvre, lis, écoute, me meurtrit et me révolte. C’est indigne et humiliant de survivre ainsi. Cela ne devrait plus exister. Certains disent que les pauvres et miséreux ne doivent pas se plaindre et feraient « mieux de travailler » : mon père a cherché du travail après avoir été « licencié économique ». La PME dans laquelle il travaillait depuis 25 ans (fabrication de meubles en rotin) a dû mettre la clef sous la porte : déjà dans les années 90, les Chinois avaient gagné…
L’un des commentateurs de La Dette ! disait qu’en somme le système finirait par tomber, par une sorte « d’effet de capillarité » : les pauvres ne pouvant plus consommer et se paupérisant tellement, les classes moyennes suivront… « jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un ? » Je le crois aussi. Quelque part, désormais tous complices par procuration, nous sommes en puissance des Néron, regardant le système se consumer de lui-même. Aurea dans son premier commentaire a raison : sitôt qu’un individu est sorti du système, celui-ci l’exclu définitivement et le stigmatise. Cela me rappelle d’ailleurs un ouvrage, La France Invisible (éd. La Découverte).
Un autre commentateur, le premier, Éric, disait « attendre que ça pète – mais que ça ne pète pas ». Je ne pense pas que ça pétera. Nous n’en avons plus les moyens. Les peuples occidentaux en sont interdits. Tout est cloisonné et quand on manifeste en Grèce et en Espagne, il est désormais difficile de savoir en France que cela se passe. Même s’il faudrait nécessairement en passer par une nouvelle Terreur dirigée par le Peuple, cela n’adviendra pas et nous ne le souhaitons pas : nous souhaitons que la transformation, la transmutation ait lieu sans la moindre goutte de sang (bien qu’une partie réellement exclue en serait capable).
Les adaptés au système existent aisément en son sein et le défendent (comme ma sœur d’ailleurs). Donc, je ne vois qu’une solution : celle des Gitans ! Les bouddhistes (dont je suis) disent que la Libération vient lorsque l’on n’est attaché à rien. Retirons-nous donc de ce système que nous subissons et qui n’est pas une Démocratie. Ne consommons plus, faisons cet acte politique, et retrouvons une part de dignité en faisant les choses de nos mains. Réapproprions-nous donc nos vies, vivons, au lieu d’exister !
Le travail n’est pas une fin en soi, mais ce moyen de vivre est devenu une fin pour la survie, le signe d’une reconnaissance de l’existence personnelle au sein du système. « Ne perdez pas votre vie à la gagner ! » – oui mais pour vivre sa vie rêvée (pas simplement vivre), il faut… de l’argent. J’ai une fille et en tous cas, je ne veux pas qu’elle pâtisse de mes erreurs ou faiblesses. Je veux qu’elle VIVE. Je ne la veux pas enchaînée au système, comme je le suis et donc, je dois m’en extraire. Je ne vais donc pas me tuer pour le système, ni pour mon travail, ni pour des dettes, de l’argent, des patrons avides aux dents longues. Fuck Off And Die disent les Punks ! On naît nu et on meurt nu, disent les Tibétains. Bien à vous, tous, y compris les vignerons.
De nouveau, je dédie ce billet à Paul Jorion et Annie Le Brun, ainsi qu’à tous ceux qui se sont exprimés, et bien sûr à ma fille chérie, pour qui je me bats.
NB à Karluss : les spaghettis du Vicomte, comme je l’ai dit dans un précédent billet, sont excellents et ont un bon rapport qualité/prix (du moins pour mon portefeuille). J’espère t’y voir, ainsi que bien d’autres de ce blog !
@Chabian Transformer l’Ukraine en Belgique , voilà une piste.